Villes et climat : Abidjan traque les pluies diluviennes [1/6]
Inondations à Abidjan, le 25 juin 2020 © LEGNAN KOULA/EPA/MAXPPP
Avec l’érosion de ses littoraux, la capitale ivoirienne fait face à des inondations de plus en plus violentes. Premier épisode de notre série sur les villes face au défi climatique.
- Le principal danger
La Côte d’Ivoire occupe actuellement la 147e place (sur 178) des États les plus menacés par les catastrophes liées au réchauffement climatique, selon un rapport publié par la Banque mondiale en 2018.
De fait, alors que les pluies diluviennes sont devenues fréquentes, les populations urbaines comme celles d’Abidjan, sont de plus en plus exposées aux inondations.
Maisons sous les eaux, voitures emportées par le courant… Alors que les précipitations augmentent en intensité comme en durée, les rues de la capitale ivoirienne prennent régulièrement l’aspect de fleuves sauvages tandis que les victimes se multiplient.
En 2018, les fortes pluies avaient ainsi causé la mort de 20 personnes dans le pays et coûté près de 18 milliards de francs CFA (27 millions d’euros) de pertes et dommages. Cette année encore, la saison des pluies n’a pas épargné le pays. « Le bilan au plan national, à la date du 21 juin 2020, fait état de 721 ménages sinistrés, soit 3 605 personnes affectées, 9 blessés et 19 décès», déplorait Mariatou Koné, ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de la Lutte contre la pauvreté lors d’une réunion du Comité de coordination élargi (CCE) avec des acteurs humanitaires et des experts des organisations internationales, le 22 juin.
Si la position géographique de la ville – au bord du golfe de Guinée et de la lagune Ébrié – explique en partie les dégâts liés aux inondations récurrentes, le manque de préparation des acteurs locaux joue également un rôle majeur, comme le soulignait le ministre de la Ville, François Amichia, lors d’un webinaire organisé par Rabat et le Fonds mondial pour le développement des villes, le 26 juin dernier.
« Aujourd’hui, nous connaissons des inondations qui créent le désarroi dans la population, simplement parce que nos villes n’ont pas été préparées », a-t-il déclaré, avant d’affirmer sa volonté de s’adapter à la nouvelle donne.
- La figure de la lutte
Le professeur Abé Delfin Ochou, est un physicien renommé. Inspecteur général au sein du ministère de l’Environnement et du Développement durable, ilest le coordonnateur du Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA) en Côte d’Ivoire, qui lutte contre l’érosion à l’échelle régionale.
Un enjeu crucial car l’érosion est la raison principale de la perte des plages et des dunes. Or, ce sont ces dernières qui fournissent une protection naturelle contre les inondations, et donc un bon moyen de préserver l’économie. L’étude de la Banque mondiale souligne ainsi qu’en Côte d’Ivoire, la dégradation du littoral aurait coûté près de 2 milliards de dollars en 2017, soit l’équivalent de 4,9 % du PIB du pays.
Abé Delfin Ochou, qui plaide pour que le secteur de la recherche soit davantage associé aux initiatives de lutte contre l’érosion marine, est l’une des figures les plus investies du pays à ce sujet. Maître de conférence à l’université de Cocody, il est à l’origine de plusieurs études et publications sur les effets du réchauffement climatique en Côte d’Ivoire.
- Le chiffre à retenir
315 millions de dollars. C’est le montant du prêt accordé par la Banque mondiale afin d’aider la Côte d’Ivoire à prévenir les risques d’inondations et améliorer la gestion des déchets à Abidjan ainsi que dans les autres grandes villes du pays. Le projet permettra notamment de mettre en place un système d’alerte précoce des inondations et de renforcer les capacités des institutions.
La première phase du projet, dotée d’une enveloppe de 37 millions de dollars, sera consacrée à la construction ou réhabilitation de systèmes de drainage des eaux pluviales dans les quartiers d’Abidjan les plus exposés comme Yopougon, Abobo et Grand-Bassam (Sud-Est).
- Le projet phare
En 2018, la Banque africaine de développement avait fourni une subvention de 480 000 euros par le biais du fonds « ClimDev » pour aider la Côte d’Ivoire à remettre sur pied ses services d’informations climatiques et météorologiques et renforcer ses capacités de préparation face aux phénomènes météorologiques extrêmes.
Cette subvention a permis l’acquisition de six stations météorologiques automatiques qui recueillent les données pluviométriques et les transmettent à la Sodexam, où des spécialistes produisent avec des ordinateurs de pointe des rapports météorologiques en temps réel, ainsi que bulletins d’alerte en cas de risque d’inondation, permettant d’anticiper les catastrophes.