Présidentielle au Niger : Hama Amadou, la dernière chance ?
Hama Amadou, à Paris, le 15 septembre 2015. © Vincent Fournier/JA
Investi candidat par un parti divisé, Hama Amadou a lancé sa campagne pour la présidentielle dont le premier tour est prévu le 27 décembre. Les obstacles sont toujours nombreux, mais le bras de fer est lancé avec ses adversaires.
Dans son pick-up sombre aux vitres teintées, Hama Amadou goûte chaque minute de la liesse populaire qui s’allume à son passage dans Dosso. Encouragée par les militants du Moden Fa Lumana, qui organisait son congrès le 19 septembre, la foule crie, siffle puis s’écarte devant les gardes du corps en tenue orange (la couleur du parti) qui entourent, au petit trot, le véhicule de l’ancien Premier ministre.
« Hama » n’est pas pressé. En politicien aguerri, il profite de l’instant, avant de rentrer dans l’arène Salma Dan Rani de la ville du Sud-Ouest. Dans cette antre des lutteurs traditionnels, le patron du Lumana n’a qu’un message pour ces troupes. Il lance, en cette fin de journée du 19 septembre : « Mon dossier sera à la Cour constitutionnelle. Nous irons aux élections et nous allons les terrasser, grâce à vous, militants ! ». En d’autres termes, lui, Hama Amadou, a bien l’intention de concourir à la présidentielle et d’empêcher Mohamed Bazoum de succéder à Mahamadou Issoufou.
Mais l’ovation de la foule orange rassemblée dans l’enceinte ensablée est trompeuse : le combat ne fait que commencer. Hama Amadou sait en effet qu’une frange de son parti le conteste. La veille, alors que ses fidèles ouvraient un congrès à la salle de réunion du gouvernorat de Dosso, des frondeurs du Lumana faisaient de même à quelques encablures, à l’hôtel Toubal.
La fronde…
À la tête des dissidents : Noma Oumarou. Ce dernier avait été désigné président du parti par intérim en l’absence d’Hama Amadou, après la présidentielle de 2015-2016. Mais, depuis, le Lumana s’est divisé, jusqu’à aller en justice.
Oumarou se considère toujours comme le représentant légal du parti et a obtenu le soutien de la justice nigérienne. Ce 19 septembre, alors que l’autre aile, menée par Tahirou Seydou, plébiscitait Hama Amadou pour la présidentielle, Noma Oumarou affirmait de son côté que le bureau politique de « son » parti désignerait dans les prochaines semaines un candidat.
Nul ne sait jusqu’où iront les divisions du parti orange. Les défections se sont multipliées, tandis que certains évoquent une scission et deux candidatures. Toujours est-il qu’en ce 19 septembre, au cœur de l’arène de Dosso, si Hama Amadou arbore le sourire d’un combattant sûr de lui, il est aussi conscient que sa formation politique est loin d’être en ordre de marche.
… et l’article 8
D’autant qu’un autre obstacle occupe jour et nuit l’esprit de l’ancien Premier ministre : celui de sa condamnation, le 13 mars 2017, à un an de prison ferme pour supposition d’enfants (un délit consistant à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui ne l’a pas mis au monde). Cette affaire, dite « des bébés importés du Nigeria », « Hama » lui doit déjà deux séjours en prison à Filingué, de novembre 2015 à mars 2016 et de novembre 2019 à mars 2020.
L’opposant nigérien avait finalement bénéficié d’une remise de peine décidée par Mahamadou Issoufou afin de désengorger les prisons en période de pandémie de Covid-19. Mais cette condamnation lui colle à la peau. En effet, l’article 8 du code électoral (contesté par l’opposition) dispose que toute personne ayant été condamné à au moins un an de prison est inéligible. « Du sur-mesure pour Hama Amadou, dénonce un cadre du Lumana. Le pouvoir a fait adopter ce code en 2019 pour le disqualifier, ce qui est anti-démocratique. »
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">CE QUE LA POLITIQUE A FAIT, LA POLITIQUE PEUT LE DÉFAIRE
Mobilisée depuis plus de deux ans, l’opposition a échoué à obtenir la révision du code électoral. Mais Hama Amadou n’en souhaite pas moins lancer le bras de fer. « La Constitution pose deux conditions : la première c’est qu’il faut être Nigérien d’origine. (…) Je peux considérer que cette condition, je la remplis pleinement. La deuxième condition est qu’il faut jouir de ses droits civils et politiques, et je considère que je jouis pleinement de mes droits », a-t-il expliqué mardi 22 décembre devant la presse.
« Le procureur avait exprimé le vœu, à la demande du gouvernement, que je sois déchu des mes droits civils et politiques pour cinq ans, mais le juge avait refusé de donner suite à cette demande », a-t-il ajouté. Et l’ancien Premier ministre de conclure : « J’ai l’intention d’être candidat et de gagner les élections ».
« Même s’il n’a pas été déchu de ses droits civils et politiques par le juge en 2017, il reste concerné par l’article 8 du code électoral », juge un de ses adversaires politiques.
La Cour constitutionnelle, qui doit valider ou non les candidatures avant la présidentielle, aura le dernier mot. « Nous allons déposer notre dossier, quoi qu’il arrive, et mettre la Cour et le pouvoir qui la contrôle devant ses responsabilités », explique un proche de l’opposant, qui conclut : « La condamnation d’Hama était un acte politique pour l’écarter de la course à la présidence. Or, ce que la politique a fait, la politique peut le défaire ».