Mali : Soumeylou Boubèye Maïga,
cible privilégiée de Soumaïla Cissé
Malgré de timides signes de rapprochement entre les deux camps qui se sont opposés lors de la présidentielle, l'opposant Soumaïla Cissé continue de remettre en cause les résultats et dit craindre pour les proichaines échéances électorales. Sa cible principale : le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga.
Six mois après la réélection contestée d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), la rencontre se voulait symbolique. Le 17 janvier, Bokary Tréta, le patron du Rassemblement pour le Mali (RPM, au pouvoir), s’est rendu solennellement au siège de l’Union pour la République et la démocratie (URD), à Bamako, pour s’entretenir avec Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition.
Un timide rapprochement entre les deux camps, alors que le leader de l’URD refuse toujours de reconnaître IBK comme président de la République. « Ce fut un moment de vérité. Il était important de se parler et de se dire les choses en face », explique Cissé. À l’issue de cette réunion, les deux partis ont annoncé qu’ils mettraient sur pied une commission paritaire. Objectif : relancer un dialogue politique embourbé dans les contentieux postélectoraux. Faut-il y voir l’amorce d’une réconciliation ? Pas si sûr.
Soumeylou Boubèye Maïga dans le viseur
Soumaïla Cissé continue en effet à déplorer le manque de concertation du gouvernement sur tous les grands dossiers du moment : crise postélectorale, situation sécuritaire, date des prochains scrutins (en particulier les législatives, qui ont été reportées sine die) et, surtout, réformes institutionnelles.
« C’est faux. Depuis son élection, le président s’est toujours montré disponible pour recevoir Soumaïla, mais ce dernier n’en a jamais fait la demande officielle », rétorque un proche d’IBK.
Dans le viseur de Cissé, le chef de l’État, bien sûr, mais aussi son Premier ministre. IBK lui ayant demandé de faire avancer ces dossiers brûlants, Soumeylou Boubèye Maïga est sur tous les fronts. Pas de quoi satisfaire son rival, qui dénonce les « manœuvres politiques en catimini » et le « manque de neutralité » d’un homme « occupé à préparer son avenir ».
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La révision de la Constitution comme la réforme de la loi électorale doivent faire l’objet d’un consensus
La récente nomination, sur décret du Premier ministre, d’un comité d’experts chargé de réviser la Constitution a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le Front de sauvegarde de la démocratie (FSD), une coalition d’opposition que dirige Cissé, a immédiatement dénoncé une décision unilatérale, d’autant plus regrettable qu’IBK avait été contraint de suspendre ce projet sous la pression populaire à la mi-2017.
« La révision de la Constitution comme la réforme de la loi électorale doivent faire l’objet d’un consensus. Ces débats de fond ne peuvent être engagés par le seul Premier ministre, qui peut être démis de ses fonctions du jour au lendemain. Ils doivent l’être par le président de la République et par l’Assemblée nationale », estime l’opposant.
Feuille de route
De leur côté, des proches de Boubèye Maïga disent ne pas comprendre cette attitude. « Comment Cissé peut-il tenir de tels propos et, en même temps, refuser de reconnaître le président ? » s’interroge l’un d’entre eux.
Et, poursuivent-ils, comment peut-il se plaindre d’une absence de dialogue, alors qu’après la réélection d’IBK il avait refusé de recevoir le Premier ministre ? À l’époque, celui-ci avait entrepris de rencontrer tous les chefs de parti pour leur présenter sa feuille de route.
Depuis, les eaux du fleuve Niger ont coulé sous les trois ponts de Bamako : ce 12 janvier, Soumaïla Cissé a fini par recevoir Boubèye Maïga chez lui en toute discrétion – signe qu’en dépit des apparences le fil n’est pas totalement rompu entre ces deux crocodiles du marigot politique malien.