PEP
Le Père André Simonart

 

 

 

 

 

André-L. Simonart.

Envoyé pour une mission
qui ne m’appartient pas

En février 2009 Gérard Chabanon, alors Supérieur général, s’adressa au Conseil provincial d’Europe et nous demanda si nous, les dix Supérieurs de Secteur, avions acquis “le réflexe provincial” au double sens du terme, c’est-à-dire informons-nous l’équipe provinciale de ce qui se passe dans notre Secteur et prenons-nous à cœur de suivre ce qui se passe dans les autres Secteurs. En d’autres mots, Gérard nous interpella sur le “penser Province”.

Même si la communication avec l’un ou l’autre Secteur est à améliorer, l’échange entre Secteurs et avec l’équipe provinciale fonctionne. Les rapports des réunions de Conseil de tous les Secteurs sont envoyés à tous les supérieurs de Secteurs. L’équipe provinciale y réagit. Il est un fait cependant qu’avec deux réunions du Conseil provincial par an, les demandes d’administration ne laissent guère de temps pour une mise en commun de situations particulières à l’un ou l’autre Secteur.

Le “penser Province”, cependant, est en vue de la Mission comme le dit clairement l’introduction aux Statuts de la Province. Or l’âge des confrères et l’attention, l’énergie et le temps que requiert notre premier service de la Société en Europe, à savoir l’accompagnement et le soin des confrères malades ou âgés, font que “penser Mission” n’est pas évident. Lors de nos préparations pour le Conseil plénier, nous avons pris conscience que “penser Mission” ne se conjugue plus avec “penser Province”, mais avec “penser Société”. Si la responsabilité de la Province d’Europe reste entière en ce qui concerne l’accompagnement des projets missionnaires et la préparation de nouveaux, il appartient à la Société de voir si et dans quelle mesure elle peut investir son personnel en Europe pour la Mission. En le faisant, la Société détermine, pour une large part, ce que sera la présence des Pères Blancs en Europe dans un avenir assez proche. Le pape François, avec son appel à un nouveau souffle missionnaire, à un style de la mission plus relationnel, à une présence accrue auprès des pauvres et des marginalisés, nous interpelle particulièrement en cette année de la vie consacrée. Richard, notre Supérieur général, a fort heureusement relayé cet appel dans sa conférence du 8 décembre à Paris.

Les choses bougent dans la bonne direction
En rentrant à Bruxelles, après deux semaines de réunion au Burundi avec le Conseil général et les autres provinciaux, je me suis dit que les choses bougent doucement, mais vont dans la bonne direction. C’était la troisième fois que je participais à ce genre de réunion. Je constate que “penser Société” et “penser Mission” sont des expressions qui ont de plus en plus de consistance. Grâce aux contacts directs que ces réunions permettent, aux informations que le Conseil général nous partage et aux nouvelles qui circulent davantage dans la Société avec les moyens de communications, j’ai noté, tant chez moi-même que chez d’autres, une plus grande prise de conscience, une plus grande ouverture et un sens accru de responsabilité. Mes dernières requêtes de personnel auprès d’autres Provinciaux ont été les bienvenues, ce qui n’était peut-être pas toujours le cas dans le passé. Évidemment, toutes n’ont pas reçu une réponse positive.

La gestion du personnel
Il faut reconnaître que la gestion du personnel est un casse-tête. Elle l’est tout d’abord parce que nous avons décidé que le projet prioritaire et d’avenir de la Société est le recrutement et la formation des jeunes qui demandent de se joindre à nous pour la Mission. Ceci étant dit, la Mission reste vitale. Il en découle une tension, qui ne peut être constructive que si elle est gérée ensemble et avec discernement. Lors de notre réunion à Bujumbura, l’un de nous posa la question : “Pourrions-nous parler ouvertement du Brésil, des Philippines, de … et pourquoi pas de l’Algérie et de la Tunisie ?”. Nous avons davantage pris conscience qu’ouvrir une nouvelle communauté ou maintenir notre présence quelque part ont des conséquences pour l’ensemble de la Société compte tenu du personnel disponible. Nous sommes acculés à oser faire des choix radicaux. Ces choix font peur ou fâchent. Ils ne peuvent être faits qu’en Chapitre général.


Rencontre des Provinciaux avec les membres du Conseil général
à Bujumbura en février 2015.

Quand, en juillet 2011, j’ai été nommé Provincial, j’ai eu l’occasion de revoir Sœur Helga Franke, qui était alors Provinciale d’Europe des Sœurs Blanches. J’en ai profité pour lui demander comment elle voyait son rôle comme Provinciale. Sœur Helga m’a dit que, pour elle, ce qui était prioritaire était d’accompagner les Sœurs responsables dans les différents pays d’Europe. Un bel idéal que j’ai essayé de réaliser.

La chose n’a pas été simple et cela pour diverses raisons. L’une d’entre elle est qu’au début de mon mandat, j’ai senti le besoin de me familiariser davantage avec ces communautés que je ne connaissais guère. Cela m’a demandé pas mal de visites. Une autre raison est le fait que deux Supérieurs de Secteur ont eu et ont encore fort à faire avec quelques affaires délicates, qui ont nécessité de leur part et de ma part beaucoup de concertation, inclusivement avec le Conseil général. Enfin, chaque année, le Provincial se doit de visiter tous les projets missionnaires provinciaux ainsi que le Secteur où les pouvoirs délégués sont limités. C’est dire que la nomination d’un Assistant provincial a été la bienvenue. Ensemble nous allons reprendre cette priorité d’accompagner les Supérieurs de Secteur et voir comment faire mieux en faisant moins.

Le sens de la mission et la manière de la vivre
Au cours de mes nombreuses visites, deux points en particulier m’ont donné une grande joie. Le premier est le sens de mission avec lequel les Supérieurs et les économes de secteur ainsi que d’autres confrères assument leur service des confrères. J’ai été frappé par leur sens de présence aux confrères, leur souci de leur assurer de bonnes conditions de vie, tant matérielles que spirituelles, leur sens de responsabilité à prévoir l’avenir en engageant des laïcs et en faisant appel à des organisations ou compagnies pour s’occuper de la gestion de nos grandes communautés, tout cela en gardant un œil attentif aux coûts et dépenses.

Mon second point est à propos de la manière dont la grande majorité des confrères âgés et malades vivent la Mission. Justement, l’autre jour, nous en parlions avec Francis Barnes qui rentrait de sa visite aux confrères de Haigerloch. Tous les deux, nous sommes plein d’admiration pour la manière dont ils gèrent leurs ennuis de santé qui, pour certains, sont particulièrement lourds. En plus, leur attention aux autres et leur attachement à la vie de prière nous édifient et nous stimulent. Nous nous disions que la sainteté de ces confrères est visible et qu’elle est source de bénédictions pour toute la Société. Nous reconnaissons néanmoins que certains confrères ont des difficultés.

Certains, par exemple, semblent assez pessimistes quant à l’avenir de la Société et à l’avenir en général. Pour d’autres, quelque expérience du passé continue à leur voler leur sommeil ou la bonne humeur. Eux aussi font partie de la grande famille des Pères Blancs.

Dans l’un ou l’autre secteur, il y a quelques confrères qui souhaitent l’abolition de la Province d’Europe, jugée une structure trop lourde et créant un niveau intermédiaire inutile entre le Conseil général et les secteurs (ma rencontre avec la Provinciale des Sœurs Blanches était-elle prémonitoire d’un destin commun ?). Le Conseil provincial sortant, pour sa part, tient à ce que toute communauté, aussi petite soit-elle, se sente reconnue dans son identité propre, soutenue et relié à cet ensemble qu’est la Province d’Europe. Ainsi, les quatre confrères en Pologne forment un secteur de la province.

Serviteur quelconque ou inutile, selon différentes traductions de la Bible ou selon l’opinion des confrères, je vis mon service avec un sens d’être envoyé pour une mission qui ne m’appartient pas et me dépasse. Je fais confiance à Celui qui m’a appelé et envers qui je me suis engagé il y a 45 ans.

André-L. Simonart.