Présidentielle au Mali : les ex-rebelles de la CMA récusent les accusations de bourrage d’urnes
Ibrahim Boubacar Keïta a remporté quelques-uns de ses meilleurs scores dans le nord du pays, en particulier dans les zones sous contrôle de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). De quoi alimenter le doute sur la neutralité de l’ex-mouvement rebelle, dont les combattants sécurisaient les centres de vote.
Le 29 juillet, le vote a bien eu lieu dans le Nord. Mais les écarts de voix entre le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, et les autres candidats dans la région a fait monter d’un cran la fièvre de l’entre-deux tours à Bamako.
Au niveau national, IBK est arrivé en tête du premier tour avec 41,70% des suffrages, largement devant son principal challenger, Soumaïla Cissé (17,78%). Mais dans le Nord-Mali, où les deux candidats ont enregistré des scores supérieurs à leurs résultats nationaux, l’écart est parfois encore plus important.
Soupçons de fraude
A Gao, « Boua » – « Le vieux », surnom d’IBK – a obtenu 58,4% de voix contre 22,4% pour Soumaila Cissé. A Tombouctou, IBK a engrangé 44,5% des voix contre 36,4% pour Cissé. Seule exception, à Kidal, où IBK n’a obtenu « que » 36,5% des voix, contre 20,5% pour Soumaila Cissé.
La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), dont les combattants ont sécurisé une partie des bureaux de vote à Kidal et Ménaka, est pointée du doigt et accusée par les candidats malheureux de bourrage d’urnes en faveur d’IBK.
La sécurisation des bureaux de vote est une activité qui relève de la routine pour nos combattants
Au sein de la CMA, tous les cadres disent la même chose. « Aucune consigne de vote n’a été donnée », confie à JA un proche de Bilal Ag Achérif, le secrétaire général du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), l’une des composantes de la CMA.
« La sécurisation des bureaux de vote est une activité qui relève de la routine pour nos combattants. Il est normal que là où il y attroupement, nos services d’ordre viennent sécuriser le lieu. Le reste ne nous regarde pas. Pour nous, qu’il y ait des votants ou pas, c’est la même chose », assure le secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), Sidi Brahim Ould Sidatti, qui a signé l’accord de paix en 2015 pour le compte de la CMA.
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La réponse de la CMA
Certains hommes politiques sont plus influents que d’autres. Cela s’est reflété dans les urnes
D’où viennent, alors, ces soupçons de fraude envers la CMA qui ont créé tant de tensions à Bamako ? Ilad Ag Mohamed, un ex porte-parole de la CMA qui se trouve en ce moment à Kidal, avance une explication : « Ici, les électeurs de base ne votent pas pour élire un candidat à l’élection présidentielle, mais plutôt par rapport aux consignes données par les responsables locaux. »
Or plusieurs députés originaires du Nord ont battu campagne pour leurs candidats respectifs dans les zones contrôlées par la CMA, et « il se trouve que certains hommes politiques sont plus influents d’autres. Cela s’est reflété dans les urnes », explique Ilad Ag Mohamed. « Est-ce que ça s’est fait de manière régulière ou non ? Je ne sais pas », élude-t-il, sur un ton qui laisse poindre un désintérêt pour le sujet.
Depuis quelques mois, les leaders de l’ex-rébellion font profil bas. Le puissant secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), Alghabass Ag intalla, petit frère de l’Amenokal de Kidal, « est allé faire le hadj à la Mecque, où il se trouve en ce moment même », nous confie l’un de ses proches.
Nous avons signé un accord de paix avec le pouvoir central, et on se tient à ça
Au mois de mai dernier, les leaders de la CMA ont fait savoir au gouvernement malien leur souhait de participer activement au processus électoral, notamment dans les zones qu’ils contrôlent.
Contexte tendu
La tension qui règne à Bamako entre l’opposition et le gouvernement inquiète les ex-rebelles. Pour eux, ni le gouvernement ni l’opposition, et encore moins la population, ne sortirait gagnant en cas de crise postélectorale.
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« Nous avons tenus des rencontres avec plusieurs membres du gouvernement dans le cadre de cette élection présidentielle. Nous avons même proposé un programme de sensibilisation de la population sur le processus de vote, mais finalement nous avons été écartés », explique le porte-parole de la CMA, Mohamed Ould Mahmoud, connu sous le surnom de Mado. « Notre position est simple : nous avons signé un accord de paix avec le pouvoir central, et on se tient à ça », conclut Mado.
Une assertion qui intervient dans un contexte particulier. Le 9 août, un rapport confidentiel remis aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, qui devait être rendu public fin août, a « fuité » dans la presse.
Les experts mandatés par les Nations unies y dressent un état des lieux extrêmement critique de la situation sécuritaire dans le pays, pointant notamment la responsabilité des forces armées dans de graves atteintes aux droits de l’homme. Les experts recommandent notamment la mise en place de sanctions à l’encontre d’acteurs de la crise qui entravent l’application de l’accord de paix d’Alger, sans que la liste de ces personnalités ne soit pour l’instant connue.