Missionnaires d'Afrique
Julien Cormier
Canada
“Urgence de la transition !”
Voilà la petite phrase qui nous a frappés à la fin de la visite au Canada du P. Richard K. Baawobr, notre Supérieur général, du 22 mars au 1er avril. Qu’est-ce qu’elle veut dire dans le contexte actuel de notre Société dans les Amériques ? Tels que nous sommes comme Pères Blancs, notre nombre, notre quantité et même notre “qualité”, nous pouvons encore tenir cinq ans au Canada, trois ans aux États-Unis, et six ans au Brésil et au Mexique. “Si la tendance se maintient...”
À Cologne, à la réunion des Supérieurs provinciaux, et à Montréal, devant les confrères et le Conseil provincial, notre Supérieur général nous a démontré, tant en théorie qu'en se basant sur les faits, que la “mission dans le monde africain” est d’actualité et que notre Société est toujours capable d’y être active. Comme Missionnaires d’Afrique, nous sommes de plus en plus demandés, et nous avons (plus que d’autres) une nouvelle génération de confrères déjà aux postes de commande et plus de 450 candidats en formation !
Richard Baawobr et Pierre Aucoin au Conseil provincial des AMS en avril 2014.
Alors, pourquoi “Urgence de la transition” ? Bernard R. Tremblay, juste à la veille de prendre un long congé pour se reposer, a souligné le besoin urgent de faire venir dans les Amériques, dès maintenant (= 2015, 2016 ?), une relève non-américaine pour continuer la mission au Canada et aux États-Unis. Le Centre Afrika de Montréal, Africa Justice and Faith Network de Washington, la Paróquia Santa Mônica de Salvador, au Mexique, “donnent vie et une vie de qualité” (Jean 10,10). Au Mexique, nous avons un Centre de formation pour transmettre à de nouvelles générations notre manière de vivre l’Évangile et de faire la mission.
Notre mission produit des fruits parce que reliée à nos racines : Jésus Christ, l’Évangile, Vatican II, nos Chapitres généraux, les intuitions du cardinal Lavigerie. Notre travail, dans les Amériques, soutient la mission de la grande famille des “Missionnaires de Notre Dame d’Afrique” et lui garde son caractère international. Lavigerie et Mère Salomé nous voulaient ainsi. Plus de 10,000 confrères et consœurs, maintenant au ciel, ont donné leur vie pour enrichir de leurs réalisations, de leurs succès et mêmes de leurs échecs, les intuitions de nos fondateurs.
Il y a “urgence”. Si nous attendions la disparition ou la mise à la retraite des derniers confrères canadiens et américains pour faire venir dans les Amériques des confrères originaires d’ailleurs dans le monde, il n’y aurait pas de transmission. Le lien serait brisé avec les bienfaiteurs et les Églises locales qui continuent de croire en nous. À chaque congrès annuel de l’United States Catholic Mission Association, on se rend compte que les nouveaux instituts religieux africains ont déjà ouvert, aux USA, leurs “missions” et leur Development Office (aux USA, il s’agit du développement financier). Notre Société commence à le faire.
Portrait du cardinal Lavigerie donné par les Soeurs SMNDA du Canada.
Serge Traore, Sup. délégué - Brésil.
Dans le domaine des finances, comptabilité, investissements, administration de la cuisine et économat local des grosses maisons, nous passons de plus en plus les responsabilités à des professionnels, soit à des “traiteurs” (des sociétés qui fournissent des employés) soit à des employés engagés individuellement. C’est aussi vrai pour la comptabilité au Mexique et au Brésil et, pour le Development Office, aux USA. Certaines de nos (petites) communautés vivent et continuent leur mission dans des maisons qui ne nous appartiennent plus, comme à Winnipeg, Chicoutimi et Ottawa.
Mais ici, je vise nos engagements en tant que “Missionnaires d’Afrique”, notre “mission” dans les Amériques. S’il n’y a pas transition, maintenant, entre les PB des Amériques et la nouvelle génération venue d’ailleurs, nous obligerions la Société (des confrères en majorité africains) à refonder au Canada et aux États-Unis. Pourquoi attendre ? Nous sommes en excellente santé financière et la mission (pour ceux qui y croient) est abondante... même si les ouvriers sont peu nombreux.
Problème : des confrères du Canada et des États-Unis manifestent par leurs réflexions qu’ils n’y croient plus et qu’ils préféreraient que nous réduisions nos activités pour disparaître en beauté. La théorie du retrait (des années 1970) ne s’applique plus seulement à l’Afrique, mais nous rejoint parfois dans nos maisons de retraite dans les Amériques. Au pire, c’était exprimé ainsi : “Les Africains ont voulu leur indépendance. Qu’ils se débrouillent seuls maintenant.” Se retirer des Amériques ? C’était déjà le cas, il y a 8 ou 9 ans, lors de la crise du Brésil. Ce n’est plus le cas au Brésil.
C’était aussi le cas lors de l’abandon de nos publications missionnaires au Canada par “souci d’économiser et par manque de personnel”. Ce n’est plus le cas maintenant. La même question surgit pour les États-Unis où il n’y a plus de confrères de nationalité américaine pour prendre la relève du Supérieur délégué actuel. Le candidat américain, en théologie à Abidjan (serment prévu cette année), ne sera pas immédiatement nommé aux USA après son ordination. Il lui faut s’enraciner en Afrique avant d’être fécond dans son pays d’origine. Et, pour le Canada, la même question va surgir dans six ou sept ans.
Solution : Nous avons à travailler à la motivation de nos confrères les plus pessimistes, parfois malades et “retraités”. Nous avons aussi à accueillir comme confrères à part entière les plus jeunes PB qui seront nommés dans les Amériques, par le Supérieur général, dans les années à venir. Quand, Canadien, je suis arrivé au Burundi en 1966, je me sentais “chez-nous”, confrère à part entière. Il faudrait qu’en Amérique, nous accueillions les confrères d’origine étrangère de la même manière que nous, Canadiens et Américains, avons été accueillis jadis en Ouganda, en Zambie, au Burkina, au Congo... avec tous les droits et devoirs d’un bon Père Blanc, y compris ceux d’être nommés ou élus comme Supérieur provincial, Supérieur délégué, Supérieur de maison ou responsable d’une mission.
Notre Société est en bonne santé. Sa mission au 21e siècle est de plus en plus “demandante” et intéressante dans les Amériques (Brésil, Mexique, États-Unis et Canada). Prions le Maître de la Mission d’envoyer des ouvriers à sa vigne.
Ne soyons pas de ces “ouvriers de la première heure” (le 20e siècle) qui se mettent dans la confortable position du téléspectateur d’un match à la télé, pour critiquer à l’avance les ouvriers de la dernière heure (le 21e siècle). Urgence de la transition : la balle est dans le camp du Supérieur général (en conseil) qui seul à le pouvoir actuellement de faire des nominations en direction des Amériques. Il a déjà commencé ! Encourageons-le à continuer.
Julien Cormier
Supérieur provincial des Amériques