ÉDITO
Sans avoir vu
« Nous avons vu le Seigneur ! », affirment les disciples à Thomas qui refuse de les croire : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » (Jn 20, 25). Jésus accède à sa demande huit jours plus tard et le délivre de son incrédulité tout en lui disant : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
« Sans avoir vu » : c’est bien notre condition de croyants. De fait, après que Jésus ressuscité a rejoint le Père, il n’y a plus rien à voir. D’ailleurs, même celles et ceux qui ont vu le Seigneur ressuscité ne l’ont pas aussitôt reconnu. Voir n’a jamais suffi : Marie de Magdala, les disciples d’Emmaüs avaient Jésus sous les yeux, conversaient avec lui. Pourtant, ils étaient dans l’incapacité de le reconnaître. Il faudra une parole – « Marie » – ou un geste – la fraction du pain – pour que leurs yeux s’ouvrent.
Pour nous faire entrer dans la foi, pour nous permettre de croire « sans avoir vu », le Christ ressuscité vient guérir les regards. Il nous apprend à voir, mais avec les yeux de la foi. Pour cela, il porte une lumière nouvelle sur le monde à laquelle nos yeux doivent s’habituer. Il nous invite à voir au-delà des apparences pour découvrir l’énergie de la résurrection à l’œuvre dans ce temps, en actes comme en paroles. Dans un monde qui en reste souvent aux apparences et à la surface des choses, il nous révèle le sens profond des êtres et leur destinée.
« Même les fleurs des champs et les oiseaux qu’émerveillé il a contemplés de ses yeux humains, sont maintenant remplis de sa présence lumineuse », écrit François dans Laudato si’. Le croyant est celui qui, « sans avoir vu » le Seigneur Ressuscité, sait voir « sa présence lumineuse » et désire plus que tout habiter le monde de la résurrection inauguré au jour de Pâques.
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