Côte d'Ivoire: les difficultés de la filière anacarde

L'anacardier est cultivé pour sa production de noix de cajou et de pomme de cajou.
L'anacardier est cultivé pour sa production de noix de cajou et de pomme de cajou. Pxhere/Creative Commons CC0

En Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de noix de cajou, la crise du coronavirus est venue accentuer les difficultés de la filière anacarde. Les grossistes n’arrivent plus à écouler leurs stocks, car les exportateurs connaîtraient des difficultés de financement bancaire. En bout de chaîne, les producteurs souffrent de cette crise : le prix bord-champs imposé par l’État n’est plus respecté. Mais sans autres moyens de subsistance, ils vendent leur production à des prix dérisoires.

C’est un homme d’une soixantaine d’années, les mains rugueuses et abîmées, qui finit par sortir de la forêt d’anacardiers qui encercle Gbôkokro, un campement de quelques huttes où se sont installés, dans un grand dénuement, des planteurs venus du nord du pays.

En plus de subir une perte de récolte en raison d’une chenille ravageuse, Bernard Koffikadjo a constaté une chute des prix de l’anacarde au cours des derniers mois. Les noix de cajou, se vendent jusqu’à 4 fois moins cher que le prix bord-champs théoriquement fixé par l’État : 400 francs CFA par kilo.

« On fait l’anacarde ça et là, mais les acheteurs viennent et ils disent qu’ils ne peuvent pas payer le prix fixé par le gouvernement. Des fois, c’est 100 francs, 150... En tout cas, ça ne nous arrange pas. On vend quand même, parce que si on n’a pas vendu, il n’y a pas autre chose qu’on puisse faire pour nourrir la famille », déplore Bernard Koffikadjo.

Des stocks bloqués pour éviter des prix bradés

Les acheteurs intermédiaires, collecteurs et grossistes, justifient ce faible prix d’achat par la difficulté de vendre les matières premières aux exportateurs, au port d’Abidjan. Une visite du hangar permet de comprendre l’ampleur de la crise.

Des dizaines de sacs sont entassés dans la remise, en tout 80 tonnes de coques de cajou en attente d’être écoulées. Les producteurs ont décidé de bloquer les stocks pour éviter que les prix ne soient bradés.

Mais le président de la coopérative, Soumahoro Issa s’inquiète de se retrouver avec cette production sur les bras. « Cela va rester, on ne sait pas comment bien conserver, comment on peut conserver... Peut-être jusqu’à un an ? Mais une année passée, ça va se gâter, donc on est obligé de libérer et de prendre l’argent et puis s’asseoir. »

« On est obligé de travailler avec eux »

La coopérative a en effet vendu environ 400 tonnes cette année au port d’Abidjan, mais selon Soumahoro Issa à des prix bien inférieurs à ceux fixés par l’État. « L’État a fixé un prix plafond de 480 francs que les exportateurs doivent prendre, mais aujourd’hui les exportateurs disent ouvertement qu’ils ne peuvent pas prendre ce prix, car cela ne se vend pas sur le marché mondial. Ils peuvent payer, 320 francs, 300 ou même 290. Ils disent le prix qu’ils veulent ! Mais on est obligé de travailler avec eux... » 

Si la crise économique liée au Covid a aggravé ces problèmes de transactions entre les intermédiaires, la filière anacarde connaît en réalité des dysfonctionnements structurels depuis plusieurs années, car la loi n’est pas appliquée. Pour répondre à la crise, le gouvernement ivoirien assure avoir débloqué une subvention de 35 milliards de francs CFA.

 
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