Avec son « supercalculateur », le Sénégal veut peser dans la course à l’innovation
JBullSequana X1000, le supercalculateur d'Atos à Diamniadio. © BullSequana X1000- Supercalculateur installé à Diamniadio au Sénégal © ATOS
Après l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire, le pays dispose désormais d’un ordinateur ultra-puissant. Installé au sein de la Cité du savoir de Diamniadio depuis le mois de février, il doit permettre de produire à domicile des simulations à partir d’importantes masses de data.
« Les épidémiologistes ont bâti un modèle national de gestion de la pandémie, mais avec le supercalculateur, ils auraient pu en faire un pour chacune de nos quatorze régions », explique Abdou Sene, responsable du Pôle d’innovation et de l’expertise pour le développement (Pied) au sein de l’Université virtuelle du Sénégal.
Depuis le mois de février, le pays dispose de cet outil indispensable pour réaliser des simulations complexes, qu’il s’agisse de procédés industriels, de phénomènes climatiques ou de l’évolution d’une situation sanitaire.
« Mon projet le plus cher actuellement est de modéliser le profil hydrologique du Sénégal en intégrant à la fois eaux de surface et eaux souterraines. C’est un outil essentiel pour développer notre agriculture », détaille le mathématicien, qui, au sein du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, a participé au démarrage du projet d’acquisition du supercalculateur.
Livré en kit
Après l’Afrique du Sud en 2016 et la Côte d’Ivoire en 2018, le Sénégal est le troisième pays subsaharien à disposer d’un tel équipement. Il aura fallu cinq ans après les premiers échanges avec le constructeur français Atos pour réceptionner ce bijou technologique.
Livré en kit, au sein de la Cité du savoir de Diamniadio, le supercalculateur occupe désormais trois sortes de gros conteneurs réfrigérés formant un carré de 20 mètres de côté.
À la tête du projet, Seydina Ndiaye, directeur du centre des réseaux et des systèmes d’information au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, assure que toutes les équipes nécessaires à son fonctionnement seront bientôt en place.
Transfert total de compétences
Le contrat de 15 millions d’euros signé avec Atos court sur cinq ans et prévoit un transfert total de compétences aux chercheurs et informaticiens sénégalais. Le supercalculateur de Diamniadio est pour le moment deux fois moins puissant que celui livré en Afrique du Sud, mais sa capacité atteint tout de même 537,6 téraflops, soit 537 600 milliards d’unités de calcul à la seconde.
« Pas la peine d’avoir un cheval de course avant que nous ayons bâti l’écosystème pour en tirer le meilleur profit. Il faut former des ingénieurs et des techniciens pour assurer sa maintenance, et familiariser les chercheurs avec l’informatique développée par Atos, qui est propre à ce type d’équipement », précise Seydina Ndiaye.
Pour y parvenir, ce dernier entend s’appuyer sur les compétences locales, mais aussi mobiliser les Sénégalais de la diaspora, comme Sidy Ndao, professeur à l’Université du Nebraska-Lincoln (UNL) et passé par le célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), aux États-Unis, ou Moustapha Cissé, responsable du centre de recherche de Google sur l’intelligence artificielle, au Ghana.
Première modélisation
« Nos clients seront les universités, le gouvernement, mais aussi les entreprises qui, aujourd’hui, doivent envoyer leurs données à l’étranger pour pouvoir les traiter. Actuellement, pour connaître l’état de nos réserves en gaz et en pétrole, nous sommes obligés de recourir à des aides extérieures, c’est un comble ! Demain, Sonatel ne sera plus obligé de s’appuyer sur Orange. Les banques et les sociétés de transfert d’argent pourront aussi tirer parti de cet équipement », se réjouit Seydina Ndiaye.
« On ne voulait pas acheter un supercalculateur pour en faire un jouet pour les chercheurs, ajoute-t-il. Ce projet a été pensé pour accompagner notamment l’industrialisation du pays et le développement des usages numériques. »
L’acquisition de ce méga-ordinateur est d’ailleurs entièrement liée au Plan Sénégal émergent (PSE), porté par le président Macky Sall. Ce sont les chercheurs de l’Université virtuelle du Sénégal qui devraient pouvoir en profiter avant les autres. Le premier cas d’usage portera sur la filière rizicole, avec l’objectif de mieux maîtriser l’exploitation des parcelles de la vallée du fleuve Sénégal. L’achèvement de cette première modélisation est attendu pour la fin de 2021.