AVENT 2014

Le Christ cosmique


Cette année, pour me préparer à Noël, je voudrais fléchir sur les paroles de saint Paul

qui présente Jésus Christ comme le Maître et Seigneur de l’univers.

Dans sa lettre aux Ephésiens, il écrit : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant quil a d’avance arrêté en lui-même, pour mener les temps à leur accomplissement: réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sous la terre.» Eph 1,9-10

Et dans la lettre aux Colossiens, nous lisons : «Il est l’image du Dieu invisible, Premier- né de toute créature. Car en lui tout a été créé, dans les cieux et sous la terre. Les êtres visibles et invisibles, Trônes et Souverainetés, Autorités et Pouvoirs, tout est créé par lui et pour lui, il est, lui, par devant tout; tout est maintenu en lui, et il est, lui, la tête du corps, qui est l’Eglise. Il est le commencement, Premier-né d’entre les morts, afin de tenir en tout, lui, le premier rang. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude, et de tout concilier par lui et pour lui, et sur la terre et dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix. » Col 1,15-20

La lettre aux Colossiens suppose que le Christ domine dé pleinement l’univers. Ephésiens, par contre, affirme que le cosmos n’est pas encore accompli, qu’il y a encore du mal et que le Christ est encore en train de soumettre l’univers à lui. En parlant des « esprits du mal qui sont dans le cieux », Paul pense peut-être à l’influence des planètes sur la vie sur la terre. Eph 6,12

Dans le cadre de la cosmologie actuelle et de la théorie de l’évolution, ces paroles apparaissent comme un fi. Car l’univers que nous révèle la science actuelle est tellement plus immense dans l’espace et le temps que lunivers tel que Paul pouvait se le représenter. Quand je me perds dans l’immensité inimaginable dun univers en expansion, quand je découvre que notre plate n’est qu’une poussière dans notre galaxie, qui elle-même nest qu’un grain de sable parmi des millions de galaxies, quand je pense à l’immensité du temps qui se compte en milliards d’années et à l’espace qui se mesure en années et siècles de lumière, quand je pense à l’immense aventure qu’est l’évolution de la vie sur notre planète, alors je suis pris de vertige et ma foi aussi semble chanceler. J’expérimente alors une sorte de schizophrénie entre deux mondes que je n’arrive pas à unifier.

Je peux comprendre, sans évidemment l’excuser, que l’Eglise ait jadis condam Galilée et brûlé Giordano Bruno. Si notre terre n’est plus le centre de l’univers, alors comment le Christ peut-il être le centre de l’univers, l’alpha et l’oméga de tout ce qui existe? Et la ville de Bethlehem est-elle encore repérable à l’échelle cosmique ?

N’ai-je donc le choix qu’entre un « créationisme » intenable et un athéisme insoutenable ? Ou puis-je harmoniser ma foi et la science actuelle ? Mais comment ?
Deux
questions fondamentales sont ici posées. Dans cette nouvelle cosmologie et dans l’évolution de la vie sur cette terre, que devient Dieu ? et que devient l’homme ?

Dieu semble ne plus avoir de place dans l’astrophysique moderne et dans la théorie de l’évolution. Certains vont jusqu’à identifier, ne fût-ce que métaphoriquement, la création à l’apparition une particule subatomique originelle (la « particule divine ») et Adam n’est plus l’œuvre de Dieu, mais le fruit d’un immense processus d’évolution.

Pourtant, quand j’essaie d’expliquer à un enfant que tout à commencé par un atome infiniment dense qui a explosé et donné naissance à l’univers, alors, au bout de mon explication, cet enfant me pose la question ingénue : «Et cet atome, d’où venait-il

Cette question révèle qu’au-delà du domaine des problèmes et du savoir, il y a et il y aura toujours celui du mystère. Et ce grand mystère, que les plus grands savants reconnaissent, les hommes l’appellent depuis toujours Dieu. Un Dieu dont la repsentation a reculé au rythme de nos découvertes des causes naturelles des phénomènes (pensons au foudre et au tonnerre), mais qui se représente plus que jamais actuel et réel au bout de nos explorations les plus avancées. La science a élimi une certaine image de Dieu, mais elle n’a pas éliminé Dieu qui reste le plus grand objet de notre recherche et de notre désir.

St Augustin disait : «Tu nous a faits pour toi, et notre ur est inquiet tant qu’il ne repose en Toi ». Et le visionnaire Giordano Bruno, à la lumière de la cosmologie moderne, ne niait pas lexistence de Dieu, mais contemplait un « Dieu plus grand ».

Or, il y a deux mille ans, un homme est venu de Nazareth qui appelait ce Dieu re, son Père et notre Père. Il ne révélait pas l’existence de Dieu, mais son vrai visage. Et, sur la parole des témoins de sa vie et de sa mort, nous avons été saisis par lui et avons reconnu en lui la clé du mystère de la création et de la vie. A vrai dire, ce nest pas sa doctrine ni même ses actes de puissance qui ont susci en nous la foi, mais sa mort. Comme le centurion, nous avons contemplé sous la croix, l’immensité de l’amour de Dieu et nous avons confessé que sus est le Fils de Dieu. Ainsi nous avons été rendus «capables de comprendre quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l’amour du Christ qui surpasse tout ce qu’on peut connaître. » Eph 3,18

Le Dieu de Jésus est amour, disait l’évangéliste Jean. C’est une révolution analogue à la révolution copernicienne, mais elle la dépasse infiniment car elle est d’un autre ordre.

Le génial Pascal disait que toute la richesse du monde n’atteindra jamais une seule pensée de sagesse et que tout le savoir possible ne produira jamais un simple acte de charité.

C’est ici que nous rencontrons la deuxième question fondamentale : qui est l’homme ?

L’homme. Dans la vision biblique, l’homme est le sommet et le but de la création. Le monde et l’univers ont été créés pour l’homme et confiés à lui. Gn 1, 28 Le psaume dit :

«  A peine le fis-tu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et de splendeur; tu l’établis sur l’œuvre de tes mains, tout fut mis par toi sous ses pieds. Ps 8, 6-7

La découverte de limmensité de l’univers ne doit pas nous voiler l’immensité du mystère de l’homme. Pascal disait que lhomme n’est qu’un roseau, mais un ‘roseau pensant et surtout un roseau capable d’amour et appelé à entrer en relation d’amour avec son créateur. Chaque homme est une personne, centre unique de conscience et de responsabilité disait Emmanuel Mounier. La personne ne peut être réduite ni à sa fonction économique ou sociale, ni à des déterminations psychologiques, car la personne est aussi « esprit ». Il rejoignait ainsi son contemporain Teilhard de Chardin qui considérait le

«phénomène humain» comme létape décisive d’une immense évolution orientée vers un point « oméga ».

Ces quelques flexions sommaires m’invitent à me préparer à Noël en demandant à l’Esprit Saint trois dons : un sens accru de l’adoration, un sens accru de ma responsabilité, une confiance inébranlable en Dieu et en son plan de salut.


Adoration

Les psaumes restent un langage de louange qui n’est pas abrogé par la science actuelle,

mais qui sen trouve infiniment amplifié.

« Bénis le Seigneur, o mon âme

Seigneur, mon Dieu, tu es si grand !

Vêtu de splendeur et d'éclat

drapé de lumière comme d'un manteau,

tu déploies les cieux comme une tenture » Ps 104


Responsabilité

Dans le jardin d’Eden, Dieu appela sa créature « Adam, où es-tu ? ». En Jésus, il répète

cette question à tout homme : « Qui suis-je pour toi ? » L’homme est un être appelé à répondre à une invitation divine, dans son cœur et dans sa vie.


Confiance

Notre foi en Jésus nous invite à faire confiance au plan de Dieu. L’univers et l’homme ne sont pas le fruit du hasard, mais d’un projet d’amour qui culmine en l’homme, lorsque Dieu lui-même se fait homme pour conduire tout à l’unité et la paix dans l’amour.

Ces trois dons finissent « l’esprit d’enfance » qui nous ouvre au mystère de la création et de Dieu. Jésus disait : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout-petits.» Mt 11,25

Alors, dans ce monde dominé par le « big bang », l’évolution et la génétique, je pourrai joyeusement attendre la naissance de Jésus en priant humblement et sans complexes :

« Notre re ..»

Un Joyeux Avent !