[Édito] Affrontons les vraies difficultés !
Il est curieux que, à l’heure où la Chine et les États-Unis s’affrontent, où l’économie mondiale se désintègre et où les traités commerciaux se défont, le continent le moins intégré de la planète ait choisi de bâtir ce qui sera peut-être un jour la plus grande zone de libre-échange mondiale.
Pourtant, c’est bien le chemin que semble avoir emprunté l’Afrique le 21 mars 2018 lorsque 49 pays ont signé l’accord de création de la Zone de libre-échange continentale (Zlec).
Un an plus tard, d’autres les ont rejoints, dont l’Afrique du Sud, ne laissant à ce jour qu’une grande économie en dehors du processus : le Nigeria. Et, d’ici quelques semaines, le seuil des 22 ratifications nécessaires à la création effective de la Zlec sera vraisemblablement atteint. Ce sera une nouvelle étape plutôt qu’un aboutissement : le processus sera loin d’être déterminé, et il faudra sans doute encore une dizaine d’années avant que l’ensemble des négociations tarifaires ne soit achevé.
Mais qu’importe… La Zlec a replacé le sujet de l’intégration économique au cœur des débats, politiques comme économiques. Ce que l’Africa CEO Forum ne pouvait éluder, il a donc décidé d’en faire le sujet principal des deux jours de conférences qui s’ouvriront à Kigali le 25 mars. Selon le « Baromètre des CEO africains » qui y sera publié, 81 % des dirigeants d’entreprise interrogés sont convaincus que la création de ce marché unique aura un impact déterminant sur leur stratégie. Mais ils sont aussi presque autant à se dire insuffisamment informés sur ce sujet et sur ses conséquences.
Améliorer les compétences pour gagner en compétitivité
Qui seront les perdants et les gagnants ? Quels seront les secteurs qui bénéficieront le plus de la Zlec ? Alors que la fenêtre d’industrialisation du monde ouverte par la libéralisation des échanges se referme petit à petit, le secteur manufacturier africain trouvera-t-il réellement dans ce nouveau marché l’élément nécessaire à sa renaissance ? Les entreprises du continent y trouveront-elles leur compte ? Pourquoi certains leaders du secteur privé demeurent-ils hostiles à la Zlec ?
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S’il est fort probable que, comme souvent, beaucoup de prédictions se révèlent fausses, quelques éléments réels et concrets ne peuvent, eux, être ignorés : il reste deux fois plus coûteux d’acheminer un conteneur d’Abidjan à Ouagadougou que de Shanghai au port ivoirien, malgré un parcours seize fois plus court ; les paiements intra-africains restent plus chers et complexes que les règlements effectués dans le reste du monde ; l’aéroport de Lagos est mieux relié à celui de Londres qu’à celui de Johannesburg…
La baisse des tarifs douaniers ne suffira pas à changer la donne
Sans multiplier les exemples, une chose est certaine : si la baisse, voire la suppression, des tarifs douaniers est un élément nécessaire à la poursuite de l’intégration économique, elle ne suffira pas à elle seule à changer la donne. Les pays africains ont, aujourd’hui, trop peu d’intérêt à échanger entre eux. Trop de barrières les séparent.
C’est cette réalité qu’il faut s’employer à faire évoluer sans attendre qu’un vaste marché commun se mette réellement en place. Les recettes sont connues : moderniser la logistique intra-africaine, faciliter les investissements et les mouvements de personnes, multiplier les rapprochements éducatifs et culturels, faire naître davantage de groupes régionaux et panafricains. Mais tout cela reste largement à faire.
Les 25 et 26 mars, l’Africa CEO Forum tentera – modestement – de faire avancer les choses. Pour qu’enfin les vraies difficultés commencent à être prises en compte.
Plus d’informations sur le site : https://www.theafricaceoforum.com/fr/.