PAO
Ignatius Anipu
Au service de
la communion fraternelle
Chaque responsable est amené à découvrir, à façonner et à incarner son rôle. En assumant ses responsabilités, il trouvera un style de leadership qui existe déjà, qu’on peut appeler traditionnel, mais il fera face aussi aux aspirations et aux attentes de ses confrères. Il sera aussi confronté à sa propre personnalité et à sa compréhension de leadership.
Cela demande un peu de lucidité afin de pouvoir les mettre en perspective. Car le responsable opère dans un contexte précis, avec des personnes concrètes, qui appartiennent à un groupe organisé avec une mission et une vision. Tout cela rend son rôle complexe. Au début de sa mission de responsabilité, il commencera par apprendre à connaître l’histoire et la géographie humaine, politique, sociale, culturelle de sa Province. Cette connaissance, qui semblerait encyclopédique, doit être objective afin de savoir qu’elle est “sa force de frappe” pour envisager des projets avec des objectifs réalistes et réalisables. Rien n’est plus déconcertant et frustrant que quand on n’arrive pas à réaliser ses projets. En tant que leader il faut rêver avec les deux pieds sur terre.
Par conséquent, la problématique de leadership dans nos sociétés missionnaires aujourd’hui est le jeu délicat de l’harmonisation entre les relations humaines et l’efficacité apostolique. Puisque les dons de l’Esprit Saint sont multiples, il est important de connaître et de faire fructifier ce que l’Esprit Saint suscite en chaque confrère au service de la mission que l’Église a confié à notre Société. La mission principale du leader est l’écoute et l’accompagnement de ses confrères. Il est donc impératif de ne pas faire l’économie d’un vrai discernement.
Pour cela, la démarche de discernement communautaire proposée par la spiritualité de saint Ignace de Loyola me rend un service énorme et incalculable. C’est un véritable outil pour harmoniser et faire converger les légitimes divergences que représentent parfois les aspirations de mes confrères. Ce discernement est aussi important pour l’épanouissement du confrère. Car l’écouter et prendre en compte ses aspirations légitimes s’avère très important pour sa croissance vocationnelle et humaine.
Par conséquent, il s’agira de faire émerger des espaces de participation de chacun en vue de favoriser la communion fraternelle. Cela nécessite une adhésion ontologique, c’est-à-dire l’engagement, effectif et affectif, personnel pour construire un projet de vie commune. L’efficacité de ce projet dépendra du niveau d’implication personnelle de chaque confrère. Le grand risque est de tendre subrepticement vers la suffisance et la médiocrité.
Mais nous avons les moyens de dépasser ce danger qui se manifeste souvent à travers une vie selon le simple dénominateur commun. Il faut avoir des critères objectifs de discernement. Ces critères sont le charisme de la Société et les attitudes d’apôtre dont parlent nos Constitutions et Lois.
L’exercice de l’autorité selon nos Constitutions et Lois
Dans mon ministère de Provincial, j’ai trouvé beaucoup d’inspiration dans l’esprit de l’exercice de l’autorité dans nos Constitutions et Lois (151) qui stipule que “entre frères, l’autorité s’exerce dans un esprit de coresponsabilité et de dialogue.” Il y a d’abord la coresponsabilité qui me rassure : je ne suis pas seul à gérer la Province, j’ai tous mes confrères, et surtout les membres du Conseil provincial pour m’aider dans cette mission.
Puis l’aspect de dialogue qui me montre que mon rôle est de coordonner ce dialogue par l’animation, en posant les bonnes questions et au bon moment. Je me suis rendu compte que l’exercice de l’autorité est devenu aujourd’hui polycentrique, autrement dit décentralisé, d’où la nécessité pour le leader d’être capable de coordonner les différents sphères, contextes de leadership, par conséquent, être au service de la communion fraternelle. Pour ce faire, j’ai dû penser à inventer et à multiplier des espaces de participation effective à mon leadership. Concrètement, il s’agit pour moi de revaloriser le rôle de Supérieur de communauté, renforcer et rendre effectif le rôle de Supérieur délégué dans son secteur, donner au Conseil provincial toute sa place dans la gestion de la Province.
Je suis conscient que, d’après nos Constitutions et Lois (251), il n’y a qu’un seul Supérieur majeur dans une Province, mais je vois mon rôle comme le coordinateur d’une équipe d’animateurs. Je me vois comme un chef d’orchestre qui doit donner la bonne note, faire le bon geste pour que la musique soit plus belle. Ma première responsabilité est vis-à-vis de mes plus proches collaborateurs : les Supérieurs délégués, les Supérieurs de communautés et tous les confrères qui peuvent m’aider à assurer une meilleure animation de mes confrères de la Province.
La plus grande difficulté
Le service de la communion fraternelle va au-delà de notre Société missionnaire pour inclure la collaboration avec les autres familles religieuses qui travaillent dans les mêmes champs apostoliques que nous. Il se vérifie aussi par la qualité de nos relations avec l’Église locale (les évêques, les prêtres, les communautés chrétiennes, etc.). Cela donne l’impression d’un cahier de surcharge. Mais si cela est mené dans le cadre d’une bonne répartition de responsabilités, dans un esprit de subsidiarité, les choses s’améliorent et les relations se renforcent. La plus grande difficulté, c’est quand chacun ne joue pas bien sa part de la partition, provoquant ainsi beaucoup de frustrations, déceptions et incompréhensions. Il n’y a qu’une seule condition pour que cette approche marche bien : tous les partenaires doivent avoir, à l’instar de la première communauté chrétienne, “un seul cœur et une seule âme” (Ac 4,32). Il s’agit d’avoir une même orientation, un même objectif, une même vision pour la Province.
Pendant la première rencontre du Conseil provincial, nous avons cherché ensemble ce que nous voulons faire pour la PAO : Quelle est notre ambition pour l’avenir de la Province?? Quelle est notre vision et perspective d’avenir pour la Province?? Où voulons-nous aller avec la PAO ? Compte tenu de nos ressources humaines, en étant réalistes, quels peuvent être nos engagements apostoliques ?
Je vois mon ministère de leadership comme un service. Un service qui tend à faire grandir la communion fraternelle. Pour une famille missionnaire comme la nôtre, le service de leadership doit provoquer un dynamisme apostolique et un élan missionnaire. Mon ambition est d’aider mes confrères à vivre la mission que les Églises particulières nous confient selon le charisme de Missionnaires d’Afrique.
Ignatius Anipu