Ruée vers l’or africain (3/5) : les mines du Sahel, un trésor pour islamistes et trafiquants
Le site aurifère de Hounde, exploité par Endeavour au Burkina Faso. © Anne Mimault/REUTERS
Entre les « taxes » imposées aux négociants et les attaques de sites miniers, l’or représente des dizaines de millions de dollars pour les islamistes.
Le 23 septembre 2018, un Indien, un Sud-Africain et un Burkinabè, employés de la mine d’or d’Inata dans le nord du Burkina Faso, ont été enlevés alors qu’ils se rendaient à Djibo.
Quatre mois plus tard, en janvier, c’est un cadre canadien de la société Progress Minerals qui est enlevé et assassiné dans le nord-est du pays. Sans oublier l’attaque, plus meurtrière encore, des employés de Semafo, qui a fait 40 morts et 60 blessés en novembre 2019.
Si le symbole – des entreprises étrangères et des cadres souvent occidentaux – est présent, la perspective sonnante et trébuchante d’encaisser des fonds l’est encore plus : dans les 24 sites que les insurgés ont attaqués au Burkina Faso, les mines produisaient plus de 700 kg d’or par an, pour une valeur de plus de 35 millions de dollars.
Si les filiales régionales d’Al-Qaïda et de l’État islamique sont en première ligne pour attaquer les exploitations minières industrielles, elles s’en prennent aussi aux petites exploitations minières artisanales, une bouée de sauvetage pour des dizaines de milliers de familles.
Les forces gouvernementales impuissantes
« Pour les islamistes, les mines [d’or] sont à la fois une cachette et un réservoir de fonds avec lesquels ils peuvent recruter de nouveaux membres et acheter des armes, des explosifs et des détonateurs pour mettre en scène les attaques qui étendent leur pouvoir », a révélé l’année dernière une enquête d’International Crisis Group.
Au Burkina Faso, mais aussi au Mali et au Niger, le commerce informel de l’or au Sahel voit passer plus de 50 tonnes d’or par an pour une valeur de 2 milliards de dollars, selon les estimations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et les forces gouvernementales s’avèrent incapables de contrôler de vastes étendues de territoire.
L’or de contrebande circule dans des voitures et des camions, parfois même porté par des vaches ou caché dans des bottes de foin. Les enquêteurs des Nations unies ont découvert que des groupes islamistes imposent une taxe aux négociants en or de Kidal, dans le nord du pays, ainsi que dans les zones d’extraction de l’or de l’ouest du Niger.
Risque environnemental
Bien que les grands États de la région, tels que le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Nigeria, disposent d’organismes de réglementation plus puissants, une grande partie de leur production d’or artisanale échappe aux recettes nettes du gouvernement.
Cette activité présente aussi des risques environnementaux : environ 80 % des voies navigables du Ghana ont été polluées par des mineurs qui remuent les sédiments et y déversent des déchets, selon le ministre de l’Environnement, Kwabena Frimpong-Boateng.
L’exploitation minière sauvage cause des dommages similaires dans l’État d’Osun au Nigeria, qui est devenu le producteur aurifère à la croissance la plus rapide de la région.
Au Zimbabwe aussi, la contrebande sévit
De même, en Afrique australe, la contrebande d’or prive les trésors des États de revenus substantiels, bandes criminelles et fonctionnaires corrompus grippant le processus.
Au cours des deux dernières années, l’or est devenu la principale exportation du Zimbabwe : les ventes officielles sont évaluées à 1,4 milliard de dollars, mais l’or de contrebande pourrait peser deux fois plus.
Le ministre des Finances, Mthuli Ncube, a déclaré l’année dernière qu’environ 34 tonnes d’or ont été passées en contrebande à travers la frontière sud-africaine, où des gangs criminels peuvent le vendre aux raffineries, où il sera considéré comme provenant d’Afrique du Sud, qui possède le plus grand nombre de mines d’or au monde.