Nord du Mali : dix choses à savoir sur Ibrahim Ould Handa, nouveau patron de la CMA

Le secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad a pris, le 17 juillet, la présidence tournante de la CMA, coalition de mouvements signataires de l’accord d’Alger. Il succède à Alghabass Ag Intalla.

Mis à jour le 20 juillet 2023 à 16:32
 

 Handa

 

 

Le Malien Ibrahim Ould Handa, secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad a pris, le 17 juillet, la présidence tournante de la CMA. © MONTAGE JA : Mohamed Elmaouloud Ramadane /CMA

 

DIX CHOSES À SAVOIR SUR – Chaque année, comme le veut la charte de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), le président de l’organisation change. Ce 17 juillet, c’est au tour d’Ibrahim Ould Handa de prendre la tête de la CMA. Les chantiers qu’il va devoir mener sont multiples. Parmi eux, la finalisation de la fusion effective des trois mouvements qui composent la CMA, lancée par le président sortant, Alghabass Ag Intalla.

Ibrahim Ould Handa s’installe à la présidence tournante dans un contexte particulièrement tendu entre les groupes armés signataires de l’accord d’Alger de 2015 et le gouvernement malien. Outre le blocage de l’accord de paix dénoncé par les ex-rebelles, le retrait de la Minusma, annoncé le 30 juin et qui doit s’étaler sur les six prochains mois, laisse un vide sécuritaire laissant craindre une reprise des hostilités.

1. Présidence tournante

Depuis la fusion des mouvements annoncée le 8 février dernier, la gouvernance de la CMA est assurée selon le principe d’une présidence tournante entre les différents mouvements qui la composent. C’est ainsi qu’Ibrahim Ould Handa en prend aujourd’hui la tête, à la suite d’Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Il reste secrétaire général du MAA, et sera reconduit ou destitué à l’occasion d’un congrès organisé tous les trois ans.

2. Posture de rassembleur

Investi ce 17 juillet lors d’une cérémonie solennelle de passation, conformément à la charte de la CMA, Ibrahim Ould Handa se pose en rassembleur et a pour ambition de consolider l’unité du mouvement, notamment en finalisant la fusion. Depuis presque deux ans, un processus d’unification des trois mouvements membres de la CMA en une seule unité a en effet été engagé.

3. Arabe du Nord

Ibrahim Ould Handa est originaire des régions de Tombouctou et Taoudenni, dans l’extrême nord du Mali, en plein désert. Devenu officiellement une région administrative en 2016, après l’accord d’Alger de 2015, la région de Taoudénit, dont la capitale est Taoudenni, échappe pour une bonne part au contrôle de Bamako.

La région, la plus grande du pays avec ses 323 000 km2, est en partie tenue par le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), membre de la CMA, qui y est implanté depuis 2014. Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) sévit également depuis 2015 sur ce vaste territoire qui est l’un des carrefours du trafic de drogue, objet de toutes les convoitises.

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4. Soldat de Kadhafi 

Dans les années 1980, Ibrahim Ould Handa fuit sa région délaissée par Bamako et répond à l’appel de Mouammar Kadhafi, comme beaucoup de Touaregs à l’époque qui entrent dans les rangs de la Légion islamique. Il rejoint Tripoli et s’engage dans l’armée libyenne, au sein de laquelle il apprend l’art de la guerre. Les unités touarègues ralliées au « Guide de la Révolution » libyen combattent, ces années-là, au Liban ou encore au Tchad.

5. Révolution touarègue

Au début des années 1990, Ibrahim Ould Handa rentre au Mali, et participe activement, au sein du Front islamique arabe de l’Azawad (FIAA), à la révolution touarègue entre 1990 et 1996. La rébellion aboutit à plusieurs accords de paix.

Les accords de Tamanrasset sont ainsi signés en 1991 entre le chef d’état-major des armées maliennes d’alors et Iyad Ag Ghali, qui dirigeait à l’époque la rébellion. En 1992, les autorités maliennes et le Front unifié de l’Azawad signent le « Pacte national ». Autant d’accords qui ne permettent cependant pas de sortir durablement de la crise. Il faudra ceux de Ouagadougou, en 1995, pour que la guerre civile prenne réellement fin.

6. Droiture militaire

La paix signée, Ibrahim Ould Handa « reprend sa vie de famille » dans la région de Tombouctou, selon la version officielle. Soldat aguerri, plus réputé pour sa droiture de militaire que pour son sens politique, il reste cependant engagé dans les mouvements indépendantistes.

7. Arabe bérabich

L’autonomisation de Taoudeni était une vieille revendication de la communauté arabe bérabich, dont fait partie Ibrahim Ould Handa. Après la crise de 2012 – année de la rébellion touarègue dans le Nord – , celle-ci s’est rapidement divisée entre loyalistes au pouvoir central et partisans de la « libération » de l’Azawad.

C’est cette branche indépendantiste – le Front de libération nationale de l’Azawad (FLNA), créé en avril 2012 puis rebaptisé MAA quelques mois plus tard – , que rejoindra Ibrahim Ould Handa.

8. Sécurité d’État

Le 15 septembre 2018, alors qu’il se trouvait à Bamako pour une réunion organisée dans le cadre du suivi de l’application de l’accord d’Alger, il est arrêté par les forces spéciales de la Sécurité d’État, les très redoutés renseignements maliens. Relâché 24h plus tard, il assurera avoir été interrogé sur ses liens supposés avec des jihadistes ayant mené plusieurs attaque contre l’armée malienne à Léré, en 2014. Il est également questionné sur son éventuelle implication dans l’assassinat du commandant du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou, Salem Ould Becki, le 9 septembre 2018.

Relâché dès le lendemain, il clame son innocence et affirme faire les frais d’une dénonciation calomnieuse. « J’ai été victime d’un règlement de compte », affirme-t-il à sa sortie des locaux de la Sécurité d’État.

9. L’assassinat d’Ibrahim Ould Sidatt

Ibrahim Ould Handa gravit les échelons au sein du MAA que dirige Sidi Brahim Ould Sidati, secrétaire général du mouvement. Ce dernier, à la tête du MAA depuis 2014, entretient des relations ambivalentes avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), avec lequel se succèdent périodes de collaboration et tensions, voire affrontements sporadiques. Le 13 avril 2021, Sidi Brahim Ould Sidati, qui préside alors la CMA qu’il avait notamment représenté en juin 2015 lors de la signature de l’accord d’Alger, est assassiné, tué par balles à la sortie de son domicile de Bamako.

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10. Tensions avec Bamako

Le 12 décembre 2021, Ibrahim Ould Handa est nommé secrétaire général du MAA, à l’issue d’un congrès extraordinaire qui se tient à Ber, dans la région de Tombouctou. Un poste qu’il prend dans un contexte de regain de tensions entre les mouvements du nord et la junte d’Assimi Goïta ayant renversé Ibrahim Boubacar Keïta un an et demi plus tôt.

Face à l’inertie de l’enquête sur le meurtre de Sidi Brahim Ould Sidati, le MAA annonce suspendre sa participation au processus de mise en œuvre et de suivi de l’accord d’Alger. Fin décembre, c’est l’intégralité de la Coordination des mouvements de l’Azawad qui annonce à son tour stoper sa participation au mécanisme de suivi et de mise en œuvre. La CMA pointe alors « l’absence de volonté politique des autorités de transition ».