Franc CFA – Avant d’adopter l’eco, le FMI recommande le respect des « préconditions »
Selon l’institution internationale, le succès du projet de remplacement du franc CFA, en Afrique de l’Ouest, par une monnaie commune - l’eco - dépendra de la prise en compte de certains facteurs à la fois politiques et économiques. Elle s’inquiète par ailleurs du ralentissement de la croissance au sud du Sahara.
Sur la question du franc CFA, le Fonds monétaire international – de même que la Banque mondiale – avance sur un terrain miné. L’institution internationale, dirigée à l’époque par le Français Michel Camdessus, avait été rudement mise en cause pour la dévaluation brusque de la monnaie régionale de 1994. Le franc CFA avait alors perdu la moitié de sa valeur face au franc français, ce qui avait affecté l’épargne des ménages et la valeur des actifs du secteur privé.
Vingt-cinq ans après, le FMI, dirigé depuis le 1er octobre par la Bulgare Kristalina Georgieva, ex-directrice générale de la Banque mondiale et ancienne vice-présidente de la Commission européenne, prend ses précautions alors que le débat fait rage sur l’avenir de cette monnaie au moment où les pays de la Cedeao planchent sur son remplacement, en Afrique de l’Ouest, par l’eco.
Interrogée le 19 octobre, lors d’une conférence de presse du Comité financier et monétaire international, qui conseille le Fonds, en présence de Lesetja Kganyago, gouverneur de la Banque centrale sud-africaine (SARB) et président du Comité, Kristalina Georgieva s’est voulu prudente : « Nous savons que autant la Cemac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale] que la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] sont à un stade où elles réfléchissent à l’avenir de leur union monétaire. Et la question est pour ces pays de déterminer ce qui servira le mieux leurs économies. La décision n’est pas encore prise ».
Quel projet politique derrière l’eco ?
Elle a toutefois alerté ces États sur l’importance “d’ancrer leur monnaie d’une manière qui facilite la stabilité des prix et qui soit bénéfique pour leur économie”. Et rappelé la disposition du FMI à “appuyer le meilleur résultat possible à mesure que les discussions se poursuivent”.
La création d’une union monétaire sur le continent africain devrait être un projet politique
De son côté, le gouverneur sud-africain a insisté sur le caractère “politique” de toute union monétaire, au-delà du seul cas de l’eco et en référence au projet souvent évoqué d’une monnaie unique panafricaine : “Tout comme l’euro était un projet politique, la création d’une union monétaire sur le continent africain devrait être un projet politique. Il y a des leçons importantes à tirer et il y a des conditions préalables qui doivent être remplies”.
Lesetja Kganyago attend de la Cedeao un engagement politique comparable à celui de l’Union européenne : « Comme nous le montrent les leçons [tirées] de l’Europe, si vous voulez créer une union monétaire, vous avez en fait besoin d’une intégration plus profonde. Vous devez poser des questions au sujet d’une union fiscale […] et une union bancaire. Et toutes ces choses sont complexes. Cela n’empêche pas les différentes régions du continent de s’engager dans une union monétaire. Donc, le fait que la Cedeao ait décidé d’aller de l’avant et de faire ces choses, si toutes les conditions préalables sont remplies, indique, j’en suis sûr, que [les États de la région] pourraient aller de l’avant, tant qu’il y aura un engagement politique, un engagement politique à cet égard ».
Croissance mondiale en berne
Arrivé à la tête de la SARB en novembre 2014, ce vétéran du secteur financier africain est familier des turbulences économiques et politiques. Il est parvenu à réduire la volatilité du rand vis-à-vis du dollar américain, après des années de déclin entre 2012 et 2016 (-50 %), et durant une forte période d’instabilité politique : en décembre 2015, le pays a connu trois ministres des Finances successifs en moins d’une semaine…
Cette rencontre avec les médias a été organisée en marge des Rencontres annuelles du groupe de la Banque mondiale et du FMI, organisées du 14 au 20 octobre.
La plupart des 45 pays à la plus faible croissance se trouvent en Afrique subsaharienne
Selon la mise à jour d’octobre 2019 du rapport Perspectives économiques mondiales, publié par le FMI, la croissance économique est anticipée à 3,2 % cette année, soit vingt point de base de moins que dans l’évaluation de juillet dernier, et le niveau enregistré en 2018.
Le FMI mise sur la Zleca
Les perspectives de croissance du sous-continent, selon le Fonds, sont à peine supérieures à celle de l’économie mondiale cette année (3 %). Sur ce point, la patronne du FMI a exprimé son inquiétude quant au fait que “la plupart des 45 pays qui vont croître encore plus lentement que le reste du monde se trouvent en Afrique subsaharienne”.
Selon la dirigeante, cela engendrera un accroissement de “la distance entre les économies avancées et les économies en développement”. Aussi, pour l’ancienne DG de la Banque mondiale, si “la question du système monétaire est importante […] une question beaucoup plus importante est de générer une croissance soutenue et de stimuler l’intégration dans et au sein des nations africaines”, à travers notamment une mise en œuvre effective et efficace de la Zleca.