Jean-Paul Guibila
Mexique
C’est le prêtre
qui t’a flatté ou quoi ?
Ce dimanche-là, j’étais programmé pour une Eucharistie dans une succursale. Alors que je m’affairais à charger ma mobylette, j’entendis, de la cour voisine du presbytère, un homme vociférant des paroles grossières contre son épouse, lorsque retentit soudain le deuxième coup de cloche qui annonçait le début de la messe. Alors mon bonhomme conclut ses insultes en ces termes : “Tu as eu la chance, la cloche a retenti. Je vais à la messe et je reviens terminer de régler ton compte.” Ces paroles résonnèrent plus tard en moi comme deux équipes de football qui, s’affrontant rudement sur le terrain, sont obligées d’abandonner momentanément la partie pour reprendre leur duel de plus belle après la pause. D’où mon questionnement : A quoi servent mes prières, mes dévotions, ma participation à l’Eucharistie quand je me suis d’avance décidé à ne pas vivre ce que je prie où ce à quoi je participe ?
Il se peut que mon bonhomme, au cours de la messe, ait reçu une soudaine conversion qui le mène à la réconciliation avec sa femme, là n’est point mon interrogation. Mais je sens que cet épisode m’invite à me préparer, à me disposer pour vivre et pour m’approprier ce que je célèbre, dans ce cas de figure, la messe. On parle souvent de l’évangélisation en profondeur. Et moi, je crois que cette évangélisation en profondeur requiert de moi, de nous, une disposition intérieure, un assentiment intérieur avec un désir profond de conformer ma vie, notre vie, à l’évangile et aux sacrements…
Autrement dit, les messes du dimanche sonnent pour les fidèles laïcs comme une obligation sociale ou une mode (c’est dimanche alors je dois aller à la messe) et pour moi, prêtre, comme une tâche découlant de ma fonction à l’instar d’un fonctionnaire qui accomplit purement son travail sans en être transformé. Cette dernière réflexion, je la dois à mon expérience personnelle où j’ai fait la messe mais ne l’ai pas célébrée, je ne l’ai pas priée. Pire encore, mon âme en est sortie sans sève. Pourquoi ? Parce je ne l’ai pas préparée, je ne l’ai pas pensée d’avance. Une sainte personne n’aurait-elle pas dit que pour voir si nos dévotions sont divines, il n’y a qu’à regarder s’il y a des changements positifs dans notre vie ?
Au cours d’une célébration eucharistique, deux rivaux étaient assis l’un derrière l’autre. Au moment de se donner le signe de paix, celui qui était devant, ignorant la présence de l’autre, se retourna et tendit la main. À sa grande surprise, il lui fut répondu d’un regard et paroles sévères : “Mais tu es fou ! C’est le prêtre qui t’a flatté ou quoi ? Im… e !” Non, ce n’est pas le prêtre qui l’a flatté, c’est Jésus, grand prêtre du pardon, de la réconciliation, qui l’a sans doute induit en erreur. C’est là le vrai sens de la participation active à la messe.
C’est souvent la recherche des bénéfices secondaires qui m’empêche de rentrer dans les exigences de Jésus, malgré mes dévotions.
Dans l’Eucharistie, Jésus se donne à manger à nous pour qu’à notre tour, nous soyons comestibles les uns pour les autres. Demandons-lui la grâce de vivre pleinement ce que nous célébrons : “Faites ceci en mémoire de moi” ou “Aimez-vous les uns les autres concrètement, en mémoire de moi.”
Jean-Paul Windbarka Guibila
Ajout par la rédaction :
Être chrétien à la suite du Christ, ce n’est pas être consommateur, mais être consommé. Ce n’est pas seulement être éclairé, mais aussi éclairer, ce n’est pas seulement être aimé, mais aussi aimer… Ce n’est pas regarder le Christ porter sa croix, mais aussi, et peut-être surtout, porter sa propre croix et le suivre sur ce chemin. Ce n’est pas tant de recevoir que de donner, d’être pardonné que de pardonner, d’être sauvé que d’apporter le salut. Le Christ est le Chemin, mais un chemin n’est pas fait pour être regardé ni même admiré ou adoré. Un chemin est fait pour être suivi. La croix du Christ n’est pas un spectacle misérabiliste, c’est un envoi en mission.