Missionnaires d'Afrique
Édouard Duclos M.Afr
Billère France
Retour en France après 52 ans en Afrique
C’était dans les années 2005, à Ouagadougou. Je travaillais au Pélican, centre pour élèves du secondaire et étudiants, où je m’occupais de tout ce qui touche aux études des élèves inscrits, (plus de 500). Une équipe de trois jeunes, d’une jeune religieuse et d’un adulte en assurait la marche quotidienne. J’y avais été nommé en 1992, en même temps que notre regretté René Salmon. Terry Maden, y assurait la responsabilité de l’animation missionnaire auprès des jeunes candidats.
Au cours de l’année 2005, le Père provincial, Eugenio Bacaicoa, me dit : “En juin, tu retournes en France” ; c’est ce que j’ai retenu, sans trop savoir ce que fut ma réponse. je ne fus pas tellement surpris, me sachant, depuis plusieurs années, promis, un jour ou l’autre, à la retraite. Nous savions que le Père Régis Chaix, notre ancien Provincial du Burkina, devenu responsable de la nouvelle Maison de Billère en construction, cherchait des résidents pas trop vieux !
Pèlerinage à Lourdes situé non loin de Billère.
Les mois ont passé, j’ai continué mon petit travail au Pélican sans problème ; en mars 2006, Eugenio m’appelle et me redit : “En juin, tu retournes en France.” On avait sans doute trouvé le remplaçant. Tout se passait en douceur : j’avais ainsi eu tout le temps de préparer mon départ définitif.
À cette époque, certains désiraient ardemment mourir en Afrique, comme notre regretté Dominique Nothomb qui repose au cimetière de Ouagadougou après des obsèques en la cathédrale, en la présence de l’archevêque, Mgr Jean-Marie Untaani Compaoré. Comme beaucoup, j’ai toujours pensé à l’inévitable retour définitif, sans l’attendre, bien sûr : “Il y a un temps pour arriver et un temps pour partir”.
En quittant l’Afrique, j’ai tenu à faire le deuil du Burkina. Je suis allé saluer Mgr Anselme Sanon à Bobo, Mgr Lucas Sanon à Banfora ainsi que la communauté de Nyangoloko, la première paroisse qui m’a accueilli en 1962 et m’a appris la langue kirma ; visite de reconnaissance pour l’accueil, simple et amical, en faveur de l’étranger débarquant chez eux ; aux amis et connaissances, j’ai remis une carte d’amitié et d’adieu. À certains je leur ai précisé : “Je quitte le Burkina dans la peine, pour terminer ma vie dans ma famille spirituelle, les Missionnaires d’Afrique.” C’est seulement par la suite que je me suis rendu compte de l’importance de vivre consciemment le deuil, de laisser le Burkina derrière moi, de tourner la page.
Ma nouvelle vie à Billère
En octobre 2006, après deux mois passés en famille, je suis arrivé à Billère, notre belle Maison de Retraite, nouvellement agrandie, avec toute une aile de deux étages, très agréable avec le jeu de la lumière dans les couloirs, le grand escalier, les chambres, la salle de restauration. Comment ne pas s’y plaire ! C’était “ma rentrée…” en grande communauté d’une bonne quarantaine de confrères, dont il fallait redécouvrir les visages et les noms, particulièrement ceux des confrères d’Afrique centrale ou orientale, dont j’avais perdu la trace depuis notre ordination.
La retraite en communauté, un temps d’approfondissement
de notre vocation missionnaire, dans l’action de grâce.
C’était aussi la rentrée dans un nouveau régime de vie bien cadré avec ses mille détails auxquels il convient de s’accorder, au jour le jour, au long des semaines et des mois. Des amitiés se renouent : une invitation pour un thé au Géant Casino, une visite guidée de la ville de Pau et des Pyrénées. Autant de délicatesses de confrères qui m’ont aidé à m’insérer en mon nouvel état de “Résident en Maison de retraite.” Petit à petit, tu te trouves à l’aise, avec un petit job ; j’ai hérité de la bibliothèque, riche des livres laissés par ceux qui nous quittent, mais peu fréquentée ; nous préférons les revues, plus faciles à lire et en direct avec l’actualité.
Dans nos conversations ou échanges, nous restons discrets sur ce qui fut notre vie en Afrique. Au fil des années, nous prenons conscience de la diversité de nos engagements, des défis que chacun a eu à vivre, des épreuves et blessures endurées, de la dégradation des santés ; cette discrétion mérite le respect. Jacques Amyot d’Inville, alors responsable, réussit à ce que tous acceptent d’écrire une page de leur vie missionnaire.
La liturgie des heures du matin et du soir nous rassemble et rythme notre temps de prière communautaire, dans la liberté et le respect de chacun. Quant à la célébration eucharistique, elle est au cœur de nos journées pour nous rappeler, dans le calme du train-train quotidien, l’essentiel de notre vocation en Jésus-Christ, mort et ressuscité. Aujourd’hui, sur les 50 confrères résidents, seuls une dizaine président la messe de communauté, et quinze grands malades, en petites voitures, sont au premier rang de l’assemblée autour de l’autel. Image saisissante, évocatrice de la parole de Jésus “Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit”. Parole d’espérance, dans la joie de vivre en communion avec tous ceux et celles qui peinent et luttent en Afrique.
Avec les années qui s’écoulent, mûrit notre réflexion. Ce temps de retraite en communauté devient de plus en plus un temps d’approfondissement de notre vocation missionnaire, dans l’action de grâce au Seigneur, à Marie.
Que ces quelques propos soient porteurs de cette joie qui nous habite en maisons de retraite : joie de terminer notre vie dans la famille qui nous a accueillis, formés, guidés, déconcertés parfois, mais remis debout. Merci de nous avoir aidés à faire le passage de Vatican I à Vatican II, par les retraites à Jérusalem, les visites des responsables, les orientations données. Merci à tous les confrères qui, sur le terrain, nous ont tirés vers le haut, vers l’engagement véritable. Merci à nos jeunes confrères qui continuent ce travail en Afrique, dans le “tout à tous” du cardinal Lavigerie, et de notre pape François. “Magnifique est le Seigneur ! Tous nos cœurs pour chanter Dieu !”
Édouard Duclos M.Afr
Voir aussi son témoignage pour ses 60 ans de Serment