Missionnaires d'Afrique
Rome

Alphonse Somda


Lien entre famille
et vie consacrée

Aujourd’hui encore, nombreuses sont les familles, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, qui sont une source de réconfort et d’encouragement pour les jeunes qui aspirent à la vie consacrée. À Kinshasa, l’expérience de la commission des familles chrétiennes (Mabota) est éloquente. En effet, cette commission a des ramifications jusque dans les communautés de base. Elle est dirigée au niveau paroissial par un couple président, secondé par un couple vice-président, un couple secrétaire et un couple trésorier. Sa tâche principale est l’animation et l’accompagnement des familles, la préparation lointaine des fiancés au mariage à travers des sessions de formation et de partage d’expériences.


Alphonse avec sa belle soeur, son frère et un de leurs enfants,
le jour de sa messe d'action de grâces après l'ordination en 2008.

Elle anime aussi les rencontres des jeunes en état de vocation avec qui les membres partagent leurs expériences de vie dans le mariage et la vie de famille, tout en les encourageant dans leur discernement. Les membres de la commission reçoivent régulièrement des formations de mise à niveau, dans la paroisse, au doyenné et au diocèse, et sont en première ligne dans l’assistance morale aux familles en crise. Ils travaillent en étroite collaboration avec les agents pastoraux, le Conseil paroissial et les autres commissions paroissiales. La commission diocésaine organise annuellement une fête/rencontre au cours de laquelle des dons en nature et en espèces sont offerts pour aider à la formation des séminaristes.

Un cordon ombilical
Le lien entre la famille et la vie consacrée est comme le cordon ombilical qui lie l’enfant à sa mère. Beaucoup de jeunes ont embrassé la vie consacrée grâce à l’expérience d’une vie chrétienne souvent simple, sereine et engagée. Expérience vécue et enrichie dans la famille où sont visibles les signes de l’amour, de la charité, de la foi, du respect, de la tendresse, de l’attention aux autres, etc. Une telle expérience familiale peut être et est même souvent à l’origine d’un engagement préférentiel, de la part des jeunes, pour le service du Christ et du prochain à travers la vie consacrée. En clair, c’est à la famille que revient le droit premier et surtout le grave devoir de la formation et de l’éducation holistique des enfants. Le pape Pie XI insiste sur cette responsabilité dans son encyclique Divini illius magistri n. 11. Le devoir de la famille envers les enfants est un grand défi qui demande une attention soutenue.


Alphonse en compagnie d’une famille chrétienne à Nairobi.

Former les jeunes enfants au sens des valeurs
de la vie humaine

La première responsabilité de la famille à l’égard des jeunes n’est pas de les inciter à rejoindre la vie consacrée (démarche qui bien souvent porte peu de fruits) ; mais celle de les former “au sens des valeurs essentielles de la vie humaine” (Familiaris consortio n. 37). L’accent doit être mis sur la croissance spirituelle, intellectuelle et surtout humaine des jeunes. Cependant, s’ils s’en trouvent parmi eux qui nourrissent un réel désir d’une consécration totale à Dieu, toute l’attention doit leur être apportée pour qu’ils répondent avec lucidité à ce désir. Le Concile Vatican II souligne l’importance capitale du soutien familial pour les candidats en état de vocation (cf. Optatam Totius n. 2). Pour être pleinement consacré à Dieu, il faut d’abord être pleinement “homme” ; car c’est en homme libre, et conscient que le jeune doit suivre sa vocation, y compris la vocation religieuse. La place de la famille est essentielle dans le discernement vocationnel. Cette dernière en constitue un des critères de base.

L’identité de la famille aujourd’hui
La promotion de la famille est une des clefs d’épanouissement de la vie consacrée. Cependant, la famille aujourd’hui traverse une crise évidente, et cela a des effets sur les vocations. En effet, face aux idéologies et philosophies de tout acabit en vogue aujourd’hui, nous sommes en droit de nous demander quelle est l’identité de la famille dans le méli-mélo que nous vivons à présent. L’image traditionnelle de la famille est celle d’une entité constituée d’un père, d’une mère et des enfants. En Afrique, la notion est étendue à la famille élargie et en Occident, la compréhension semble changer au niveau civil et politique où les unions homosexuelles, les unions de fait, les unions civiles, etc., se font appeler familles et réclament les mêmes droits que les familles traditionnelles. Les familles monoparentales font face à des difficultés qui leur sont propres. Il en est de même pour les familles séparées et les couples divorcés et remariés.


Alphonse, à la sortie d’une messe, avec des chrétiens
de la paroisse Sainte Félicité à Kinshasa.

Des situations de crise qui nuisent aux vocations
Toutes ces situations de crise ont un impact certain sur les vocations. En outre, la perte d’autorité des parents sur leurs propres enfants, le nombre réduit d’ enfants par famille et/ou le refus de la procréation dans la vie de couples, sont autant de facteurs qui affectent gravement l’engagement vocationnel dans nos sociétés actuelles. L’éloignement des parents de l’Église, l’indifférence religieuse, le consumérisme et le matérialisme érigés en règle de vie font partie des “tares” qui enlèvent le goût de la vie consacrée. Il serait bon que l’Église, “Mère et Educatrice”, mette en exergue son riche patrimoine millénaire au service de la famille du XXIe siècle en répondant avec plus d’efficacité à ses besoins. Les deux synodes sur la famille (2014 et en 2015), ne sont-ils pas un signal fort de l’engagement de l’Église pour rejoindre la famille là où elle est, et à l’aider à vivre pleinement sa mission évangélisatrice ?

Nous osons croire, comme tous les chrétiens catholiques, que l’esprit d’ouverture et de dialogue, dont a fait montre le Magistère de l’Église dans les préparatifs de ces synodes, l’inspirera toujours à proposer des solutions qui répondent aux attentes du Peuple de Dieu. Ce serait dommage si, après les espoirs suscités à la simple évocation des synodes, les résolutions qui en découlent ne rencontrent pas l’assentiment des familles chrétiennes.

La fidélité à la tradition ne doit pas occulter le gouffre qui sépare actuellement l’enseignement doctrinal de l’Église et la pratique dans la vie quotidienne des chrétiens. Un effort doit être fait pour que ces synodes deviennent véritablement des pôles de convergence entre l’Église et ses fils et filles. Le souci de l’Église pour les familles chrétiennes est réel et la crise actuelle de la famille est aussi celle de l’Église. Vivement que ces synodes ouvrent de nouvelles avenues qui intègrent harmonieusement les acquis hérités du passé et de nouvelles options pastorales pour le bien de la famille et de la vie consacrée. La survie de la famille chrétienne et de l’Église en dépendent grandement.

Alphonse Somda

Tiré du Petit Echo N° 1058 2015/02