RD Congo : libre sur le papier, l’opposant Moïse Moni Della se trouve toujours en détention à Makala
Plus de dix jours après la signature de l'accord politique de la Saint-Sylvestre qui, entre autres, acte sa libération, l'opposant Moïse Moni Della, reconnu comme l'un des sept prisonniers politiques emblématiques, est toujours en détention à Kinshasa.
Au ministère de la Justice, on évite le sujet. Impossible de prendre connaissance de l’évolution de la mise en oeuvre des mesures de décrispation décidées dans l’accord politique global et inclusif signé le 31 décembre au Centre interdiocésain de Kinshasa.
Ce jour-là pourtant, « les parties ont pris acte avec satisfaction que les cas d’Antipas Mbusa Nyamwisi, Roger Lumbala, Floribert Anzuluni et Moïse Moni Della ont déjà été traités par la [commission des hauts magistrats], laquelle a déjà décidé soit de l’arrêt des poursuites pour les trois premiers, soit de la libération pour le dernier », peut-on lire dans les dispositions du compromis politique conclu entre la Majorité présidentielle (MP), le Rassemblement, principal regroupement de l’opposition congolaise, et quelques signataires du premier accord du 18 octobre.
Trois « cas emblématiques » non réglés par l’accord
Trois autres « cas emblématiques » des prisonniers et exilés politiques, présentés par le Rassemblement lors des pourparlers pour obtenir des « gestes forts » du pouvoir, sont restés en suspens : celui d’Eugène Diomi Ndongala, condamné pour viol sur mineures, a « posé un problème de conscience dans un pays comme la RDC régulièrement présenté par ses détracteurs comme la capitale mondiale du viol », s’est justifié début janvier Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais.
Le sort des deux autres, Jean-Claude Muyambo et Moïse Katumbi, condamnés dans une similaire et rocambolesque affaire immobilière, a été confié aux évêques. Ces derniers poursuivront des contacts auprès des autorités pour tenter d’arracher une mesure de décrispation en leur faveur.
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RDC : qui est ce mystérieux Grec qui a réussi à traîner Katumbi et Muyambo devant la justice ?Inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État dans une autre affaire, portant sur le recrutement de mercenaires, Moïse Katumbi avait d’ailleurs demandé au Rassemblement de ne pas faire de son cas un « point de blocage » lors des pourparlers avec le camp de Kabila, permettant ainsi la signature in extremis de l’accord.
Mais pourquoi Moni Della n’est-il toujours pas libéré ?
Moïse Moni Della, lui, a vu son cas réglé par l’accord. Pourtant, malgré sa libération annoncée dans ce dernier, il continue de croupir dans une cellule du pavillon 1 de la prison tristement célèbre de Makala, à Kinshasa.
« Ce n’est qu’une question de procédure, croit savoir une source judiciaire proche du dossier. Une mesure de décrispation sera bientôt prise en sa faveur et une fois le parquet notifié, les charges à son encontre seront abandonnées et il pourra quitter la prison. »
Moïse Moni Della a arpenté les couloirs de la mort
Mais dans l’entourage de Moïse Moni Della, l’on se dit « préoccupé » par cette lenteur. Interpellé le 19 septembre lors d’une manifestation réclamant la convocation de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels, ce proche de Moïse Katumbi et président des Conservateurs de la nature et démocrates (Conade) est resté introuvable pendant plusieurs jours avant que sa présence ne soit signalée dans un premier lieu de détention.
« Moïse Moni Della a arpenté les couloirs de la mort : il a d’abord été détenu au camp Tshatshi avant d’être transféré à la première zone de défense, puis à Ndolo, au Casier judiciaire et au parquet. C’est depuis le 30 septembre qu’il a été finalement amené à Makala », raconte un proche de l’opposant qui dit également craindre que le leader des Conade ne soit « empoisonné durant sa détention ». « C’est un témoin gênant des bavures commises par les forces de l’ordre et de sécurité lors de la manifestation du 19 septembre », soutient-il.
Dans une correspondance datant du 5 janvier, le parti de Moïse Moni Della a saisi le procureur général de la République pour « solliciter [son] implication personnelle, en tant que patron de l’action et maître de l’action publique, aux fins de lever tout obstacle administratif et de rendre effective » la libération de son leader. Pour l’instant, rien n’y fait.
Incompréhension chez les évêques
Du côté de la médiation, l’on ne comprend pas non plus pourquoi les premières mesures de décrispation annoncées, dont la libération de Moïse Moni Della et le retour des trois exilés politiques (Antipas Mbusa Nyamwisi, Roger Lumbala et Floribert Anzuluni) ne sont toujours pas effectives. « La question était même de nouveau sur la table des discussions hier [11 janvier] lors de la reprise des travaux sur l’arrangement particulier », renseigne une source au sein de la Cenco.
Aussi le Conseil national de suivi de l’accord (CNSA) ne peut-il pas encore se saisir du dossier. « Les évêques ont demandé à Étienne Tshisekedi [président désigné de la structure, ndrl] d’attendre sa notification avant d’entrer effectivement en fonction », confie à Jeune Afrique un proche collaborateur du président du comité des sages du Rassemblement.
Trésor KibangulaLa Majorité présidentielle (MP) a lancé lundi à Kinshasa sa "Centrale électorale", une structure technique devant l'aider à "gagner les élections à tous les niveaux" en RDC. Mais le nom du candidat à la prochaine présidentielle, désormais prévue avant la fin de l'année 2017, n'a pas été dévoilé.
À la manœuvre, un homme : Aubin Minaku. Le secrétaire général de la Majorité présidentielle (MP) et président de l’Assemblée nationale a présidé, le 9 janvier sous le chapiteau de l’hôtel Pullman de Kinshasa, la cérémonie de lancement de la « Centrale électorale » de la MP en perspective des élections à venir.
L’heure presse en effet puisque l’accord politique conclu le 31 décembre 2016 a ramené l’organisation des scrutins présidentiels, législatifs et provinciaux au plus tard à décembre 2017 alors qu’ils étaient prévus en avril 2018 à l’issue du premier compromis politique conclu avec une frange de l’opposition congolaise.
« En réalité, c’est depuis le 9 octobre dernier que le chef de l’État a instruit le bureau politique de la MP à mettre en place cette centrale électorale », tente de justifier Adam Chalwe, membre du cabinet d’Aubin Minaku et coordonnateur des jeunes de la majorité. « Il n’est pas encore question de personnes ou de candidats mais de la stratégie à mettre en place pour gagner », ajoute-t-il, fidèle aux éléments de langage adoptés en interne.
Qui sera le candidat de la Majorité présidentielle ?
Lors de son discours de lancement de la Centrale électorale lundi, Aubin Minaku est resté sur la même ligne, préférant botter en toucher sur la question du candidat de la MP à la prochaine présidentielle. « La Majorité présidentielle est une structure bien organisée, disposant indiscutablement du meilleur projet de société pour la RD Congo tel que porté par son autorité morale, Joseph Kabila Kabange », a-t-il martelé. Et d’assurer : « Comme dans le passé, la MP alignera des candidats à tous les niveaux ».
En attendant, la Centrale électorale fraîchement lancée sera dirigée par un coordonnateur assisté par trois adjoints, « tous des techniciens », selon une source interne proche du dossier. « Seuls les membres des points focaux seront des personnalités politiques », précise-t-elle. Là aussi, silence radio sur les animateurs de cette structure électorale. « Ça fait partie de notre stratégie, nous ne voulons pas, pour l’instant, dévoiler les personnes qui animeront la centrale électorale. Mais elles sont déjà là », soutient Adam Chalwe.