Boko Haram: bientôt un accord de défense entre la France et le Nigeria

Le président français François Hollande au côté de son homologue nigérian, Muhammadu Buhari, le 14 mai 2016 au sommet d'Abuja.
© REUTERS/Afolabi SotundePar RFI Publié le 15-05-2016 Modifié le 15-05-2016 à 06:00

Réunie samedi 14 mai à Abuja, la communauté internationale a appelé à en faire davantage contre Boko Haram. Le président français a fait savoir que Paris allait continuer de soutenir la force mixte multinationale à travers de l'assistance, de la formation et du renseignement. La force Barkhane, déployée au Sahel, peut également « intervenir chaque fois qu'il y a un risque terroriste ou une action menée par des groupes », a-t-il ajouté. François Hollande a précisé avoir signé avec le président nigérian Muhammadu Buhari une lettre d'intention en vue d'un accord de défense.

Priorité à la coopération militaire. Dès ce samedi 14 mai, une lettre d’intention a été signée entre la France et le Nigeria. Et dans quelques mois, devrait être paraphé un accord de défense entre les deux pays, a révélé François Hollande ce samedi à l’issue d’un long tête-à-tête d’1h15 avec son homologue nigérian Muhammadu Buhari au palais présidentiel d’Abuja.

La priorité de cet accord de défense, ce sera la lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime. Et il permettra de sécuriser les militaires français qui viendront en mission au Nigeria. Par exemple, si jamais des poursuites judiciaires sont lancées contre eux, ils ne seront pas jugés au Nigeria, mais en France. Et bénéficieront d’une sorte d’immunité diplomatique.

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Tout est donc fait pour renforcer la coopération militaire entre le Nigeria d’un côté et ses partenaires occidentaux de l’autre. Car certes, la secte islamiste a reculé, mais la « menace » demeure et « il ne faut surtout pas baisser la garde », a répété François Hollande, rappelant que « Boko Haram est le groupe terroriste le plus meurtrier au monde ». Et le président français d’insister : « C’est Boko Haram qui a le plus enlevé, assassiné, violé et nous devons donc poursuivre avec ténacité, avec acharnement même, le combat qui a été entamé contre ce groupe terroriste. »

L'approche militaire insuffisante

« La guerre n’est pas finie, a lancé également le chef de la diplomatie britannique Philip Hammond. Les succès militaires ont été impressionnants, mais l'ennemi n'est pas encore vaincu. S'attaquer au terrorisme et le vaincre est un défi complexe. Il n'y a pas de solution facile et rapide. Et une réponse simplement militaire ne permettra pas de vaincre les terroristes et d'amener une paix durable. Nous mettons en œuvre cette vérité dans notre approche de Daech. Bien sûr, nous les attaquons militairement. Mais dans le même temps, nous ciblons leurs finances, nous controns le poison de leur idéologie, nous démontons leur propagande et nous investissons dans la stabilisation des zones libérées avec de la bonne gouvernance et la fourniture des services essentiels aux populations. Nous devons adopter et soutenir une stratégie similaire ici si nous voulons défaire et vaincre Boko Haram. La victoire et une paix durable ne pourront être atteintes que si les pays de la région avec notre soutien intensifient leur coopération pour mettre en place une stratégie exhaustive et soutenue qui ne permette pas seulement de gagner la guerre, mais aussi de gagner la paix. »

Les Etats-Unis étaient représentés par leur secrétaire d'Etat adjoint, Anthony Blinken. Washington continuera de fournir des conseillers militaires, du renseignement, de l'équipement, un appui logistique et de la formation. Mais il a surtout plaidé également pour une approche globale dans la lutte contre Boko Haram, et pas seulement militaire. « La victoire sur le champ de bataille ne suffira pas à infliger une défaite durable à Boko Haram. Le succès demande une approche exhaustive et soutenue qui implique de combattre l'idéologie de Boko Haram, de protéger les civils et l'administration civile, d'enquêter sur les violations des droits de l'homme et d'en traduire les responsables en justice, de réparer les relations entre civils et militaires, restaurer la stabilité dans les communautés libérées, fournir les services essentiels et promouvoir le développement économique », a-t-il détaillé.

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Si plusieurs centaines de millions d'euros seront nécessaires à la réhabilitation des zones touchées par Boko Haram, l'Union européenne confirme le versement prochain d'une aide de 50 millions. L'Europe veut aider des projets permettant de s'attaquer aux racines de l'insurrection : la pauvreté, l'éducation. Après avoir longtemps trainé les pieds, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne acceptent désormais de fournir des armes et former les soldats nigérians à mieux faire face à la nouvelle stratégie du groupe armé. La Chine a également renouvelé son soutien.

Confusion autour de la Force multinationale mixte ?

Le président camerounais Paul Biya, également présent à Abuja, a convenu que la victoire militaire contre Boko Haram devait s'accompagner du développement des zones touchées et d'un effort sur l'éducation dans ces mêmes zones. « C’est par une amélioration des conditions de vie des populations et un accès élargi à l’éducation que nous pourrons efficacement prévenir la réapparition de phénomènes comme Boko Haram », a-t-il déclaré.

Le déploiement effectif de la Force multinationale mixte (FMM), composée de 8 500 hommes originaires du Nigeria et des pays voisins, mise en place depuis juillet, est resté jusqu'ici très confus. Une meilleure coordination entre les différentes armées est désormais indispensable, a affirmé le président tchadien. « Il est urgent que cette force soit opérationnelle avant que la saison des pluies ne s’installe, a souligné Idriss Déby. (…) Si rien n’est fait dans les trois mois, toute la zone contrôlée aujourd’hui ou soi-disant contrôlée par Boko Haram va être sous l’eau et nous devrons attendre mars 2017. »

Chronologie et chiffres clés