Sénégal : qui, d’Abdoulaye Wade ou d’Idrissa Seck, peut prétendre au titre de chef de l’opposition ?

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Mis à jour le 15 septembre 2020 à 14h34
Idrissa Seck salue ses supporters à Dakar, pendant la campagne pour la présidentielle du 24 février 2019.

Idrissa Seck salue ses supporters à Dakar, pendant la campagne pour la présidentielle du 24 février 2019. © Sylvain Cherkaoui pour JA

Au sein de l’opposition sénégalaise, c’est la question qui fâche. Faute de consensus, ses leaders préfèrent donc garder le silence sur cet épineux dossier.

La question est « gênante », au point d’avoir été renvoyée aux ultimes discussions du dialogue politique, officiellement lancé en mai 2019. Et ce n’est que le 30 août dernier que le statut de l’opposition et les modalités de désignation de son chef ont finalement été débattus par les partis concernés. Sans qu’un accord puisse être trouvé. 

« Dès le départ, nous avons considéré que [cette question] était une manière de chercher à nous diviser », affirme Mamadou Diop Decroix, le coordinateur du Front de résistance nationale (FRN, coalition de l’opposition). Si le député se dit « peu intéressé » par le sujet, qu’il compare à « un bonbon utilisé pour appâter [les opposants] », celui-ci pourrait en vérité avoir des conséquences importantes pour les personnalités susceptibles de revendiquer le poste. 

Opposition divisée

À Dakar, deux noms circulent : celui de l’ancien président Abdoulaye Wade, qui est à la tête de la coalition de l’opposition qui détient le plus de sièges à l’Assemblée nationale, et celui son ancien Premier ministre Idrissa Seck, arrivé deuxième à l’issue de la présidentielle de février 2019. Autrefois très proches, les deux hommes se sont affrontés (y compris dans les urnes) avant de se retrouver, après 2013, dans l’opposition à Macky Sall. 

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L’IMPORTANT, C’ÉTAIT D’ÉVITER QUE L’OPPOSITION N’IMPLOSE

Mais sont-ce les résultats de la présidentielle ou ceux des législatives qui doivent être retenus pour déterminer le mode de désignation du chef de file de l’opposition ? Divisés, les adversaires du chef de l’État ont pour l’instant préféré ne pas se prononcer. 

« Nous préférons ne pas communiquer sur le sujet, parce qu’il a été posé de façon malsaine », élude un cadre de l’un des principaux partis concernés. « L’important, c’était d’éviter que l’opposition n’implose », ajoute un participant au dialogue, pour justifier le fait qu’aucune décision n’ait été prise. 

« Chacun s’est exprimé selon sa propre perception du jeu politique. C’est ce qui nous a empêchés d’avancer sur cette question qui touche à nos relations avec le pouvoir », analyse Aldiouma Sow, le représentant du Pastef (le parti d’Ousmane Sonko) au dialogue politique. 

« S’exprimer sur le sujet, c’est un moyen d’appuyer un parti plus qu’un autre. L’opposition est trop divisée pour pouvoir faire un choix, explique un autre de ses leaders sous couvert d’anonymat. Idrissa Seck pense que c’est lui qui devrait occuper le poste et bénéficier des avantages que cela implique. Mais tout le monde sait que s’il est arrivé deuxième à l’élection présidentielle, c’est parce que d’autres l’ont soutenu. »

Mamadou Diop Decroix ne dit pas autre chose : « Les élections, c’est toujours une histoire de coalitions. Même l’APR [Alliance pour la République, le parti présidentiel] va aux élections en nouant des alliances. Qui peut dire qui pèse quoi aujourd’hui ? »

En quête de clarté

L'ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, lors d’un comité directeur du Parti démocratique sénégalais (PDS), à Dakar, le 13 février 2019.

L'ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, lors d’un comité directeur du Parti démocratique sénégalais (PDS),
à Dakar, le 13 février 2019. © Sylvain Cherkaoui pour JA


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ON NE SAIT PLUS QUI EST OPPOSANT ET QUI NE L’EST PAS

Le poste pourrait-il revenir à Abdoulaye Wade, 94 ans et 19 députés ? L’ancien président serait tenté. Selon certaines confidences, il en aurait même parlé avec Macky Sall il y a quelques mois lorsque leurs relations paraissaient s’être apaisées et que la formation d’un gouvernement d’union était évoquée.

Ce serait évidemment un pied nez à l’histoire, mais un problème se pose : sa formation, le Parti démocratique sénégalais (PDS), s’est retirée du FRN et refuse de participer au dialogue. « Le PDS n’a même pas participé à la dernière présidentielle », glisse un soutien d’Idrissa Seck. 

« La situation manque de clarté, observe Aldiouma Sow. On ne sait plus qui est opposant et qui ne l’est pas. On ne sait pas non plus quels accords sont passés et avec qui. » « Idrissa Seck ne peut pas s’exprimer sur cette question. Il ne veut pas apparaître comme quelqu’un qui a déjà négocié avec le pouvoir », estime le chef d’un parti de l’opposition. 

Pour sa part, la majorité a proposé de mettre sur pied une « commission d’experts » neutres, chargés de réfléchir à la question. Quoiqu’il en soit, en l’absence de consensus, la décision finale reviendra à Macky Sall.