Transport routier : au Burkina, chauffeurs et transporteurs enterrent la hache de guerre
Le gouvernement burkinabè a annoncé lundi la levée de la suspension qui pesait contre l'Organisation des transporteurs routiers du Faso (Otraf) et l'Union des chauffeurs routiers du Burkina (UCRB). La sanction avait été prononcée le 28 août, suite à une pénurie de carburant engendrée par le conflit des deux entités.
Prévue initialement pour trois mois, la suspension des activités de l’OTRAF et de l’UCRB a été finalement levée lundi 17 septembre par le Premier ministre Paul Kaba Thiéba, après trois semaines d’application. L’exécutif burkinabè explique sa décision par l’accord de conciliation entériné entre les deux frères ennemis sous l’égide du Haut conseil pour le dialogue social, présidé par le chercheur à la retraite, Jean-Marc Palm.
La sanction avait été prononcée le 28 août dernier, alors que le pays était en proie à une pénurie de carburant causée par cinq jours de grève des chauffeurs affiliés à l’UCRB. Ces derniers réclamaient la démission du président de l’Otraf, El Hadj Issoufou Maiga, par ailleurs président de la Société de transports et de commerce du Faso (Sotracof), une entreprise de 500 camions qui a réalisé 7,4 milliards de francs CFA (plus de 11 millions d’euros) de chiffres d’affaires en 2017, l’accusant d’utiliser sa fonction au profit de son entreprise. Un partage équilibré du fret et de meilleures conditions de travail faisaient aussi partie des mots d’ordre.
D’après les transporteurs, le manque à gagner dû à ce mouvement s’élève à plus de 10 milliards de F CFA.
Un secteur à 85 % informel
« L’État a pris l’engagement de revoir à la hausse la grille salariale des chauffeurs ainsi que leur affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale », a salué Brahima Rabo, président de l’UCRB, suite à l’intervention du Haut conseil pour le dialogue social. D’autres mesures comme l’instauration des bons de chargement dans les ports de Lomé, d’Accra et d’Abidjan ainsi que l’aménagement de parkings et d’aires de repos sont également prévues.
D’après nos informations, l’accord interdit désormais à l’une des organisations d’interférer dans la gestion de l’autre. « Le présent accord met chaque entité à l’abri des troubles « , a déclaré à Jeune Afrique El Hadj Issoufou Maiga, président du principal syndicat professionnel routier, créé en 1995. « Au moment de la suspension, nos membres étaient à l’abandon, sans repère. Nos bureaux vont rouvrir permettant à nos 1 600 agents de reprendre leur activité », assure-t-il.
Le secteur du fret en direction du Burkina représente entre 4,5 et 6 millions de tonnes par an. Il est assuré par près de 5 000 entreprises locales, à 85 % sont informelles, exploitant un parc de 24 000 engins. Il s’agit pour la plupart de petites sociétés familiales disposant de deux ou trois camions hors d’âge – plus de 30 ans en moyenne. Une pléiade de nouveaux entrants mêlant fonctionnaires, retraités et commerçants a émergé dans le secteur des transports suite à la crise ivoirienne qui a favorisé l’essor du secteur informel.
« De la place pour tous »
Parmi les acteurs locaux de plus grande envergure, ou peut citer, outre la Sotracof, Kanazoé Frères, de l’homme d’affaires Inoussa Kanazoé, qui compte un millier de camions, ou encore Cotradis. Fondée en 2012 et dirigée par Abdoul Kader Yada, 44 ans, un ingénieur-électricien qui est passé chez Mobil Oil, Cotradis a connu une croissance rapide au cours des cinq dernières années : la société a vu son chiffre d’affaires bondir de 1,5 milliard de F CFA en 2013 à plus de 8 milliards en 2016. Avec près de 300 collaborateurs, elle réalise 70 % de ses activités au Burkina Faso, son principal marché. Elle compte parmi ses clients la mine de zinc de Perkoa (Burkina), aux réserves estimées à 6,3 millions de tonnes et détenue par le suisse Glencore, et la filiale burkinabè du marocain Ciments d’Afrique.
En outre, au moins 1 000 camions étrangers entrent quotidiennement au Burkina par les postes frontaliers de Cinkansé, Dakola, Ouessa,Niangologo, Fo ou encore Nadiagou.
Mais pour El Hadj Maiga, « on ne peut pas vraiment parler de monopolisation : nous aurions besoin d’un parc de 100 000 camions pour assurer convenablement l’approvisionnement du pays ainsi que la distribution des produits dans les villes de l’intérieur », estime-t-il.