Mandat d'arrêt contre Compaoré: «un pas vers la vérité»
© REUTERS/Thomas Mukoya
La justice burkinabè a émis un mandat d’arrêt international contre l’ancien président Blaise Compaoré le 4 décembre dernier dans le dossier sur l'assassinat de Thomas Sankara. Couronnement d’une année de procédure accélérée avec la chute de Blaise Compaoré le 31 octobre 2014, cette mesure est « un pas vers la vérité », estiment l'entourage du président Sankara.
La justice burkinabè a annoncé avoir lancé un mandat d'arrêt contre l'ancien président Blaise Compaoré, en exil en Côte d'Ivoire depuis sa chute du pouvoir en octobre 2014. Blaise Compaoré est inculpé d'assassinat, d'attentat et de recel de cadavre dans l'enquête sur la mort du l'ex-président Thomas Sankara en octobre 1987. Les proches se réjouissent de cette démarche judicaire.
« Pour moi, c’est une avancée dans le dossier », « un pas vers la vérité », se réjouit ainsi Moussbila Sankara, l'oncle de Thomas Sankara, qui était au moment des faits, ambassadeur en Lybie. Ce proche de l'ancien président estime que le mandat d'arrêt va permettre d'élucider le rôle de Blaise Compaoré dans l'assassinat de Sankara. Une avancée « logique », affirme-t-il, « parce que Blaise Compaoré était le premier responsable de l’armée au moment où ça s’est passé. Pour moi il a d’abord été le commanditaire puisqu’il n’a pas désavoué l’acte ; il peut bien être le donneur d’ordre, parce que c’était un camp militaire. Ce n’est donc pas une caserne de bandits où quelqu’un peut se lever et puis aller abattre quelqu’un qui a rang de chef d’Etat et que par la suite rien ne se passe. Donc pour moi c’est lui le responsable. »
Maitre Bénéwendé Sankara, l'avocat de la famille Sankara, est lui aussi optimiste. Et ce malgré, le fait que les tests ADN se soient avérés infructueux. « Les tests ADN constituaient une expertise complémentaire à la requête de la famille du président Sankara, pour avoir la certitude que les ossements retrouvés sont ceux du président Thomas Sankara, rappelle simplement Me Bénéwendé Sankara. Du reste, il faut relativiser, parce que le laboratoire de la police scientifique conclut que vu la dégradation des restes, il est difficile de trouver des ADN détectables qui peuvent reproduire des empreintes génétiques, ce qui ne remet pas en cause l'autopsie et bien sûr l'expertise balistique, qui sont aussi des éléments. En tout état de cause, le rapport sur les tests d’ADN ne saurait être un obstacle à la poursuite de la procédure. »
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Que fera la Côte d'Ivoire?
L’ancien président burkinabè vit à Abidjan depuis qu’il a été déchu du pouvoir en 2014.
Pour la société civile ivoirienne, ce mandat d’arrêt est légitime et le gouvernement ivoirien se doit de répondre favorablement à son extradition. Selon Victor Touré, président de l’ONG Club Union africaine Côte d’Ivoire, un refus des autorités ivoiriennes impacterait négativement les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso.
Il précise aussi que les autorités ivoiriennes ont là l’occasion de démontrer aux yeux du monde qu’elles veulent réellement s’inscrire dans une dynamique d’impunité pour laquelle elles sont souvent critiquées. Le gouvernement ivoirien n’a fait aucune déclaration officielle pour l’instant.
■ Dossier Sankara : retour sur un an de procédure
Dès son investiture, le président Michel Kafando avait ordonné l’ouverture du dossier Thomas Sankara. C’était trois semaines après la chute de Blaise Compaoré.
Six mois après ce discours historique, les restes supposés du capitaine Thomas Sankara et ses douze compagnons, sont exhumés du cimetière de Dagnoën à Ouagadougou.
Le 13 octobre 2015, les résultats de l’autopsie révèlent que la mort du capitaine Thomas Sankara et ses douze compagnons est d’origine criminelle, selon l’un des avocats de la famille Sankara. Plusieurs personnes dont des militaires de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle sont inculpées. Le gouvernement de la transition se réjouit de ces avancées significatives dans le dossier Sankara et demande à la population de faire confiance à la justice.
Le 12 novembre dernier, le général Gilbert Diendéré, bras droit et ex-chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré, est officiellement inculpé pour complicité d’assassinat dans l’affaire Sankara.
L’expertise ne confirme pas que les restes retrouvés dans les tombes sont ceux du capitaine Thomas Sankara et des douze personnes à ses côtés au moment de sa mort, car aucun ADN n’a pu être détecté sur les dépouilles. Les familles devront donc se contenter des résultats de l’autopsie et des objets retrouvés dans les tombes. Mais dans le dossier figure un document de taille : un mandat d’arrêt international contre Blaise Compaoré. La justice burkinabè attend toujours la réaction des autorités ivoiriennes, le pays d’accueil de l’ancien président burkinabè.
Blaise Compaoré visé par un mandat d'arrêt international
L'ancien chef de l'Etat burkinabé, réfugié en Côte d'Ivoire, est recherché pour son rôle supposé dans l'assassinat du président Thomas Sankara en 1987.
Entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, les tensions risquent d’être ravivées. La justice du Burkina a annoncé lundi avoir lancé un mandat d’arrêt international visant Blaise Compaoré, l'ancien président burkinabé, pour son rôle supposé dans l’assassinat de l’ex-chef de l’Etat Thomas Sankara en 1987. Exilé en Côte d’Ivoire après sa chute du pouvoir en octobre 2014, Compaoré n’a pas choisi son refuge au hasard. Il était le principal appui des rebelles ivoiriens dans les années 2000, qui soutenaient Ouattara, aujourd’hui devenu président.
Bruno Koné, porte-parole du gouvernement ivoirien, a déclaré à l’AFP ne pas avoir été informé de ce mandat. Selon des sources proches du dossier, il a pourtant été émis le 4 décembre et transmis aux autorités ivoiriennes. Selon elles, Blaise Compaoré est également inculpé pour «assassinat», «attentat» et «recel de cadavre».
Déjà douze inculpés
Ce mandat intervient donc dans le cadre d’une enquête, ouverte fin mars 2015, sur l’assassinat de Thomas Sankara. Cette icône africaine, ainsi que douze de ses hommes, ont été tués le 15 octobre 1987 lors d’un putsch qui a permis à Blaise Compaoré d’accéder au pouvoir. Ce dernier, frère d’armes de Sankara, est depuis le début soupçonné d’avoir commandité le meurtre de son ami, ce qu'il a toujours démenti.
Une demi-douzaine de personnes au moins, majoritairement des anciens soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré, ont déjà été inculpées pour les mêmes raisons dans cette affaire. Parmi elles figure le général Gilbert Diendéré, ancien chef du RSP, et auteur d’un putsch manqué en septembre 2015.
Simultanément, les résultats des analyses ADN pratiquées sur les dépouilles présumées de Sankara et de ses compagnons sont décevants : aucun ADN n’est détectable sur les cadavres exhumés fin mai, enterrés depuis vingt-huit ans. «L’état des restes ne permettaient pas au laboratoire de certifier l’existence d’ADN» sur les corps, a indiqué lundi l’avocat de la famille Sankara, Me Bénéwendé Stanislas Sankara. Les tests ont été réalisés par le laboratoire de police de Marseille. La famille a quinze jours pour demander une contre-expertise ou des analyses complémentaires.
Ces nouveaux éléments sont un défi pour le nouveau président burnikabé, Roch Marc Christian Kaboré, dont l’investiture est prévue le 29 décembre. L'enquête sur l'assassinat de Sankara n'a été ouverte qu'après la chute de Blaise Compaoré, chassé par une insurrection populaire après vingt-sept ans au pouvoir, alors qu'il espérait briguer un nouveau mandat. On ne sait pas quelle sera la position du nouveau président dans cette affaire. Ni si le pouvoir ivoirien, dont Compaoré est proche, donnera suite à ce mandat.