Le Père Maurice OudetSi nous perdons l’Esprit du Christ,
que pouvons-nous offrir au monde ?

Je suis toujours étonné quand j’entends un confrère affirmer avec force que “Nous ne sommes pas une ONG !”, comme si ressembler à une ONG (Organisation Non Gouvernementale), c’était être proche de l’axe du mal, pour reprendre une expression bien connue. Bien sûr, je me dis que, par cette expression, ce confrère a voulu nous mettre en garde et nous inviter à ne pas oublier que nous sommes disciples du Christ, que nous devons travailler avec l’esprit des Béatitudes. De fait, n’oublions pas que le Christ nous dit : “Vous êtes le sel de la terre. Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? Il n’est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent.” (Mt 5, 13) Oui, si le sel se dénature, si nous perdons l’Esprit du Christ, que pouvons-nous offrir au monde ?

Mais cette image du sel peut aussi nous rejoindre dans notre vie de chaque jour. Nous ne sommes pas seuls. J’y vois une invitation à travailler, à collaborer avec d’autres. Le sel, seul, n’est pas d’un grand secours. À lui seul, il n’est pas mangeable. Mais fondu dans la sauce, il va donner du goût à toute la nourriture. Seuls, nous ne pouvons rien faire. Mais nous ne sommes pas seuls. Nous pouvons chercher et trouver des collaborateurs. Bien sûr, nous devons exercer un certain discernement. Mais ceci dit, oui nous pouvons trouver de vrais collaborateurs, de vrais appuis parmi les ONG. Voici donc quelques-unes de mes expériences avec des ONG..Lors d'une réunion

Chassons la famine”
En 1986, de retour au Burkina Faso, après 4 ans d’animation en France, je retrouve, comme curé cette fois, la paroisse de Kiembara dans le diocèse de Dédougou. Je lis les rapports annuels de la paroisse, et je découvre que neuf années sur dix, la paroisse a prodigué de l’aide alimentaire. Parisien d’origine, me voici vivant au milieu de paysans qui doivent faire venir de la nourriture des ports et des villes pour survivre. Cela me semble intolérable.

Je réunis un conseil paroissial élargi à toutes les forces vives. Pendant 3 jours, nous avons analysé la situation, recherché les causes, et même les causes profondes (!)… puis nous avons décidé d’agir. Nous avons décidé de mettre en place un projet intitulé : “Ensemble, chassons l’ignorance et la famine !” Mais comment le financer ? Je suis allé rencontrer la structure (une ONG !) de la Conférence épiscopale (une autre ONG !) chargée d’aider les paroisses à réaliser de tels projets. J’ai été orienté vers deux ONG (une hollandaise et une américaine) qui ont accepté de financer le projet. C’était le début d’une belle aventure, riche de résultats et d’enseignements.

À la défense des producteurs de coton
En 2001, le coton se vend mal… dans le monde entier, et donc aussi au Burkina et dans toute l’Afrique de l’Ouest. Je tombe sur un article de Jean-Pierre Boris “Le coton africain condamné à mort par les subventions des Américains à leurs propres producteurs”. Je contacte le Réseau “AEFJN” (Africa Europe Faith and Justice Network), une ONG où travaillent plusieurs Missionnaires d’Afrique… pour proposer une action commune. Il m’a été répondu un peu sèchement : “C’est votre travail, pas le nôtre”. Déçu, je reconnais tout de même qu’il y a là une part de vérité. Je vais donc voir François Traoré, le président de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB, une ONG, comme toutes les organisations paysannes) pour voir ce que nous pouvons faire. Ensemble, nous rédigeons “l’Appel commun des producteurs de coton de l’Afrique de l’Ouest” contre les subventions des USA et de l’UE. à leurs propres producteurs de coton (http://www.abcburkina.net/content/view/418/44/lang,fr/). Après cet appel, nous contactons l’ONG “Peuples Solidaires” et à nouveau le Réseau “AEFJN”. Là encore, ce sera le début d’une belle et riche aventure, où j’ai découvert l’intérêt que nous avons à travailler en réseau, et donc, entre autres, avec certaines ONG.

Différentes formes de collaboration avec les ONG

Le visage de la pauvretéJe voudrais maintenant signaler que notre collaboration avec les ONG peut prendre différentes formes. Personnellement, je n’ai pas fait de radio ni de cinéma. Mais j’ai collaboré avec une association qui avait une radio et je lui ai commandé des émissions radiophoniques (notamment sur la vie de quelques leaders paysans) que nous avons mises sur cassette ou sur CD. Ensuite, ces cassettes ou ces CD ont été mis à la disposition de quelques radios communautaires. J’ai également collaboré avec la Confédération Paysanne du Faso qui, grâce à l’appui financier d’une ONG active au Burkina, nous a permis de passer plusieurs fois à la télévision nationale pour défendre l’agriculture locale. Une première émission nous a permis de défendre le riz burkinabè et, par là, la souveraineté alimentaire. Une autre fois, nous avons défendu les éleveurs traditionnels et la production du lait local face aux importations massives de lait en poudre…

Parfois, c’est une ONG qui me demande quelques conseils ou renseignements. D’autres fois, c’est nous qui allons à la rencontre d’une ONG pour profiter de l’expérience de ses membres ou pour demander une personne-ressource afin d’animer un atelier. Tout récemment, nous avons été invités à discerner les esclavages modernes qui nous entourent. Dans notre communauté de Koudougou, nous avons décidé de nous intéresser aux enfants qui sont présents sur les sites aurifères du Burkina. Nous avons déjà pris contact avec l’ONG “Terre des hommes” qui nous a précédés sur ce terrain.

Passer à l’action
Le 10 février 2013, j’ai écrit une lettre dans “abc Burkina” (268) ayant pour titre : “La ruée vers l’or au Burkina”. “L’or tue, il tue bon nombre de nos enfants” En conclusion, j’écrivais ceci : “C’est pourquoi nous essaierons de répondre aux appels de ces populations et de travailler avec elles, sans oublier de prendre contact avec ceux qui nous ont précédés sur ce dur chemin semé d’embûches.” (Adresse : http://www.abcburkina.net/fr/nos-dossiers/vu-au-sud-vu-du-sud/881-468-lorpaillage-au-burkina). Le lendemain, je recevais un courrier d’une autre ONG me demandant quelques précisions en vue d’une prochaine collaboration.

Une façon de vivre la Rencontre
En conclusion, j’ajouterai que travailler avec les ONG, collaborer avec elles, est une façon de vivre la “Rencontre”. C’est aussi une façon d’accueillir l’invitation du pape François qui nous exhortait, le mercredi 27 mars, à “sortir” : “Suivre, accompagner le Christ, demeurer avec lui exige de ‘sortir’, sortir. Sortir de nous-mêmes, de la tentation de nous replier sur nos propres schémas qui finissent par fermer l’horizon de l’action créative de Dieu.”

Oui, sortons avec le Christ, qui nous redit : “Partons ailleurs, dans les villages voisins (les banlieues, les bidonvilles, les zones de fractures… et pourquoi pas, aujourd’hui, les ONG…), afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle ; car c’est pour cela que je suis sorti.” (Marc 1, 38).

Maurice Oudet
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