[Tribune] Présidentielles en Afrique de l’Ouest :
trop de candidats, pas assez de leadership
Vingt-trois hommes et une femme étaient candidats à l’élection présidentielle du 29 juillet au Mali. Cela fait 24 options offertes aux électeurs, 24 équipes de campagne aux moyens humains et financiers extrêmement variables, 24 slogans… Mais pas vraiment 24 programmes de gouvernement dignes de ce nom.
Au sein du think tank citoyen Wathi, nous nous donnons pour objectif, à chaque présidentielle en Afrique de l’Ouest, de présenter chacun des candidats et les éléments clés de son programme, de manière à donner aux électeurs d’autres arguments de vote que la proximité ethnoculturelle ou régionale, l’appréciation ou le rejet spontané et peu raisonné d’un candidat, la volonté de se débarrasser d’un chef d’État qui sollicite un nouveau mandat ou de le reconduire, ou les chances de profiter individuellement des avantages matériels offerts par l’un des candidats. Mais avec autant de postulants maliens, l’exercice devient laborieux et un peu vain.
Analyse comparative avec l’Amérique latine
Dans ce cas précis, ce nombre important pourrait être interprété comme le signe d’un courage extraordinaire : présider le Mali aujourd’hui devrait être tout sauf une partie de plaisir, tant les défis à relever sont extraordinaires. Cette interprétation flatteuse n’est malheureusement pas la plus probable.
Dans l’infographie ci-contre, nous avons comparé la situation de l’Afrique de l’Ouest avec celle de certains pays d’autres régions du continent ainsi que d’Amérique latine, dont les scrutins présidentiels au suffrage universel et les conditions politiques, économiques, sociales et culturelles sont assurément plus proches de celles des pays africains que ne le sont celles de l’Occident. Cette analyse confirme qu’il existe une spécificité ouest-africaine en la matière.
Prolifération des candidatures
Dans tous les pays de la sous-région, l’écrasante majorité des suffrages se porte sur une poignée de candidats : ils sont rarement plus de quatre. Nombre de prétendants se présentent donc sans avoir la moindre base électorale. Il faut pourtant des raisons pour investir des ressources dans une campagne électorale.
La prolifération des candidatures peut-elle être jugulée par de simples mesures telles que le relèvement des cautions financières ou l’exigence de parrainage d’élus locaux ou d’électeurs ? Ou est-elle le symptôme d’un mal plus profond, celui d’une déstructuration du champ politique ? Ces systèmes ne parviennent à l’évidence pas à favoriser l’émergence et la pérennité de partis structurés au sein desquels pourraient ou devraient émerger de futurs gouvernants.
Rôle fondamental des États
Les pays d’Afrique de l’Ouest – relativement démocratiques – ne me semblent donc pas pouvoir faire l’économie d’une remise à plat de leur organisation, avec l’objectif assumé de créer les conditions adéquates pour que la qualité de l’offre politique, et celle des personnalités qui aspirent à gouverner, s’améliore radicalement. C’est une nécessité absolue. Les défis africains appellent à un rôle fondamental des États et exigent donc un leadership de grande qualité.