Merci à toi Père Michel Tremblais
Ceci est un témoignage de ce que j’ai vécu et entendu du père Michel. Je l’ai connu il y a trois ans.
Le 11 Septembre 2011, Alain Kassogué et moi arrivions à la gare SNTV fatigués d’un long voyage de deux jours. J’appelle la maison Lavigerie et on me répond : allô, ici le père Michel. Alors je réponds: ces sont Alain et Vincent, les étudiants maliens de la 1ère année, nous sommes à la gare SNTV, est-ce que vous pouvez-venir nous chercher ? Ok ! Nous arrivons a-t-il répondu. Le père Michel est venu accompagné de Pascal Maré pour nous ramener à la maison Lavigerie. Très souriant dès le premier contact, le père Michel nous a accueillis et a pris certains de nos bagages. Il disait qu’Alain et moi ressemblions à Hardy et Laurel (deux comédiens britanniques). Arrivés à la maison, il nous a demandé si nous reconnaissions la maison avec un air jovial. Depuis ce premier jour, je l’ai aimé comme André aimait Pierre.
Je retiens de lui un homme calme, observateur, et comme la Vierge Marie, il savait prévoir. Jamais, il ne se sert le repas en premier ; ou s’il le fait, il tient compte de ceux qui sont à table avec lui. En tout cas, il m’a plusieurs fois remis son morceau de poulet ou de viande ou d’un aliment. S’il y a un étranger qui arrive, il vient toujours avant les gens pour lui réserver une place, ou s’il ne le pouvait pas, il le demandait à un des « refectoriés ». Même pendant les recollections, il était debout avant l’arrivée du prédicateur. Une fois, je lui ai demandé pourquoi il ne s’assoit pas pour attendre le prédicateur et il m’a dit : c’est pour lui montrer du respect. C’était un homme rempli d’humilité malgré les moments durant lesquels, il refusait des propositions : (utiliser de l’herbicide pour les plants au jardin) ou autres choses. Dans son génie de prévoir les choses, il avait aussi l’humilité de demander un service à quelqu’un si lui ne le pouvait pas. Tu étais très humble, mon grand frère.
Je suis pris par les sentiments mais ce que je dis n’est pas seulement qu’émotions. Le P. Michel était vraiment un frère pour moi. Je l’ai souligné dans les moments d’accompagnement ou dans Regards sur ma vie à la maison Lavigerie. Par exemple, quand un monsieur de 70 ans, qui est ton grand-père, t’appelle petit-frère, c‘est vraiment de la considération. Cette considération humiliante réduit toute la distance, la peur, le respect voulu, la crainte qu’on peut imaginer entre formateurs et étudiants formés. Si l’humiliation vient du formateur, l’étudiant est dépassé et ne peut que s’humilier à son tour. Je pense que c’est l’un des témoignages forts que le petit garçon de Poitiers a laissé. En même temps, cet esprit m’a permis de me considérer comme un petit frère du plus âgé de la maison et d’intégrer de façon tant bien que globale la vie à la maison Lavigerie. Avec des formateurs du niveau du père Michel, on ne se lassera pas de redoubler à la maison Lavigerie, on voudrait bien y vivre 10-20-30-46 ans. Mais je suis content de vivre ces trois merveilleuses années de ma formation avec lui et les autres formateurs. Je suis reconnaissant envers toi, Grand frère.
Le père Michel aimait tellement la compagnie des étudiants qu’il pouvait passer son temps à parler quand un étudiant partait à bureau pour reprendre les multiples travaux qu’on lui donnait à corriger. Je me rappelle, nous avons une fois bavardé jusqu’à 22h passées. J’avais mon travail de fin à corriger et il l’avait fini. On a causé comme des frères vraiment. Pendant la crise au Mali et surtout avec l’intervention française, nous sommes devenus amis et alliés. Moi, j’étais Dioncounda et lui Hollande. Nous parlions des événements de Gao, de Tombouctou, de Kidal, de Diabali soit arrêtés devant son bureau, au jardin, au refectoire…
Nous étions si proches que je ne pouvais pas le prendre comme accompagnateur, on aurait passé notre temps à rire au lieu de me faire accompagner. Je n’ai jamais fait équipe de vie avec lui, mais nous avons fait plus. Il était mon voisin à la chapelle pendant mes deux dernières années. On se voyait chaque matin, chaque midi, chaque soir…C’est bien ! Il savait tellement prononcer ces mots : c’est bien, hèèéè, hein hein (un drôle de rot).
Le père Michel était un homme vrai, conscient de sa mission pour notre formation. Nous l’aimions beaucoup et lui nous aimait tant.
Michel, le comédien. Il avait le don de jouer à la comédie et personne ne pouvait s’empêcher de rire. Au réfectoire ou dans les rencontres, quand il y a un décret ou une information qui sont forts (qui n’arrangent pas les étudiants ou quand c’est une grande joie), le vieux savait dire son « hein hein » pour décanter la situation d’angoisse dans laquelle nous étions. Nous ricanions et oublions la rigueur de l’information ou du décret. Ou bien, quand je commettais des fautes en français, il riait et me corrigeait après. Ou bien s’il racontait une blague sur sa grandeur Landry de Mopti, ou sur le premier ministre Luc Adolphe TIAO ou le cardinal Philippe ou sur Laurent Bado ou un autre de ses écoliers, il avait cette façon de fermer la bouche et de pousser un certain cri, pour ne pas rire aux éclats. Et même quand je partais me confesser chez lui, il était sérieux et en même temps « comédien-moqueur ». Tu vas me manquer trop grand-frère Michel !
Pendant le temps de permanence entre le 19 Juin au 24 juin, j’étais très proche du père Michel. J’étais responsable de notre groupe de permanence et le père Michel m’a beaucoup donné. On faisait les achats ensemble et par moments, j’ai fait le marché seul et il était satisfait de moi. J’étais aussi content d’être traité ainsi. Nous suivions le mondial et quand la France gagnait, la bière coulait. On mettait quelques bouteilles au frais et on jubilait après les victoires des bleus.
Michel, tu es un vrai grand-frère. Tu savais faire confiance à tout le monde !! Je ne raconte pas de bêtises. Les témoins peuvent l’attester : il s’est levé au réfectoire avant le départ pour donner quelques informations concernant les clés des chambres, des bâtiments. Il a parlé et à la fin, il dit : vous donnez toutes les clés à Vincent. Sans orgueil, j’étais surpris d’être désigné par le père Michel pour récolter les clés de toute la Maison Lavigerie. Cela traduit quelque part que le père Michel me faisait confiance et m’honorait. Cela n’est pas arrivé à moi uniquement. Beaucoup l’ont certainement vécu avec lui.
Quand j’arrivais à la Maison Lavigerie, c’est toi qui m’as accueilli et quand je repartais en vacances après trois ans, tu m’as accompagné aussi. Tu es l’alpha et l’oméga de mon séjour Ouagadougou. Y barka vυυsgo A pεr Misεl ! (comme disent les Mossé)
Il y a quelques jours, je lui ai écrit pour lui traduire tous les sentiments évoqués et lui demander un grand service, il m’a répondu mais je n’ai vu le message que quand j’ai appris qu’il était décédé sur une publication de Jean Tanoh Késsé, stagiaire au Mozambique. Dans le message, il disait qu’il n’était pas encore rentré à Poitiers, qu’il était entre les mains des médecins à Paris.
Il m’a souhaité de bonnes vacances et écrit : « on se verra en Septembre à Ouagadougou Inch’allah. » Cette expression « Inch’allah » a eu sa place dans sa phrase puisqu’on ne se verra pas à Ouaga en Septembre.
L’oreille ne se remplit pas de paroles. C’est pourquoi, je ne saurais pas tout dire de ce que le Père Michel Tremblais et moi Vincent Somboro avions vécu en trois ans, mais « ceci a été mis par écrit afin que revienne à Dieu ce qui lui appartient et à César ce qui lui appartient »
Que Dieu te prenne auprès de lui et de son Fils que tu as tant servi en servant tes frères burkinabè, congolais, français et humains tout simplement…
Je te pleure Mike. A Dieu grand frère !!!Requiescat in Pace !!! Te amamus et te laudamus !!
Vincent Somboro