abc Burkina n° 221 |
L'an passé, nous avions rencontré le chef des Peuls de Débé (province du Sourou), M. Boly Salif, en présence de quelques hommes et de quelques femmes de sa communauté. Ils avaient manifesté fortement le désir de s'alphabétiser dans leur langue, le fulfuldé. C'est ainsi qu'un stage a été mis en place en 2006, avec une trentaine de participants. Cette année, Madame Ba, l'animatrice de l'an passée, est donc retournée à Débé pour la formation dite "complémentaire". A son arrivée, Madame Ba a du résoudre un problème inhabituel. Ceux qui, à l'évaluation de l'an passé, n'avaient pas été admis ont fait savoir à Madame Ba qu'il n'était pas question qu'elle ne s'occupe pas d'eux. Eux aussi voulaient poursuivre leur formation. C'est ainsi qu'elle a confié "les recalés de l'an passé" à un ancien écolier qui avait suivi l'alphabétisation initiale avec elle. Elle-même s'est chargée de la formation complémentaire, tout en supervisant l'alphabétisation initiale confiée au jeune scolarisé, surtout en guidant ce jeune, en préparant les cours avec lui. C'est ainsi que le dimanche 11 mars 2007, invité par M. Boly Salif, j'étais à Débé pour la clôture officielle des stages d'alphabétisation. Après les salutations d'usage, Madame Ba nous a fait part des résultats. Pour l'alphabétisation complémentaire, 15 élèves sur 17 ont été admis. Pour l'alphabétisation initiale, 13 élèves sur 15. Ces résultats sont significatifs à plus d'un titre. 1. Ils manifestent certainement la qualité de l'enseignement, mais aussi la détermination des élèves. Cela confirme ce que nous avons écrit l'an passé. Les éleveurs peuls qui s'étaient repliés sur eux-mêmes s'ouvrent de plus en plus à l'éducation : ils se tournent vers l'alphabétisation des adultes. De même, de plus en plus, ils mettent leurs enfants à l'école. C'est un mouvement qu'il nous faut accompagner. 2. Mais cela remet aussi en cause notre méthode d'alphabétisation des adultes. Il apparaît clairement ici que 50 jours pour l'alphabétisation initiale sont insuffisants. On ne peut se satisfaire d'une méthode qui échoue pour plus de 50 % des élèves. C'est pourtant la réalité, si on met à part les anciens élèves du primaire ou des collèges, qui peuvent donner illusion. Que faire ? Soit prévoir un stage 80 à 100 jours pour l'alphabétisation initiale. Mais ce n'est pas souvent possible. Soit suivre l'exemple de Madame Ba, en précisant à l'avance que l'alphabétisation initiale s'étale sur deux ans. Ceux qui en fin de "première année" ne seraient pas admis en alphabétisation complémentaire ne seraient pas considérés comme ayant échoué. C'est plutôt les plus brillants qui seraient admis à rejoindre les anciens élèves et donc à suivre une alphabétisation accélérée. Ainsi, sur la promotion 2006, à la fin des deux stages de 50 jours, seuls deux auditeurs sur 32 n'ont pas été déclarés admis. Ce qui nous donne un taux de réussite de près de 94 % ! 3. Autre leçon à tirer. En commençant les cours début janvier, comme l'ont fait les Peuls de Débé, il est possible de poursuivre (après un temps de repos) la formation par ce qu'on appelle communément la formation technique et spécialisée dans la même année. C'est ce que devraient faire les Peuls de Débé dès le mois d'avril. Au programme pour cette formation, un document sur la gestion d'un troupeau de vache en vue d'une bonne production de lait; un document sur les droits et devoirs de tout citoyen et un livre de calcul niveau CM2. Tout cela en fulfulde, bien sûr. 4. Plutôt que de lancer seul un jeune qui débute comme animateur, quand c'est possible, il est préférable qu'il soit suivi de près par quelqu'un de plus expérimenté, comme ce jeune qui a profité de l'appui de Madame Ba. L'an prochain, après une formation d'animateur, il sera bien préparé pour tenir un stage d'alphabétisation initiale. A noter également que de nombreux invités ont pris part à la petite fête organisée par les Peuls de Débé, à l'occasion de la clôture de ces stages d'alphabétisation : le préfet et d'autres membres de l'administration; des responsables d'organisations paysannes... Tout cela est prometteur pour l'intégration des Peuls de la région dans l'ensemble du tissu social de la province. (Et également : la fête en quelques photos : la démonstration de ce que les auditeurs sont capables de faire en dictée ou en calcul... et aussi des photos des danses de l'après-midi.) |
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Une expérience d'alphabétisation réussie en milieu peul : Quelles leçons en tirer ? |