Burkina Faso Le Ministère des Ressources Animales au service de l'agro-business ? Les dernières décisions du Ministère des Ressources Animales nous oblige à nous interroger. Le Ministère semble s'orienter résolument vers l'appui à l'agro-business. Que peuvent encore espérer les petits éleveurs de la part de leur Ministère de tutelle ? Dans le rapport du Conseil des Ministres du 9 juillet 2008, nous pouvons lire : « Au titre du Ministère des ressources animales : Le conseil a examiné et adopté un rapport relatif à la création d’une société anonyme de fabrique d’aliments pour bétail à Ouagadougou. L’implantation de la fabrique à Ouagadougou est la première phase d’un ensemble de mesures envisagées pour améliorer la sécurité alimentaire du cheptel national. Cette unité produira à terme cent mille (100 000) tonnes d’aliments pour bétail par an à partir des excédents céréaliers. Le coût total de l’unité est estimé à un milliard cinquante trois millions (1 053 000 000) de F CFA. Le conseil a donné son accord pour la prise de participation au capital de ladite société à hauteur de 75 % par le Fonds burkinabè de développement économique et social (FBDES). Il a par ailleurs instruit les ministres concernés par le dossier de prendre les dispositions nécessaires en vue de créer les conditions favorables pour une exploitation durable de ladite unité. » (Fin de citation). Cette décision est sans doute un des fruits de la visite que le Ministre, Sékou Bâ, chargé des Ressources animales a fait le 14 janvier 2008 dans les villages environnants de Ouagadougou. En son temps, cette visite a permis au Ministre de se rendre compte des menaces sérieuses qui pèsent sur l’alimentation du bétail en cette période de l’année. En moins d’un an, le prix de la tonne de tourteau est passé de 40 000 F CFA à 127 000 F CFA et même plus. De ce fait, les éleveurs de bovins ne s’en sortent plus. « A Koubri, le Ministre a pu visiter des fermes modernes appartenant à des autorités de ce pays. Il s’agit des fermes du président du Faso, de François Compaoré, et de celle du président de l’Assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré... Il a également visité la ferme de Joseph Kaboré, député et ancien ministre des Infrastructures. La visite de cette ferme a été des plus instructives. Sa production de lait est passée de 100 litres de lait par jour à 20 litres pour insuffisance alimentaire. De ce fait, la célèbre marque de lait, Coprolait, venant de cette ferme, vivote ». Après Koubri, le ministre s'est rendu dans la ferme du Larlé Naaba Tigré, chef traditionnel et député du parti majoritaire à l'Assemblée nationale. « Le ministre Sékou Bâ dit avoir pris bonne note des préoccupations évoquées par les uns et les autres. Il a assuré que dans le cadre du plan d’action et d’investissement du secteur de l’élevage, une politique alimentaire du bétail sera mise en place. Incessamment, un dialogue sera engagé avec les producteurs de sous-produits agro-alimentaires en vue de faciliter l’accès des éleveurs aux compléments alimentaires. Afin de mettre fin à l’envolée des prix de tourteau, le gouvernement envisage de racheter les aliments pour les revendre à des prix étudiés ». (cf article cité) Je ne doute pas que ces autorités de l'Etat ou autres éleveurs modernes ont pu acquérir du tourteau à un prix étudié. Même les éleveurs de la FEB ont pu bénéficier de prix avantageux pour 10 000 tonnes d'aliments pour bétail. Et il est dans son rôle quand il essaye d'améliorer la sécurité alimentaire du cheptel national. Mais le Ministère des ressources animales a d'autres ambitions ! C'est ainsi, que dans le compte rendu du Conseil des Ministres du 23 juillet 2008, nous pouvons lire : « Au titre du Ministère des ressources animales : « Le conseil a examiné un rapport relatif à la prise de participation du Fonds burkinabè de développement économique et social (FBDES) au capital social de la société de production de lait et de produits laitiers (SOPROLAIT). Ici, c'est plus inquiétant. Le financement s'élève à plus de six milliards de F CFA sans que l'on sache jusqu'où peut aller la participation du FBDES, donc de l'Etat. L'Etat va-t-il garder une participation à hauteur de 51 %, ce qui suppose un investissement de plus de 3 milliards ? Quand on sait que les essais précédents ont tous échoués (les laiteries de Cissê et Fasso Kossam ont fait faillite ; la Grande laiterie de Fada N'Gourma – investissement de plus de 800 millions de F CFA - est très loin d'être rentable), on peut s'étonner ! Ce n'est pas tout ! A qui appartiennent les quarante (40) fermes laitières dont parlent ce conseil des ministres : au président du Faso, à François Compaoré, au président de l'Assemblée nationale, à Joseph Kaboré, député et responsable de SOPROLAIT, au Larlé Naaba, député ... que du beau monde, proche du pouvoir en place. Pendant ce temps, la FEB (Fédération des Eleveurs du Burkina), n'a toujours pas un local pour établir son siège ! Pour ceux qui ne connaîtrait pas la FEB, je me suis rendu sur le site de la Confédération paysanne du Faso, dont la FEB fait partie. J'ai appris que la FEB est « la fédération des organisations d’élevage, toutes espèces animales confondues, au Burkina Faso. Créée en 2001, à l’initiative des éleveurs, la FEB est constituée en groupements et en unions repartis sur l’ensemble du territoire. C’est la structure faîtière du monde de l’élevage au Burkina Faso... La FEB est présente dans les quarante cinq (45) provinces du Burkina. La situation des organisations d’éleveurs en septembre 2001 était de 1 783 groupements dont 1 200 masculins, 291 féminins et 192 mixtes représentant ainsi 56 671 éleveurs. En 2005 le paysage des organisations d’éleveurs comporte plus de 3 500 organisations dont une centaine d’unions. » Bien sûr, on peut s'étonner que les 3 500 organisations qui constituent la FEB, n'aient pas trouvé les moyens de se procurer un siège. Mais on peut aussi s'étonner : « Comment l'Etat, après les échecs répétés de SOPROFA, des laiteries de Cissê, de Fasso Kossam, de Fada N'Gourma, peut-il s'engager dans de telles dépenses et laisser la Fédération des Eleveurs du Burkina sans moyen, pas même un siège ? » Koudougou, le 23 août 2008 |