La Côte d’Ivoire interdit l’importation de sucre pendant cinq ans
pour booster l’industrie locale
Protéger temporairement l’industrie sucrière locale pour lui permettre d’investir et d’améliorer sa compétitivité. C’est le pari du gouvernement ivoirien pour répondre à une demande toujours croissante.
Le 29 janvier, le gouvernement ivoirien a décidé d’interdire l’importations de sucre dans le pays pour une durée de cinq ans. La mesure, conséquence directe d’une étude commanditée par le ministère du Commerce et de l’Industrie sur « la rentabilité globale et le niveau de compétitivité des entreprises sucrières ivoiriennes, à partir d’une analyse de la structure des prix et de l’évaluation du coût à l’importation », doit permettre aux deux industriels du pays, Sucaf, filiale de Somdiaa, et Sucrivoire, de Sifca, de mettre à niveau leurs installations sans craindre la concurrence.
L’étude a en effet montré la faible compétitivité de l’industrie locale, incapable en l’état de rivaliser avec les importations venues du Brésil, de Chine ou de Thaïlande et de satisfaire une demande croissante.
Des « contrats-plans » entre État et industriels
Alors que la consommation ivoirienne a été estimée à 243 000 tonnes en 2018, la production locale, de 197 270 tonnes, ne couvrait que 80,96 % des besoins nationaux, composés à 75 % des ménages et à 25 % des industries utilisant le sucre comme intrants.
Mais c’est surtout leur manque de compétitivité qui empêche les deux opérateurs de tourner à plein régime, la capacité de production de Sucaf étant estimée à 110 000 tonnes et celle de Sucrivoire à 113 000 tonnes. La performance de leurs usines reste en effet très faible par rapport à l’international, le coût du sucre ivoirien – visé par une TVA à 18 % alors qu’elle s’élève à 7 % au Sénégal ou au Burkina Faso – étant estimé à 419 755 francs CFA (640 euros) la tonne, contre une moyenne de 204 940 F CFA dans l’ensemble des pays producteurs.
Pour relancer la filière, qui n’a pas enregistré d’investissements soutenus au cours des dernières années, le gouvernement envisage de signer des « contrats-plans » avec chacun des sucriers. Ces mesures, présentées fin janvier en conseil des ministres, « visent à permettre aux entreprises d’investir en échange d’avantages fiscaux pour leur assurer une meilleure compétitivité » explique à Jeune Afrique Souleymane Diarrassouba, le ministre du Commerce et de l’Industrie, qui a visité ces dernières années les différents sites de production dans le nord du pays.
Encadrement des prix de vente au secteur agroalimentaire
Si un certain volume d’importation reste nécessaire pour couvrir le gap entre l’offre et la demande, il ne pourra passer que par les industriels du secteur, à charge pour eux d’approvisionner les entreprises agroalimentaires au même prix que si elles s’approvisionnaient sur le marché international. Un mécanisme de péréquation sera mis en place, a promis le gouvernement.
En 2017, Sucaf avait annoncé un plan quinquennal d’investissements de 83,7 milliards de F CFA sur la période 2017-2022 pour passer sa production à 130 000 tonnes. Sucrivoire table quant à lui sur un investissement de 100 milliards de F CFA sur la période 2018-2023.
À l’instar de la Côte d’Ivoire, c’est toute la sous-région ouest-africaine qui souffre de la sous-performance de son industrie sucrière, alors que la consommation de sucre augmente chaque année. Les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) produisent ainsi annuellement 1,17 million de tonnes de sucre pour des besoins de 2 millions de tonnes.