Niger: le bilan s'alourdit après l'attaque de deux villages dans l'ouest du pays
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Au Niger, le bilan ne cesse d'augmenter après les attaques menées dans deux villages différents du département de Ouallam dans l'ouest du pays, dans la zone des « trois frontières », proche du Mali et du Burkina Faso. On parle désormais de 100 victimes.
Selon le maire de la commune de Tondikiwindi, qui administre les villages ayant subi les attaques, il y aurait pour l'instant 70 morts à Tchombangou et 30 à Zaroumdareye, des chiffres également confirmés à RFI par le gouverneur de la région.
Les deux villages sont situés à environ 120 kilomètres au nord de la capitale Niamey, dans la région de Tillaberi à la frontière du Mali et du Burkina Faso. Cette zone dite des « trois frontières » est une cible régulière pour les jihadistes.
Une vengeance suite à la mort de deux jihadistes
Le maire parle de deux colonnes de centaines de terroristes venus à moto. Selon des sources concordantes, ce raid serait une vengeance suite à la mort de deux éclaireurs des groupes, tués par les groupes d'auto-défense du village.
Ce dimanche après midi, une délégation officielle menée par le Premier ministre Brigi Rafini et le ministre de l'Intérieur Alkache Alhada s'est rendue sur place afin de « soutenir moralement les populations ».
Le président nigérien Mahamadou Issoufou a présenté ses condoléances aux populations de Tchombangou et Zaroumdareye cet après-midi. Dans un tweet, il a qualifié ces attaques « de lâches et barbares ».
« Cette attaque est un acte de répression contre la résistance que les populations ont manifesté contre les jihadistes. »
Alkache Alhada, ministre de l'Intérieur du Niger, sur l'attaque menée par des jihadistes qui ont tué au moins 100 personnes à Tchoumbabango et Zaroumdareye
Le chef présumé de la bande est connu des services de renseignements
Outre leurs condoléances, les officiels ont apporté des vivres et des médicaments aux populations. Selon plusieurs sources, tous les greniers de vivres des deux villages ont été incendiés par les jihadistes. Une véritable « politique de la terre brûlée », selon un observateur. Arrivés sur zone, plusieurs centaines de soldats des forces spéciales de l'opération Almahaou quadrillent le secteur. Des ratissages sont en cours.
Un officier général a décrit les terroristes comme « des gens déchaînés, violents et sanguinaires ». Il a ajouté : « Il faut les rechercher et les neutraliser. Il faut leur faire la guerre. » Même si ces attaques ne sont pour l'instant pas revendiquées, le chef présumé de la bande, Maii Touwo, est connu des services de renseignements militaires : il s'agirait d'un natif d'un village voisin, issu de la même ethnie que celle qu'il a fait massacrer.
En tous les cas, les autorités ont très vite parlé de « terroristes ». C'est sûr que le mode opératoire avec une centaine d'assaillants, sur des motos, qui s'en prennent à plusieurs villages simultanément fait immédiatement penser à une action organisée, dont seuls les groupes terroristes ont les moyens. D’autant plus que ces localités du Tillabéri font donc partie de la zone dite des trois frontières. C'est plutôt une zone d'influence de l'EIGS, l'État islamique dans le Grand Sahara, mais les rapports de force sont mouvants. L'EIGS et le JNIM, acronyme arabe pour le Groupe de soutien à l'Islam et au musulmans (GISM), affilié à Aqmi, s'affrontent régulièrement.
Ces faits traduisent un effritement du pouvoir de l'État qui se passe dans un contexte insécuritaire de plus en plus accru avec des ruptures d'équilibre de pouvoir qui émergent et qui produisent des situations ingérables pour l'État.
Abdoulaye Sounaye, chercheur, sur les tueries du département de Ouallam : « Il y a une sorte de désétatisation de ses régions-là »
L'EIGS n’a pour autant jamais mené d’attaque de cette ampleur contre des civils. Le groupe s'en prend régulièrement à des villages pour piller de la nourriture, parfois même enlever des femmes et même s’il règne en utilisant la force sur les territoires qu'il contrôle, il joue aussi un peu sur l'acceptation de sa présence par les populations, et jamais on ne les avait vu massacrer dans de telles proportions. D'après plusieurs sources sur place, cette attaque serait partie d'un conflit communautaire. Ce qui serait plus inquiétant, car le Niger, jusque là a été plutôt épargné sur ce chapitre. On se souvient des massacres de Yirgou en janvier 2019 au Burkina Faso, et d'Ogossagou, en mars 2019 au Mali. Les expériences maliennes et burkinabè ont montré que les groupes terroristes savent parfaitement instrumentaliser ces conflits communautaires.
Les habitants survivants de l'attaque ont, selon les autorités, massivement fui vers le sud et la ville de Mangaizé, à 40 kilomètres de là, en zone sécurisée. Là-bas, un dispositif d'accueil attends les rescapés. Alkache Alhada a lui annoncé qu'une compagnie militaire nigérienne va s'installer dans la zone où a été commis le massacre, afin de protéger les populations restantes. À la demande du président Mahammadou Issoufou, un Conseil national de sécurité se tient ce lundi matin.
« Nous avons trouvé des populations très courageuses, meurtries, qui ont montré beaucoup de dignité. »
Alkache Alhada, ministre de l'Intérieur du Niger, après la mort d'au moins 100 personnes tuées par des jihadistes à Tchoumbabango et Zaroumdareye