"On ne taille pas le bonnet du phacochère en son absence" Du 30 mai au 6 juin 2007, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tient une réunion à Ouagadougou. Au nombre des sujets à l’ordre du jour, la consolidation du processus d’intégration régionale, la définition du Tarif extérieur commun (TEC - c'est le TEC qui définit l'ensemble des droits de douanes perçus à l'importation, et donc qui protège - ou ne protège pas ! - l'agriculture ou l'industrie d'un pays), les négociations sur les Accords de Partenariat Economique (APE). En marge donc de cette rencontre, la Confédération Paysanne du Faso (CPF), en collaboration avec le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), ont fait entendre leur voix sur les questions qui seront débattues à cette occasion. C'est ainsi que le 1° juin, ils ont marché dans Ouagadougou à la rencontre de la population et du secrétaire général du Ministre de l'agriculture, en présence de la représentante de l'Union Européenne. A cette occasion, ils ont rédigé un "MEMORANDUM" qui exprime leurs positions et leurs inquiétudes. Tout d'abord, ils expriment avec force leur adhésion à la construction de l'intégration régionale. Mais ils sont conscients que beaucoup reste à faire. Ils tiennent à être associés à cette construction qui va conditionner leur avenir. C'est ce qu'ils ont exprimé à travers ce proverbe africain : "On ne taille pas le bonnet du phacochère en son absence" Dans ce mémorandum, ils précisent : " C’est pour cela, qu’à l’occasion de la réunion de la Commission de la CEDEAO à Ouagadougou, nous, membres du réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), de la Confédération Paysanne du Faso (CPF) et des Organisations de la Société Civile du Burkina, avons convenu de réaffirmer notre profond attachement à l’intégration régionale mais aussi d’exprimer nos interrogations sur le cours actuel du processus d’intégration régionale. " Ils se disent "très préoccupés par l’application à l’ensemble des pays de la CEDEAO du TEC de l’UEMOA qui a été inefficace pour stimuler la production agricole et les échanges intra-régionaux, réduire la dépendance alimentaire et stopper la perte de devises pour l’importation de produits alimentaires." Ils exigent "l’adoption de mesures de protection aux frontières régionales et des mesures de sauvegarde qui restent les seuls instruments efficaces pour assurer le développement d’un marché régional pour les produits agricoles et agroalimentaires locaux. L’adoption, notamment, d’un TEC avec une 5ème bande dont le taux est au moins équivalent aux droits de douane notifiés à l’OMC par les Etats d’Afrique de l’Ouest." Ils demandent "de ne pas signer l’APE avec l’Union Européenne tant que les préalables suivants ne sont pas effectivement remplis : a. La réalisation effective de l’intégration régionale à travers la mise en place b. La réalisation d’un marché commun véritable fondé sur les préférences c. Un régime commercial asymétrique et équitable, tenant compte des impératifs d. Une ouverture modulée et régulée à une hauteur maximum de 50% des échanges ; e. Le report de 3 ans de la date de signature de l’APE, comme demandé par la f. Une période de transition suffisamment longue pour consolider l’intégration g. L’aboutissement des négociations multilatérales à l’OMC pour le Cycle de Doha." " Ils demandent de lancer, sans délai, le processus participatif de détermination d’une liste de produits spéciaux et stratégiques à soustraire de tout accord commercial y compris l’APE, avec la méthode convenue par les acteurs de la région lors de l’atelier de Ouagadougou de janvier 2007 ; L’organisation de véritables débats démocratiques aux niveaux local, national et régional sur les enjeux et les défis de l’intégration régionale, et des règles commerciales de l’OMC et l’APE qui vont avoir des conséquences certaines sur nos terroirs, nos agricultures et notre partenariat avec le reste du monde pour une très longue période ." Ce mémorandum est un document de haute qualité, un peu technique, qui mérite d'être lu et pris en considération. Il a été lu par le président de la CPF, M. Dao. Auparavant le président des Chambres Régionales de l'Agriculture, M. Sawadogo, s'était exprimé. Enfin, le président du ROPPA, M. Fall, a conclu cette rencontre par des paroles fortes qui exprimaient bien la détermination des paysans. Mais ceux-ci se sont également exprimés par des slogans (tout au long de la marche) et par des pancartes et des banderolles (voir les galeries de photos 30 et 31 ). C'est au moins la troisième fois que les paysans du Faso marchent dans la capitale pour y exprimer leurs positions sur les APE et sur le commerce mondial. La nouveauté cette fois, c'est qu'ils n'étaient pas seuls. Nous avons été témoin d'un double élargissement. Cette marche avait un caractère régional. Non seulement grâce à la présence du président du ROPPA, mais aussi par des délégations venues du Mali, du Bénin, de la Côte d'Ivoire et du Sénégal. Elargissement aussi au niveau de la société civile, avec l'engagement de la Ligue des Consommateurs et d'autres associations. Engagement aussi des artistes, comme la "Coalition Intègre du Burkina" (C.I.B.). Koudougou, le 3 juin 2007 Texte tiré de www.abcburkina.net |