Missionnaires d'Afrique
Jan Heuft, Père Blanc
Niger
Une autre Église, une autre vitalité !
Il était à peine deux heures trente du matin, lorsque l’avion venant d’Alger touchait le sol de l’aéroport international de Niamey. À l’accueil : deux jeunes confrères Pères Blancs, l’un du Congo, l’autre de l’Inde. Ce dernier n’arrêtait pas de clamer que c’était le troisième anniversaire de son ordination sacerdotale et qu’il était “hyperheureux” d’être le serviteur du Seigneur dans le sacerdoce. D’ailleurs, le lendemain, dans la cathédrale de la ville, il a prononcé “une homélie du tonnerre” sur le sujet, accompagné par des applaudissements fervents et fréquents des fidèles enthousiasmés par son témoignage ! Pour moi, venant de l’Afrique du Nord, une telle foule à la messe fut un événement en soi !
Après avoir passé quelques heures dans la maison d’accueil des Missionnaires d’Afrique où encore deux autres confrères, l’un espagnol et l’autre français, ont tout fait pour rendre mon séjour agréable, j’étais censé animer, dans une salle de l’archevêché, une réunion traitant le problème du service rendu aux migrants désireux de retourner dans leurs pays d’origine.
De nouveaux prêtres étrangers se sont ajoutés à notre groupe : un Congolais, un Italien, un Béninois et un Togolais. La société civile nigérienne musulmane fut représentée par une association gérante d’une station de radio locale. Il était particulièrement agréable de réfléchir avec un tel groupe de jeunes, dynamiques et engagés pour la défense des droits des plus pauvres, en particulier des migrants sur la route du retour.
Ensemble, nous formons une chaîne de solidarité allant d’Alger/Oran jusqu’à Kinshasa, en passant par des multiples points de “ravitaillement” dont Ghardaïa, Tamanrasset, Adrar, Gao, Bamako, Arlit, Agadez, Niamey, Zinder et Birni N’konni.
En arrivant à l’archevêché de Niamey, nous avons été frappés par la présence dans la cour de deux familles libériennes que nous avions aidées, à partir d’Alger, à rejoindre leur pays d’origine.
Le prêtre italien, chargé de l’accueil des migrants, s’est montré très accueillant et préoccupé d’assurer un départ rapide de ces familles dans des bonnes conditions, dont la sécurité. L’Organisation Mondiale de Migration, OMI, devrait organiser ce retour.
Ces deux familles avaient été maltraitées par les forces de sécurité à la frontière d’Algérie et du Niger. Là encore, notre confrère italien, nous a courageusement accompagnés au ministère concerné pour signaler ces traitements indignes de l’être humain. Nous avons admiré son franc parler exemplaire, tout en respectant lui-même la hiérarchie locale !
Le dimanche, la cathédrale fut remplie de fidèles, dont les femmes, avec leurs beaux habits et leurs impressionnantes coiffures qui donnaient une image festive à cette célébration de la Sainte Trinité.
Le Père Curé, au diapason de “son troupeau”, a expliqué ce mystère “incompréhensible”, au moyen de l’image du téléphone mobile qui ne peut fonctionner sans la puce et le réseau. Cette comparaison a évidement provoqué quelques “hilarités” de la part de ses confrères concélébrant dans le chœur, mais elle a donné une bonne ambiance à cette célébration.
Un grand moment émouvant fut la cérémonie de l’offertoire où chaque fidèle avançait afin de déposer ses petites économies dans une immense corbeille au pied de l’autel, en geste de solidarité avec les milliers de réfugiés maliens campant aux frontières du pays. Vraiment, cette foule joyeuse de fidèles, marchant en chantant et en dansant, témoignait de la solidarité entre les hommes dans le malheur comme dans le bonheur !
Mon séjour dans ce formidable, mais pauvre, pays, et dans cette Église bouillante de dynamisme, s’est terminé par une visite à une association de la radio locale de la défense des droits de l’homme.
Un bon groupe de jeunes femmes et d’hommes musulmans s’engage là, et fait avancer les conditions des migrants et de la démocratie d’une manière signifiante. À tous, il nous donne “un remontant d’espoir” qu’un autre monde est possible. Il faut y croire.
Pour revenir à cette Église bouillante de dynamisme, le repas du jeudi midi qui rassemble habituellement les prêtres de l’archidiocèse et auquel je fus invité, donnait un autre signe très fort de convivialité entre des hommes animés d’un même esprit, engagés dans un même combat : celui de faire progresser le règne de Dieu.
Jan Heuft,
Niamey, le 7 juin 2012
Tiré du Petit Echo N° 1053 2014/7