Côte d’Ivoire : chacun cherche son candidat pour 2020

| Par - à Abidjan

À moins de deux ans de la présidentielle ivoirienne, les manœuvres vont bon train au sein des trois principales familles politiques. Qui doivent s’organiser au plus vite et désigner leur champion.

À moins de deux ans du scrutin présidentiel, 2019 sera l’année de toutes les clarifications au sein des grandes familles politiques du pays. Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, mouvance présidentielle), devenu parti, peaufine sa stratégie et annonce son congrès pour la fin du mois de janvier 2019. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), d’Henri Konan Bédié, prévoit lui aussi d’organiser prochainement une convention afin de désigner son champion pour le scrutin d’octobre 2020. Et le Front populaire ivoirien (FPI) mise aujourd’hui sur l’unification.

Fin novembre à Daoukro. Dans la villa huppée d’Henri Konan Bédié (HKB) sont réunis des cadres du PDCI, tous natifs du Gontougo (Nord-Est), région d’origine du ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, suspendu du parti pour avoir soutenu la fusion au sein du RHDP. Ils prêtent allégeance au président du PDCI. La cérémonie paraît banale, mais elle est d’une importance capitale pour le plus vieux parti du pays.

Ce jour-là, en effet, Bédié, qui aura 86 ans en 2020, lance l’opération de renouvellement de son personnel politique dans les localités où des ministres qu’il avait fait nommer ont rallié le RHDP du président, Alassane Ouattara. « Nous sommes sortis du parti unifié définitivement et nous ne reviendrons plus là-dessus », lance-t-il à l’assistance.

Nouvelle plateforme d’opposition

Pour HKB et ses « loyalistes », qui ont rompu avec le RHDP en août, l’heure est à la mise en place d’une nouvelle plateforme, avant la convention qui devrait valider la candidature d’un cadre militant à la prochaine présidentielle. De nombreuses personnalités du PDCI sont dans les starting-blocks, dont deux de ses secrétaires exécutifs – Thierry Tanoh, nouvel argentier du parti et ex-ministre du Pétrole (limogé le 10 décembre), et Jean-Louis Billon, l’ex-ministre du Commerce. Sans oublier Bédié lui-même.


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D’ores et déjà, on sait que la future plateforme de l’opposition comptera plusieurs détracteurs du chef de l’État, tels que Pascal Affi N’Guessan, président légal du Front populaire ivoirien (FPI), les ex-ministres Innocent Anaky Kobena et Anzoumana Moutayé, en rupture de ban avec le parti de Laurent Gbagbo, ou Kanigui Mamadou Soro, président du Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (Raci), proche du président de l’Assemblée nationale (PAN), Guillaume Soro.

Lequel préparerait discrètement sa rupture avec Ouattara. Il n’a encore confié son plan à aucun de ses proches, ni fait part de ses intentions. « On sait qu’il ne va pas adhérer au RHDP », confie cependant l’un de ses conseillers, avant d’ajouter que le « PAN Soro » sera présent au congrès du Raci, annoncé pour le premier trimestre de 2019, et qu’il s’agira du point de départ de sa campagne électorale.


Patrick ROBERT/Corbis via Getty Images

Dans le camp présidentiel, grand vainqueur des élections locales du 13 octobre (boycottées par une partie de l’opposition), on se prépare également : depuis la fusion-dissolution en août des partis et mouvements fondateurs du RHDP, le Rassemblement des républicains (RDR, d’Alassane Ouattara), l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI, d’Albert Toikeusse Mabri) et les dissidents du PDCI sont en mouvement.

Garder le pouvoir !

Le premier congrès du RHDP devenu parti, qui vient d’être annoncé pour le 26 janvier, constituera un tournant décisif pour ceux qui, jusqu’alors, jouaient un double jeu entre leur parti d’origine et le parti dit unifié. Ils devront choisir.

L’objectif d’Alassane Ouattara est clair : son camp doit garder le pouvoir. Alors que sa propre candidature à un troisième mandat n’est pas totalement à exclure (il a cependant évoqué le «transfert du pouvoir à une nouvelle génération en 2020» lors de l’assemblée constitutive du parti unifié, en juillet), deux autres noms de candidats potentiels circulent : celui du Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, grand favori, et celui du ministre de la Défense et député-maire d’Abobo, Hamed Bakayoko.


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« Au terme de ce rendez-vous, tous les organes et toutes les structures du RHDP seront mis en place », promet la ministre Kandia Camara, secrétaire générale du RDR. Et d’ajouter, confiante : « Nous sommes convaincus qu’en 2020 le RHDP remportera la présidentielle. Nous avons toutes les chances parce que nous avons en notre sein des hommes et des femmes de qualité. »

En attendant Gbagbo

Quid du camp de l’ex-président Gbagbo ? Depuis sa prison néerlandaise de Scheveningen, l’ex-chef de l’État tient à garder la main sur son parti, du moins sur le camp des « Gbagbo ou rien », que dirigeait Aboudramane Sangaré. Le décès de ce dernier, début novembre, a rebattu les cartes chez les dissidents du FPI. Gbagbo mise moins sur son épouse, Simone, que sur le nouveau secrétaire général du parti, Assoa Adou.

Même si certains proches de l’ex-première dame rêvaient de la voir endosser le rôle de candidate potentielle, celle-ci temporise et invite « les militants FPI à faire bloc derrière le président Laurent Gbagbo ». « Notre chef nous appelle au rassemblement et à l’unité. Soyons mobilisés et attendons son retour parmi nous », tranche-t-elle. Quant à Mamadou Koulibaly, ancien du FPI, ex-président de l’Assemblée nationale et désormais président de Liberté et démocratie pour la République (Lider) et maire d’Azaguié (Sud-Est), il ne cache pas sa volonté d’être candidat en 2020.

« Après le verdict du procès en acquittement à la CPI, les choses se clarifieront davantage dans les deux camps rivaux du FPI, commente le politologue Sylvain N’Guessan. Si Gbagbo est libéré, il redeviendra la colonne vertébrale de son parti. S’il est maintenu en prison, les deux camps seront condamnés soit à se réconcilier, soit à se rallier à une autre coalition, comme celle de Bédié. »

En attendant, les « Gbagbo ou rien » et leurs alliés des petits partis pro-Gbagbo restent au sein de la coalition Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS, de Georges Armand Ouégnin). Il semble donc que l’on se dirige vers une tripolarisation de la vie politique ivoirienne.