Je me permets, avec une certaine audace, de paraphraser le Prophète Jérémie… Après une quinzaine de jours en Algérie, je crois pouvoir dire : je me suis laissé séduire !!! J’avais lu beaucoup sur l’Algérie, surtout pendant ma formation, mon propre frère aîné avait fait son service en Algérie lors de la guerre de libération, une cousine s'était mariée avec un Kabyle et avait vécu à Bab-el-Oued à la porte de la casbah… Mais entre écouter, lire et venir sur place c'est tout autre chose.
Je rêvais de découvrir l'Algérie, voir sinon les lieux exacts, le pays où nous avions été fondés, les Missionnaires d'Afrique ou Pères Blancs. Je voulais aussi me recueillir aux pieds de Marie à Notre Dame d'Afrique et rendre grâce avec elle pour mes cinquante premières années de vie missionnaire. Je peux dire que j'ai eu tout ce que je désirais. J'ai passé une journée complète à la basilique, méditant longuement dans la petite chapelle des premiers serments et remerciant Marie pour toutes les grâces reçues de son Fils par son intermédiaire. Sur beaucoup de feuilles pour les retraites ou les récollections, j’avais reproduit son image, là je l’avais devant moi portée sur cette belle colonne à céramiques vertes émeraude du plus bel effet.
Invité par les confrères de Tizi-Ouzou que je connais bien, j’ai pu passer quelques jours avec eux et découvrir un peu la Kabylie. Le col des genêts (=Tizi-Ouzou), m'a enchanté. La route qui monte vers le village du célèbre chanteur et défenseur de la culture Kabyle, Lounès Mattoub, est vraiment pittoresque.
Surprenante découverte pour moi : j’ai trouvé sur sa tombe ce symbole que les dogons appellent « le Kanaga ». C’est le masque le plus traditionnel symbolisant l’homme qui trouve sa place dans le cosmos selon la cosmogonie du peuple dogon. Me renseignant sur cette similitude, on m'a expliqué qu’ici il symbolise plutôt l’arbre. Les branches s’alimentant grâce aux racines. Personne ne peut renier ses racines, c’est là où la vie puise pour s’alimenter et se renouveler sans cesse.
J’ai aussi été séduit par la communauté de Tizi-Ouzou, celle des confrères et celle de tous ces jeunes qui composent le plus gros de la communauté paroissiale. L’ambiance est chaleureuse, on croise des étudiants venant d'un peu partout, on entend parler anglais, français, swahili, lingala, moore, wolof, et l’on y chante dans les langues de l’Afrique subsaharienne.
Je n’étais certes pas dépaysé, mais vraiment surpris de trouver cette communauté si vivante. Le silence à la bibliothèque en dit long sur le sérieux de ces jeunes qui préparent l’avenir de l’Algérie ou de leurs pays respectifs. La communauté de Tizi Ouzou est jeune et pleine d’avenir. Il y fait bon vivre.
Après ce trop bref séjour à Tizi-Ouzou, je me suis rendu en taxi collectif jusqu'à Oran. Très beau voyage. J'étais assis devant et le chauffeur se faisait un honneur de me citer et décrire toutes les localités que nous traversions. À Oran, je me suis rendu directement au Centre Pierre Claverie où j’ai reçu un très bon accueil. J'ai pu visiter longuement la ville et me rendre à Santa Cruz avec le P. Thierry Bekker, avec lequel j'avais souvent échangé par mail quand je me trouvais au Centre Foi et Rencontre à Bamako. J’ai passé deux belles soirées avec les Sœurs Maliennes FCIM, avec lesquelles j'avais beaucoup travaillé au Mali.
Nouveau devoir de mémoire, au Centre Pierre Claverie. J’ai longuement prié sur la tombe de cet évêque, réellement charismatique. J'avais eu la chance de le rencontrer à Paris lors d'un forum organisé par les OPM de France sur le thème du dialogue interreligieux. J'avais été frappé par sa bonhomie et sa grande connaissance du milieu algérien. Ce jour-là il nous avait longuement interpellés sur notre approche de l'autre, différent dans sa foi. Près de sa tombe, quelques photos et textes illustrent son parcours. J'ai été frappé par une phrase que j'ai remâchée pendant toute ma méditation : « La valeur de ma vie dépend de ma capacité à la donner ! ». Oran, une très belle ville, mes promenades sur le front de mer, le marché de pois- sons et de condiments, ma visite au Centre culturel français où j'ai pu m'entretenir avec un des animateurs, ma célébration chez les Petites Sœurs des Pauvres, à « ma maison », ma rencontre avec le vicaire général et ma prière dans la chapelle de l'évêque qui abrite l'authentique statue de Notre Dame du Salut, que des générations de chrétiens ont vénérée à Santa Cruz.
Puis ce fut le retour, par train, jusqu'à Alger. Visite de la casbah et de ses superbes palais nichés ici et là, visite de la grande poste et du bastion 23 qui recèlent tant de richesses architecturales. Pour me régénérer, j'ai pu respirer un bon air dans le jardin d'essais, admirer ses superbes bambous et ses thuyas majestueux. Près de Notre Dame d'Afrique, j'ai pu aussi me rendre dans l'ancien séminaire Saint Eugène dont j'avais si souvent entendu parler. Devenu école publique, on m'a permis d'entrer dans la cour et de voir les vieux bâtiments. Que de souvenirs me revenaient à l'esprit.
Les derniers jours, grâce aux confrères Pères Blancs sur place j'ai pu me rendre à la maison diocésaine et chez les jésuites qui animent un centre de spiritualité dans une belle demeure qui date de la période turque, puis la cathédrale du Sacré Cœur enchâssée dans un quartier aux immeubles du début du siècle, de belle architecture. Belle cathédrale avec son puits de lumière et sa structure qui rappelle une tente bédouine.
Vendredi matin je me rendais à Borj el Kiffan, dans la banlieue d'Alger pour y célébrer la Messe des Rameaux avec un prêtre lazariste. Oui il convient de s'ajuster à ces changements de jours et d'horaires mais pourquoi pas… c'est le jour de prière pour les croyants qui nous accueillent… que ce soit le jour de prière hebdomadaire pour nous ne me choque pas… mais ça demande une petite adaptation.
Que retenir de ce voyage si bref… beaucoup d'images, beaucoup de rencontre, la découverte d'un peuple très hospitalier… chaque fois que j'ai dû me renseigner, surtout à Alger et à Oran, je n'ai rencontré que des gens forts sympathiques. Quelqu'un a même ajouté une fois : tu es ici chez toi… c’est la même formule qui est utilisée au Mali pour accueillir l'hôte de passage. J'en avais les larmes aux yeux. Petites communautés minuscules mais qui ne craint pas de dire et de chanter sa foi. Prêtres, religieux, religieuses qui s'engagent dans beaucoup de domaines : santé, formation, animation, bibliothèques… Il y a un dynamisme qui m‟a surpris.
Enfin je remercie très chaleureusement tous ceux et celles qui ont permis que ce voyage soit vraiment une découverte pour moi. J'ai été très ému de voir qu'on voulait me faire connaître tout ce qu'il y a de plus beau et de plus vrai dans l'Algérie d'aujourd’hui. Mon souhait : revenir dès que je pourrai pour aller encore plus loin dans ma découverte du pays et de ceux et celles qui l'habitent.
Saha, Saha (Merci, Merci ) Alain