[Tribune] Big data : l’Afrique a encore une carte à jouer
Avec une formation professionnelle ciblée, le continent peut tirer profit du fort potentiel économique et industriel des données massives.
Depuis vingt ans, nous assistons à une profusion de données générées par les réseaux informatiques, les réseaux sociaux et tous les objets connectés tels que les smartphones. Le stockage et l’exploitation de données massives ont conduit à l’émergence d’une nouvelle application à la fois informatique et mathématique, le big data.
En Afrique, certains grands groupes s’orientent déjà vers ce domaine. Selon une étude réalisée par IBM et IDG Connect, cinq pays se démarquent par leur capacité à mettre en œuvre des applications à grande échelle dans un futur proche. Il s’agit de l’Afrique du Sud, du Kenya, de l’Égypte, du Maroc et du Nigeria.
Quant au Sénégal, des initiatives telles que l’organisation du challenge Data for Development (D4D) et différents forums sur l’intelligence artificielle existent pour sensibiliser les acteurs. Le big data dispose d’un fort potentiel de transformation du secteur des services et de l’industrie car il permet d’optimiser les processus décisionnels et crée de la valeur économique par la mise en évidence d’indicateurs de performance.
Harmonisation selon les standards internationaux
À travers le Plan Sénégal émergent (PSE), le pays a placé la création d’emplois au cœur de ses priorités. Pour relever ce défi, il est nécessaire d’explorer de nouveaux leviers de croissance, notamment dans le domaine du numérique. En ce sens, les applications du big data représentent une opportunité réelle. Compte tenu des atouts du Sénégal, à savoir la disponibilité du réseau de téléphonie, la souplesse de la fiscalité et le dynamisme de la classe moyenne, le secteur du numérique peut être placé au cœur du dispositif de lutte contre le chômage des jeunes diplômés.
La mise en œuvre du big data requiert des compétences qui font l’interface entre l’informatique et les mathématiques appliquées à la statistique.
Pour relever ce challenge, il faudra préparer les ressources humaines avec une offre de formation adaptée et respectant les standards internationaux ainsi que par une incitation à l’apprentissage des Stem (science, technologie, ingénierie et mathématiques) dès l’enseignement primaire. La prise en compte du phénomène s’articule avec la vision du Plan Sénégal émergent et consiste à « réorienter le système éducatif et l’enseignement vers les sciences, la technologie et la formation professionnelle au service du développement ».
La mise en œuvre du big data requiert des compétences qui font l’interface entre l’informatique et les mathématiques appliquées à la statistique. Elle débouche sur les filières certifiantes, les masters spécialisés, les troisièmes cycles en recherche appliquée et la formation continue. Les métiers qui en découlent sont : architecte informaticien, développeur, traffic manager, data scientist, architecte web, etc.
Tremplin vers l’emploi
Pour l’heure, nous pouvons déjà noter quelques initiatives. Le groupe ISM propose au Sénégal un parcours complet en master « big data & data stratégie », tout en organisant des « journées portes ouvertes » en coding destinées à des élèves de primaire. L’Université virtuelle du Sénégal (UVS), en partenariat avec l’Insa Rouen, développe un parcours complet « big data analytics » pour toucher un public plus large. Avec l’ouverture prochaine d’une école 42 au Sénégal, Xavier Niel, le fondateur de l’opérateur Free, compte faire du pays un hub pour couvrir l’Afrique francophone.
Ces différentes formations viendront à court et à moyen termes en aide aux entreprises qui ne parviennent pas à recruter suffisamment de professionnels qualifiés dans le domaine de l’informatique. Ce type d’offre est fortement encouragé par le Fonds de formation professionnelle et technique (3FPT) mis en place par l’État du Sénégal depuis 2014, avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD) et de la Banque mondiale, pour accorder des financements aux étudiants et professionnels pour des formations techniques et spécifiques.
Donner les moyens aux femmes d’être présentes dans les domaines d’études et les carrières Stem constitue un impératif et une solution sur le long terme. L’encouragement des femmes à se former dans ces secteurs, notamment appuyé par le bureau régional de l’Unesco à Dakar, permettra d’augmenter sensiblement le nombre de futurs diplômés dont ont grandement besoin nos entreprises.