Dans le journal "La Croix" du 19/10/2016

Au Burkina Faso, les frontières de la peur

Quatre militaires ont été tués la semaine dernière à la frontière malienne. Depuis plus d’un an, c’est la septième attaque frontalière au nord du Burkina.

« Est-ce le début d’une guerre sur notre territoire ? », s’interroge un habitant d’une commune proche d’Intangom, dans le nord du Burkina Faso. La localité sahélienne se situe à 5 km du Mali, à 20 km du Niger : une frontière poreuse, des postes de sécurité vulnérables.

Mercredi 12 octobre, « des hommes armés non identifiés » ont attaqué le poste de police occupé par un détachement de l’armée « d’une vingtaine d’hommes » venu en renfort. Car en mai, déjà, trois policiers avaient été tués ici.

 

Cette fois, le bilan officiel fait état de quatre militaires morts, trois blessés et au moins deux civils tués. Les assaillants ont disparu avec un pick-up et des armes. Selon des sources sécuritaires et des témoignages des habitants, l’affrontement a duré plusieurs heures et des soldats ont pris la fuite.

Conséquences de la crise malienne

Depuis dix-huit mois, le Burkina Faso est la cible d’actes terroristes. Trois Occidentaux – dont une femme libérée depuis – ont été enlevés dans le nord. Sept postes de sécurité ont été attaqués au nord et à l’ouest, faisant quinze morts et plus de onze blessés. Les victimes sont surtout des policiers, des gendarmes et des douaniers. Et les attaques sont signées Al-Mourabitoune, Al-Qaida au Maghreb islamique ou Al-Sahraoui au nom de l’État islamique. Certaines n’ont jamais été revendiquées.

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Le pays subit les conséquences de la crise malienne qui, depuis 2012, oppose terroristes, indépendantistes et armée régulière. L’instabilité marque également le Niger. Dans l’ouest du pays, ce mois-ci, 22 militaires ont été tués lors de l’attaque d’un camp de réfugiés maliens, un Américain a été enlevé et un commando armé a tenté de libérer des terroristes islamistes ouest-africains détenus en prison.

Colère et incompréhension

À Intangom, des incompréhensions subsistent : pourquoi un détachement militaire et les renforts ont-ils échoué à neutraliser les assaillants ? « Il y a un manque de moyens, explique une source sécuritaire. Rien n’a été fait. Les annonces des politiques et de l’État-major sont des mensonges. » Un gradé ajoute : « Laisser des hommes seuls aux postes, c’est du suicide ». Un autre complète : « Les hommes ont peur. Ces postes sont des cibles faciles et il y a eu d’autres ratés ».

Parmi la population aussi, la colère gronde. Qui a tué les civils, un père et son fils, lors de l’attaque ? « Victimes collatérales », selon une source militaire, « bavure de l’armée » s’indignent les habitants d’Intangom. L’hypothèse la plus probable est qu’ils aient été confondus avec les assaillants.

Ludivine Laniepce (à Ouagadougou)