Dans les coulisses du huis clos au sommet du G5 Sahel à N’Djamena
Le 15 février, les chefs d’État du G5 Sahel, Macky Sall et Nana Akufo Addo se sont réunis en huis clos pendant plus de deux heures, tandis qu’Emmanuel Macron a participé aux échanges par visioconférence. Voici ce qu’ils se sont dit.
Comme il leur avait répété lors de tête-à-tête à l’Élysée ces dernières semaines, Emmanuel Macron a refait part à ses homologues sahéliens de sa volonté de « reconfigurer » son dispositif militaire au Sahel, tout en restant engagé dans la lutte contre le terrorisme, aux côtés de différents partenaires internationaux. Selon une source élyséenne, une « diminution significative » des moyens déployés et donc une réduction des effectifs sont d’ores et déjà prévus. L’état-major a ainsi été chargé de travailler sur différents schémas de planification.
Initialement, le président français souhaitait enclencher cette reconfiguration dès ce début d’année.
Les préoccupations d’Issoufou
Mais ses partenaires du G5 Sahel, redoutant une période de flottement à court terme, lui ont demandé de différer son calendrier de quelques mois. Macron, qui ne cesse de réclamer des gages politiques et militaires à ses partenaires sahéliens en échange de la présence de ses troupes, a accepté leur demande – convaincu, notamment, par l’envoi de 1 200 soldats tchadiens dans la zone des « trois frontières » et la relance de l’application de l’Accord de paix d’Alger au Mali. Le « réajustement » de l’opération Barkhane devrait donc être annoncé d’ici quelques mois, a priori lors du prochain sommet de la Coalition pour le Sahel prévu fin juin, à Bruxelles, où son secrétariat permanent sera prochainement installé.
Lors du huis clos, à N’Djamena, le Nigérien Mahamadou Issoufou a une nouvelle fois fait part de sa vive préoccupation sur le cas de Kidal et plaidé pour le maintien d’une présence militaire française sur place. Pas d’objection côté français, à condition que l’État malien fasse rapidement son retour dans le fief des ex-rebelles touaregs. Bah N’Daw, le président de la transition malienne, a réaffirmé sa détermination sur ce dossier, soulignant les récents progrès effectués avec la tenue du Comité de suivi de l’Accord de paix d’Alger (CSA) à Kidal le 11 février.
Ghazouani et N’Daw à la manœuvre
La mise en opération du fuseau ouest de la force conjointe du G5 Sahel a aussi été évoquée. Contrairement à son prédécesseur Mohamed Ould Abdelaziz, le Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani s’est montré disposé à faire avancer ce volet avec les autorités maliennes. Une opération conjointe des deux pays devrait ainsi être planifiée dans cette zone dans les mois à venir.
De son côté, le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré a confirmé sa volonté de poursuivre ses efforts militaires dans le nord du Burkina Faso. La question des négociations avec les groupes jihadistes, auxquelles son gouvernement a récemment ouvert la porte, a également été abordée. Emmanuel Macron a notamment rappelé la nécessité pour tous de s’aligner sur une même ligne rouge à ne pas franchir. Pour les responsables français, aucune discussion n’est possible avec la haute hiérarchie d’Al-Qaïda, mais seulement avec certains de ses membres subalternes pour tenter de trouver des solutions au niveau local ou communautaire.
Enfin, Macky Sall et Nana Akufo Addo, le président en exercice de la Cedeao, ont participé au débat sur la nécessaire inclusion des pays côtiers dans l’effort de stabilisation du Sahel. Ils ont plaidé pour une meilleure coordination régionale face à la menace que représentent les groupes jihadistes sahéliens. Parmi les pistes soulevées : une possible participation de ces États qui en ont les capacités à la task force Takuba, qui regroupe actuellement des forces spéciales de plusieurs pays européens au Mali.