Mexique
Père J.P. Guibila
Jean-Paul Windbarka Guibila

“Je m’en vais par le chemin de tout le monde” (1 R 2, 2ss)

Je voudrais axer ma réflexion sur ces paroles tirées de 1R 2, 2ss que je vais présenter sous deux aspects diamétralement opposés.

1. Quel héritage voulons-nous léguer ?
Dans la vie d’un homme, ses derniers instants sont très importants. Peu importe ce que fut sa fortune antérieure, ce sont les derniers moments qui habituellement marquent les êtres qui lui sont chers, et aussi qui restent dans leur cœur, tout comme ceux qui l’accompagnent dans l’éternité. Dans cette perspective, la conversion du bon larron a quelque chose à nous enseigner (Luc 22,42-43).

David lègue à son fils Salomon ce qu’il a de plus cher : confiance et fidélité au Seigneur en tout et pour tout (1 R 2,3-4). Voilà ce qui l’a guidé tout au long de sa vie parsemée de hauts et de bas. Ceci nous aide à voir comment c’est important d’avoir un fil conducteur dans notre vie, quitte à l’acquérir même aux derniers instants : désir d’appartenir à Dieu qui trouve son point culminant dans la mort.

À mon avis, quand nous parlons de la communion des saints, sachons que cette union passe par notre capacité à léguer à la postérité des instants de notre vie qui traduisent que nous sommes vraiment fils de Dieu. En effet, l’héritage matériel (argent, maisons, voiture, etc.) est délébile, voire éphémère, tandis que l’héritage spirituel (joie et amour semés, pardon reçu et donné, solidarité et compassion agissantes, etc.) nous rapproche, au-delà de la mort, de Dieu et des gens qui continuent leur pèlerinage terrestre. Oui, même si la mort est commune à toute créature, la manière de la préparer et de la vivre importe et fait toute la différence.

Ma question sera donc : Dans l’aujourd’hui de mon existence, qu’aimerais-je laisser dans le cœur du monde, dans le cœur de l’Église, dans le cœur de mes proches ?

2. Semblables mais tout de même distincts
Lors de mes derniers congés, après avoir écouté un journal parlé en langue nationale mooré, une tante engagea une conversation avec moi sur les scandales qui éclaboussent parfois l’Église. Pour tout conclure elle me lança : “Ce qui m’énerve dans tout ça, c’est quand vous autres (hommes d’Église) nous dites comme raison ‘mais nous sommes aussi et avant tout des personnes comme vous !’ Cette phrase, poursuit-elle, m’énerve. Oui, vous êtes des personnes, mais pas comme nous, car en plus des sacrements d’initiation que nous partageons, vous avez reçu un appel spécial (conduire le troupeau) qui a été suivi d’un long temps de formation, le tout couronné par le sacrement de l’ordre. Non et non, mon fils, dit-elle, je ne vais pas avaler cette couleuvre. Cette façon de vous justifier est un signe clair que vous ne voulez ni changer ni donner témoignage d’une sainte vie. Vous êtes semblables à nous, mais différents de nous ! Si être humain octroie un permis de pécher, je crois que je ferais mieux de retourner à mes fétiches.”

Certes, ma tante parlait avec une certaine colère, mais ne rejoingnait-elle pas le Christ quand il dit que vous êtes dans le monde mais vous n’êtes pas du monde ? (Jn 17, 16.) Comme je le soulignais plus haut, c’est, en effet, à la qualité du fil conducteur de notre vie que, tout en étant semblables aux autres, nous nous distinguons aussi de ces derniers. La véritable humanité est celle qui se laisse diviniser par les valeurs évangéliques. Ce qu’il y a de beau en nous, c’est ce que nous partageons avec tous les êtres humains, ce qu’il y a de plus beau et de noble en nous, c’est ce qui nous unit à Christ.

Jean-Paul Windbarka Guibila