Missionnaires d'Afrique
Mali

Otmar Strzoda

Pour favoriser les vocations

L’influence de la famille chrétienne sur la vie consacrée

C’était un soir, dans le village malien de Consegela, à 45 km de la ville. Un jeune garçon était assis sous un arbre avec ses petits frères et petites sœurs. Ce garçon, Antoine, était très triste, car c’était la nuit de Noël. Des membres de sa famille étaient partis à la messe de Noël en ville, et lui, il était resté seul avec ses petits frères et petites sœurs, sans prêtre, sans messe. Il raconte : “J’ai invité mes frères et sœurs à faire une petite prière. Avec cette frustration de passer le jour de Noël sans messe, je me suis posé la question de devenir prêtre pour qu’au moins d’autres enfants, dans de pareilles situations, puissent avoir la messe le jour de Noël.”

“Papa, continue Antoine, lisait chaque dimanche son missel et partageait avec nous l’évangile de façon informelle. Maman, musulmane, devenait furieuse lorsque nous, les enfants, manquions la messe du dimanche.” “Tu sais, mon Père, m’a dit un jour la maman, il fallait se méfier des enfants. Souvent ils disaient qu’ils allaient à la messe, or ils allaient jouer. Alors je les accompagnais jusqu’à la porte de l’église, et je les attendais dehors. Quand ils sortaient, j’étais certaine qu’ils avaient réellement prié à la messe.”


Une famille malienne en prière.

Antoine ajoute : “Il y avait aussi l’engagement de tel frère ou telle sœur dans différentes activités paroissiales, et surtout la curiosité de connaître ma religion pour pouvoir me défendre contre ceux qui, à l’école ou sur les terrains de jeux, nous traitaient de mécréants parce que nous étions chrétiens et mangeurs de porc.”

Antoine conclut : “Les chemins du Seigneur sont insondables. Je suis devenu prêtre et Missionnaire d’Afrique, le premier du diocèse, appelé à vivre à la frontière des cultures et des religions, là où la première évangélisation est, à mon avis, prioritaire.”

Cet exemple d’Antoine nous montre que la vie chrétienne dans une famille est souvent déterminante pour une vocation religieuse.

Mon témoignage
Je vous parlerai maintenant de ma propre famille, qui m’a permis d’entendre l’appel de Dieu. Je suis originaire de l’Allemagne de l’Est qui, après la guerre, est devenue un pays communiste, avec uniquement 4% de catholiques. Ma famille était croyante avec une bonne pratique, malgré l’entourage hostile, antireligieux. Quand nous allions à la messe le dimanche, les voisins se moquaient de nous ; à l’école, on nous enseignait que Dieu n’existe pas, que c’est une invention du capitalisme pour mieux exploiter le peuple.

À quatorze ans, à l’école on nous obligeait à jurer solennellement que Dieu n’existe pas. Tous mes compagnons ont fait ce serment, sauf moi. La conséquence pour moi d’avoir dit que Dieu existe fut un zéro en comportement civique, même si dans les autres matières, même en russe, j’avais les meilleures notes. À cause de ma foi en Dieu, on m’a empêché de faire des études supérieures. J’ai accepté cela, sachant que la force de Dieu était avec moi. Si j’ai pu tenir ainsi, c’est grâce à ma famille qui vivait profondément la foi.


Sœur Éveline avec une partie de sa famille.

Quand j’ai entendu l’appel de Dieu à devenir missionnaire pour l’Afrique, il n’y avait pas de possibilité de faire ces études en Allemagne de l’Est. En plus, personne ne pouvait quitter ce pays officiellement. Pour pouvoir réaliser ma vocation, il ne me restait plus qu’à m’enfuir malgré les barbelées et les champs de mines. Avant ma fuite, j’ai demandé à mes parents la permission de m’enfuir en sachant que, si j’arrivais à passer la frontière, le gouvernement communiste risquait de mettre mon père en prison pour me forcer à revenir. Mon père m’a dit : “J’aurais aimé que tu restes travailler avec nous. Mais si tu crois que Dieu t’appelle, et si moi aujourd’hui, à cause de la peur d’une prison communiste, je refuse que tu suives ta vocation, qu’est-ce que je pourrai dire à Dieu demain ?”

Sur ce, nous nous sommes donnés “un-au-revoir-au-ciel”, sachant qu’à cause du mur de Berlin, nous ne nous verrions plus jamais en ce monde. Avec la bénédiction de mes parents, ma fuite a réussi, et je suis devenu Missionnaire d’Afrique. Dans sa bonté, Dieu a fait tomber le mur de Berlin, et j’ai pu revoir ma famille. Sans la foi profonde de ma famille, et le témoignage de vie de mes parents, je ne serais pas missionnaire aujourd’hui.

L’influence de l’école catholique et
le témoignage des Pères et des Religieuses

Au Mali, nos premiers prêtres et religieuses ont des parents qui pratiquaient la religion traditionnelle. C’est grâce à l’école catholique, et grâce au témoignage des Pères et des Sœurs, qu’ils ont eu la vocation. Jeune garçon, il voulait devenir comme les Pères qui l’enseignaient, me disait le premier prêtre du diocèse de Sikasso.

Une famille islamo-chrétienne,
par rapport à la vocation religieuse

Sœur Éveline raconte : “Je suis Sœur Éveline Berthé, née dans une famille islamo-chrétienne. Maman était musulmane à l’époque, et papa chrétien catholique pratiquant, dans un village un peu éloigné de la paroisse. Tous les dimanches où les chrétiens s’y rassemblaient, papa y était présent et, de retour, il parlait de tout ce qui s’était passé. Je voyais en lui quelqu’un qui aimait bien sa religion. À cause de son zèle, les prêtres (Pères Blancs) et les religieuses venaient souvent dans ma famille, ce qui soutenait beaucoup papa dans sa foi et créait une bonne ambiance à la maison et dans notre petit quartier.

Cela était beau de voir ensemble des personnes consacrées (prêtres et Sœurs) toutes heureuses, aimantes et zélées pour annoncer l’Évangile. Je peux dire que c’est à travers la foi de papa que j’ai eu ma vocation. Mais ce qui a vraiment fait le clic pour que je puisse dire à mon père que je voulais devenir comme ces Sœurs, c’était leur joie, leur soif d’annoncer l’Évangile tout en restant célibataires, ainsi que leur simplicité.

Ma mère, musulmane, soutenait ma vocation, alors que papa ne voulait pas que je devienne religieuse pour deux raisons : premièrement, dans mon ethnie, une femme qui n’est pas mariée n’est pas bien vue. Il se peut aussi, que, sans rien me dire, mon père m’avait déjà promise en mariage à quelqu’un. Deuxièmement, mon statut de premier enfant de la famille. En l’absence des parents, c’était moi qui devais venir en aide à mes frères et sœurs.

Papa faisait tout pour me décourager, et plus il était contre, plus cela me stimulait. À cause de mon entêtement dans cette recherche, son amour pour moi, en tant que fille, avait diminué jusqu’aux premiers vœux. Aux premiers vœux, il est venu, mais il a passé tout son temps à pleurer. Aux vœux perpétuels il m’a dit : “Ma fille, je ne vais pas me mettre en conflit avec Dieu. Si tu te sens heureuse d’être religieuse, que l’Esprit Saint t’accompagne et que tu ne regrettes jamais d’être ce que tu es (religieuse).”

Ces exemples nous montrent que nous pouvons favoriser les vocations par notre exemple de vie. Il y a l’influence soit de la famille chrétienne, soit de la famille islamo-chrétienne, soit de l’école catholique, ou du témoignage des prêtres et des Sœurs, ou aussi l’appel direct de Dieu. Nous devons collaborer avec Dieu. “L’Esprit-Saint souffle où il veut et quand il veut !”

Otmar Strzoda

Tiré du Petit Echo N° 1058 2015/02