Côte d’Ivoire : dix choses à savoir sur Ibrahim Cissé Bacongo, choisi par Alassane Ouattara pour succéder à Bictogo au RHDP
Désigné secrétaire exécutif du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, le député-maire de Koumassi est un fidèle du chef de l’État, et compte parmi les membres les plus « politiques » de l’entourage présidentiel.
1. Successeur de Bictogo
Après le décès d’Amadou Soumahoro au mois de mai dernier, la désignation d’Adama Bictogo pour le remplacer au perchoir a de facto laissé une place vacante au secrétariat exécutif du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Pour occuper cette fonction-clé, la nomination de plusieurs personnalités a été envisagée par le président ivoirien Alassane Ouattara et a été discutée avec certains caciques du parti, dont Kandia Camara, ministre des Affaires étrangères et vice-présidente du parti, et Adama Bictogo.
Mamadou Touré, ministre de la Jeunesse et actuel porte-parole adjoint du parti, figurait en bonne place. Cela aurait permis de symboliser le rajeunissement du parti, mais le chef de l’État ne souhaitait pas qu’un membre du gouvernement occupe ce poste. Le ministre-conseiller auprès du président, Ibrahim Cissé Bacongo, qui avait fait savoir son intérêt pour le poste, lui a donc été préféré. Il a été désigné secrétaire exécutif, le 12 août.
2. Modéré
En choisissant Bacongo comme secrétaire exécutif, Ouattara s’assure d’avoir l’un de ses proches les plus politiques à la tête d’un organe stratégique du parti. La nomination de celui-ci en tant que conseiller spécial du président, chargé des affaires politiques avec rang de ministre, à la fin de juillet 2021, n’avait rien d’anodine : elle est en effet intervenue un peu plus d’un mois après le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, le 17 juin de la même année, et avant que le dialogue politique ne s’ouvre, au mois de décembre suivant. Or, Ibrahim Cissé Bacongo est jugé plus modéré que d’autres caciques du RHDP, et donc plus à même de discuter avec l’opposition.
3. Réorganisation
En tant que conseiller spécial du président, il a eu, avec d’autres leaders du RHDP, pour mission de restructurer le parti afin de préparer les élections locales de 2023 et la présidentielle de 2025. En février dernier, à l’issue de cette réorganisation, Alassane Ouattara avait désigné Gilbert Koné Kafana, maire de Yopougon et ministre des Relations avec les institutions, à la tête du directoire. Un poste vacant depuis le décès d’Amadou Gon Coulibaly, en 2020. La nouvelle équipe avait notamment pour mission de rapprocher les cadres de la base.
Désormais secrétaire exécutif, Bacongo aura donc la charge, aux côtés de Gilbert Koné Kafana, de préparer le parti pour les prochaines échéances électorales. Au lendemain de l’élection des secrétaires départementaux du RHDP, il travaillera notamment à renforcer l’implantation du parti sur le territoire.
4. Tensions
Si Kafana et Bacongo sont tous deux des hommes de dossiers, ce sont aussi, chacun dans leur style, de fortes personnalités. Des tensions sont déjà apparues entre le secrétaire exécutif et le patron du directoire au cours de réunions où les discussions ont parfois été houleuses. Une atmosphère qui pousse certains cadres du RHDP à la prudence quant au fonctionnement du parti et à l’évolution de cette relation.
5. Juriste
Né le 8 mars 1955 à Mankono, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, Ibrahim Cissé Bacongo, a effectué ses études de droit à l’université de Toulouse, en France, où il a obtenu un diplôme d’études supérieures spécialisées en droit des affaires en 1988 et un doctorat en 1990. De retour en Côte d’Ivoire, il a enseigné pendant une dizaine d’années à la faculté de droit de l’université Félix Houphouët-Boigny, jusqu’en 2001, tout en travaillant en parallèle dans des cabinets d’avocats.
6. Porte-plume
Si Bacongo n’est pas un membre fondateur du Rassemblement des républicains (RDR), aujourd’hui devenu le RHDP, il se définit tout de même comme « un militant de la première heure ». Avant même de rejoindre le parti et de devenir le directeur de cabinet de l’un de ses fondateurs, Djéni Kobina – venu des rangs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) –, Bacongo s’était fait remarquer par ses éditoriaux et prises de position dans la presse. À chaque attaque contre Alassane Ouattara, il n’hésitait pas à prendre la plume.
ll a publié Si c’était à refaire… Chronique d’un parcours, un recueil qui compile, en deux tomes, ses chroniques sur l’actualité politique ivoirienne de ces trente dernières années. Dans la toute première, datée de 1995, il donne son avis sur le débat autour du vote des étrangers.
7. Ouattara et lui
Il avance deux raisons pour expliquer son engagement politique : la qualité de la gestion d’Alassane Ouattara lorsque celui-ci était Premier ministre d’Houphouët-Boigny et les conditions de son départ en 1993. « Lorsqu’il est parti de la Primature après avoir fait l’objet d’une volée de bois verts, sous prétexte qu’il rechignait à rendre le pouvoir à celui qui en était l’héritier, [Ouattara] a fait l’objet de toutes sortes de méchancetés, d’injustice et d’ingratitude », se souvient-il. Et d’ajouter : « Pour le reste, je me suis retrouvé dans le parti comme engagé dans un combat pour ma propre survie. La notion d’ivoirité a été un véritable point de bascule. »
Ce n’est cependant qu’en 1998 qu’a lieu le premier tête-à-tête entre les deux hommes. Ouattara, alors directeur adjoint du FMI, avait invité Bacongo à son domicile de Blockhauss, à Abidjan, et voulait s’entretenir au sujet d’un article de ce dernier sur les pays pauvres très endettés (PPTE). Leur échange durera plus d’une heure et marquera le début d’une relation à la fois politique et fraternelle, aux dires de Bacongo.
8. Certificat de nationalité
En 2002, c’est Bacongo qui a été chargé de se rendre à Dimbokro, dans le centre du pays, pour obtenir le précieux certificat prouvant la nationalité ivoirienne du futur président. Au fil des années, Bacongo est devenu un poids lourd du RDR, puis du RHDP et un membre de l’entourage du président. Il a occupé plusieurs portefeuilles ministériels, dont celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, de 2005 à 2014.
Cité dans un scandale de détournement de fonds destinés à la rénovation d’universités et devenu la cible de manifestations d’étudiants, Bacongo a toujours clamé son innocence dans cette affaire. Il a ensuite été ministre de la Fonction publique de 2014 à 2016, avant de se voir confier un dossier très sensible par le président : la réforme constitutionnelle.
9. Architecte de la Constitution
En février 2016, Ouattara nomme Bacongo conseiller spécial en charge des affaires juridiques. Ce dernier est alors l’un des principaux architectes du projet de Constitution. Celle-ci avait été adoptée malgré un appel au boycott de l’opposition, faisant entrer le pays dans la IIIe République. Parmi les principaux changements apportés par le projet de nouvelle Constitution, l’évacuation du concept d’« ivoirité », la création d’un poste de vice-président et d’un Sénat, l’institutionnalisation de la Chambre des rois et des chefs traditionnels, ainsi que l’extension du domaine de compétence du Conseil économique et social à l’environnement.
Si, comme certains cadres de son parti, Bacongo avait affirmé que cette nouvelle Constitution ne permettait pas au président de briguer un troisième mandat, il est ensuite revenu sur ses propos dans un long texte publié sur Facebook en 2020, pour expliquer qu’il ne s’agissait « ni plus, ni moins que d’un avis susceptible d’avis contraires ».
10. Maire de Koumassi
Depuis son élection en tant que maire de l’une des communes les plus peuplées d’Abidjan en 2018, puis, en mars 2021, de député de la circonscription de Koumassi, Bacongo travaille à atteindre l’objectif annoncé dans son slogan de campagne : « Koumassi autrement, c’est possible ».
En plus de changer l’image de la commune, le maire espère y développer des pôles d’activités en regroupant les professionnels dans des lieux dédiés. Il a multiplié les opérations controversées de déguerpissement de commerces installés sur la voie publique et dégagé les artères principales de la ville. Il a également fait de l’assainissement et de la sécurité ses priorités.