Pathé Dione, les tribulations d’un pionnier de la finance africaine
La finance africaine pleure la disparition, à 81 ans, de Pathé Dione, le fondateur et président du groupe de bancassurance Sunu. Quelques mois auparavant, il avait entamé une réorganisation de son groupe, qui prend à présent des allures de testament.
En octobre dernier, le dirigeant de l’un des fleurons des assurances panafricain a précipité le nouvel organigramme de son groupe, plaçant son homme de confiance, Mohamed Bah, aux fonctions de directeur général de Sunu. Une réorganisation qui a sonné comme une transmission de pouvoir et un acte visionnaire. Pourtant, depuis plus de neuf mois, tout son entourage managérial était informé des changements à venir. Finalement, c’est en fin d’année 2022 que tout va s’accélérer.
Le nouvel état-major de Sunu Participations, holding du groupe de bancassurance, a permis à Pathé Dione de placer ses fidèles cadres comme piliers de la continuité de l’entreprise qu’il a fondée en 1998.
Transmission
Mohamed Bah est devenu directeur général, Joël Amoussou directeur général délégué, son fils biologique, Karim-Franck Dione, directeur zone hors Cima et Gildas N’Zouba directeur général de Sunu assurances vie Côte d’ivoire.
L’histoire du groupe, elle, sonne comme une réussite. Avec un chiffre d’affaires de 357 millions d’euros en 2021, et 865 millions d’euros d’actifs sous gestion, Sunu est le premier assureur « vie » de la zone de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima). Le groupe possède une trentaine de sociétés, dont deux banques, et est implanté dans dix-sept pays africains. Toutefois, le vrai succès de Pathé Dione reste sa capacité à dénicher les bons profils et à leur transmettre sa vision managériale.
« La plus grande réussite du président Pathé Dione est le groupe solide qu’il laisse et qui est dirigé par des cadres qu’il a formés pendant des décennies », a confié à Jeune Afrique un membre du staff managérial de Sunu qui a requis l’anonymat. Mohamed Bah, le directeur général du groupe nommé en octobre dernier, était considéré comme « son fils » et symbolisait pour Pathé Dione la compétence et la loyauté.
Ancien de la « maison » Axa, le Franco-guinéen a un parcours similaire à celui fondateur du groupe, Pathé Dione. Tous deux ont été professeurs de mathématiques avant de poursuivre une formation d’actuariat pour devenir assureurs.
Fidèle
Mais le fondateur de Sunu n’avais pas que de liens forts avec ses fidèles et dauphins. Il était également très attaché à la Côte d’Ivoire, et Abidjan est devenue son lieu de résidence principal. C’est d’ailleurs dans ce pays qu’il a entamé sa carrière d’assureur avant de lancer l’aventure Sunu. Dione partageait sa vie entre Dakar, capitale de son pays de natal, et Paris, la ville où il a étudié et fait ses premières armes professionnelles.
Il était par ailleurs un homme de passions, qui n’a pas hésité à financer, à coups de centaines de millions de francs CFA, pendant plusieurs années à partir de fin 2011, le festival des Lumières d’Abidjan, visant à redonner espoir et gaieté aux Ivoiriens. Abidjan se classait dans le top 10 mondial des festivités dans ce domaine. Un lien avec la Côte d’Ivoire que le patron de Sunu n’a pas voulu trahir lors de la cession de la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de Côte d’Ivoire (Bicici), filiale du français BNP Paribas.
Malgré les 19 % de participations détenues par Sunu dans l’actionnariat de la banque ivoirienne, Pathé Dione, qui faisait figure de candidat sérieux à la reprise, s’est désisté au profit de l’État ivoirien. Une position qu’il avait clairement fait savoir à Tiémoko Meyliet Koné, le vice-président ivoirien, selon nos informations.
Arrivée tardive
L’un des échecs à mettre au compte de Pathé Dione est peut-être l’arrivée tardive du groupe Sunu dans le secteur bancaire. Et ce, contrairement à son concurrent NSIA, fondé par Jean Kacou Diagou. En effet, la première acquisition bancaire s’est déroulée en 2018 – soit 20 ans après le début d’activité de Sunu – par la reprise de 58,1 % de la Banque populaire pour l’épargne et le crédit (BPEC) du Togo.
IL FAUT ARRIVER AU PLUS HAUT SOMMET PAR LES CHEMINS LES PLUS ÉTROITS
Avant cette date, le groupe d’assurance avait tenté de saisir plusieurs opportunités sans succès. Puis Sunu a renforcé et consolidé sa présence dans le secteur bancaire par le rachat de 54,11 % de la Bicis, la filiale sénégalaise de la BNP Paribas, en juillet 2022. Au cours de la même année, Pathé Dione a engagé son groupe au Cameroun dans l’Africa Golden Bank. Cette arrivée tardive dans le secteur bancaire africain s’explique par la volonté de Pathé Dione de ne pas s’endetter pour des acquisitions bancaires, de saisir des opportunités et acheter au meilleur prix.
L’une des devises qu’il répétait sans cesse à son premier carré au sein du groupe était : « Il faut arriver au plus haut sommet par les chemins les plus étroits. » Aujourd’hui, Sunu compte se rattraper progressivement dans le secteur bancaire. Le rachat de la Bicis a été validé par les autorités réglementaires et monétaires de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa) après le closing avec BNP. La banque a obtenu son agrément universel en fin d’année 2022.