Le Père Hilaire GuinkoQuatre années à la paroisse de Tapac, au Karamoja, et une année à Kampala comme Directeur du Centre de Jeunesse Sharing Youth Center ont enrichi ma compréhension des ONG. Certaines organisations non gouvernementales disent parfois : “Rien ne bouge”. Pourtant, les choses bougent. Les ONG sont les partenaires de développement de nombreux gouvernements. Parfois, la ligne de démarcation entre leurs activités et les nôtres est très étroite. Toutes les ONG ont une vision, des missions, des objectifs, des plans de travail ainsi qu’un contrôle et une évaluation des activités. Toutes ces structures sont disposées en vue d’offrir un meilleur service. Les ONG vont combattre pour être visibles sur le terrain, pour impressionner leur gouvernement et pour assurer un financement. Il y a des situations dans lesquelles on voit les responsables et employés des ONG se battre pour démarrer un même projet ; ils vont même tout faire pour poser une immense enseigne, plus coûteuse que le projet lui-même ! Oui, ils travaillent sur la base de projets.

Les ONG sont nombreuses dans les villes. Beaucoup visent aussi les zones rurales éloignées et dévastées par la guerre. Parfois, on entend que l’une ou l’autre est partie ailleurs, ou dans un nouveau “district”, pour utiliser un jargon ougandais. Mais pourquoi ?

Rappelez-vous mon affirmation : il y a une ligne de démarcation étroite entre elles et nous. Idéalement, une ONG se déplace quand un projet est terminé. Elles sont aussi parfois orientées par un gouvernement pour aller dans des zones moins développées en vue de commencer des projets de développement.

Le contexte de ce 21e siècle nous lie, Missionnaires d’Afrique, aux ONG en vue de travailler en partenariat ; il nous pousse même à être comme elles, sans embrasser leur idéologie. Je suis de plus en plus convaincu que nous avons beaucoup à apprendre d’elles en différents domaines.

Nous avons beaucoup à apprendre des ONG
Toutes les ONG sont fondées par des grands partenaires. Elles sont les gestionnaires des fonds d’autrui. Nombre d’entre elles exécutent des projets financés par leur organisation ou même par leur gouvernement. Au Karamoja et dans le Nord de l’Ouganda, beaucoup de ces organisations sont financées par des agences des Nations Unies ou par des gouvernements dans un but défini et avec une date limite précise.

Elles ont donc besoin d’un système financier transparent et crédible. Elles doivent, entre autre, présenter un rapport d’évaluation, avant que l’argent ne soit disponible pour le projet. Les ONG ont une très bonne garantie financière et l’argent est disponible aussi longtemps qu’il est bien géré et justifié.

Je souhaite que nous puissions apprendre des ONG. C’est vrai que les Missionnaires d’Afrique sont effrayés par l’argent et, parfois, nous ne sommes pas assez formés pour réaliser une association à long terme avec des partenaires importants. Pendant des années, nos ressources furent fournies par les familles aisées de nos confrères. Cela occasionnait une insécurité financière pour nos projets : quand le confrère partait, souvent le projet mourait. Selon moi, beaucoup de nos projets végètent parce qu’ils sont nés de l’initiative personnelle de confrères, avec l’argent de leur famille ou de leurs amis, mais menés sans aucun rapport précis, ou même sans que les Provinciaux en soient informés !

Un projet personnel est mis sur pieds et, quand le confrère part, ou meurt, nous le reprenons sans en analyser les implications financières. D’où le confrère recevait-il le financement ? Sommes-nous prêts, en tant que Société, à investir de l’argent ? Les amis et familiers du confrère sont-ils prêts à continuer à soutenir le projet ? Non, ils soutenaient une personne, pas un projet.

Dans la planification et la gestion des projets, on nous enseigne comment les présenter et les structurer de manière convaincante, mais on ne nous dit pas où les adresser. Le danger existe que nous devenions seulement des présentateurs et non pas des initiateurs de projets. Cependant, si nous développons notre gestion de réseau, nous identifierons un plus grand nombre d’ONG-ressources. Une étude de l’Institut d’Administration du Kenya montre que la plupart des personnes formées à la planification et à la gestion de projets en Afrique ont de la difficulté à les réaliser parce que leur réseau est trop limité. Elles ne sont pas connues des grandes agences. Celles qui ont eu la chance d’étudier aux USA ou en Allemagne deviennent des initiateurs de projets parce qu’elles sont connues de nombreux partenaires potentiels. C’est la réalité.

Comment maintenir nos projets
Pour maintenir nombre de nos projets, comme le Sharing Youth Center à Kampala, le Pélican au Burkina Faso ou d’autres, nous devons travailler avec des ONG et former des initiateurs de projets. Nous pourrions établir un bureau central de financement pour tous les projets des Missionnaires d’Afrique. Toutes les organisations auxquelles nous nous adressons ont leurs priorités et attendent un minimum de structures institutionnelles avant de libérer des fonds. Aucune ONG ne fournira un financement important sans que le partenaire n’ait une politique claire incluant l’expression d’une vision, un plan stratégique, un manuel des ressources humaines, des manuels financiers et administratifs, une politique de protection de l’enfance, une politique organisationnelle…

Le temps des projets locaux présentés et gérés en amateur par des prêtres ou par des Sœurs francs-tireurs est révolu. Nous avons besoin de compétences si nous voulons atteindre nos objectifs. Si nous avons de bonnes structures en place pour tous nos projets, je crois que la peur de l’insécurité financière sera réduite et que des jeunes confrères, même sans contacts en Europe, pourront gérer des projets. Nous devons toujours nous rappeler que l’ordination ou le serment ne nous prépare pas à la gestion d’un projet. La compétence en gestion s’acquiert par la formation.

Pourquoi avoir peur de ce qui nous appartient ?
Généralement, les ONG sont accusées d’offrir des salaires élevés à leur personnel pendant que les bénéficiaires reçoivent des “cacahuètes”. Certaines ONG dépensent plus de 50 % de leur budget en salaires et services à leur personnel, mais cela ne gêne personne car leur politique est claire dès le début. Si de bonnes structures sont mises en place, toute personne travaillant dans un projet financé par une ONG a droit à un salaire approprié. Jusqu’à maintenant, les Missionnaires d’Afrique n’ont pas bénéficié de cet aspect de leurs projets. Nous continuons à avoir peur d’inclure nos frais de fonctionnement dans le budget du projet. Pourquoi avons-nous peur de quelque chose qui nous appartient ? Peut-être parce que nous ne nous sentons pas assez qualifiés pour gérer cet argent. Pour bénéficier de cet aspect du financement, nous devons travailler à une politique et à des structures communes à tous nos projets. Beaucoup d’ONG nous ont confié leurs projets, mais sommes-nous payés pour cela ?

Solutions pour que nos projets fonctionnent bien
En Ouganda, le gouvernement tend à considérer tout ce qui n’est pas gouvernemental comme étant une ONG. Nous sommes donc une ONG. Mais qui sont nos agences de financement ? Dans notre Société, j’en connais trois qui nous aident à bien travailler : le Fonds de Solidarité à Rome, le Fonds de Développement à Washington, USA, et l’Association des Amis des Pères Blancs en France. Mais, souvent, la plupart d’entre nous ne savent pas comment obtenir des fonds de notre propre organisation.

Je crois que ces trois organisations sont supposées nous aider, dans notre apostolat, à réaliser les priorités de la Société dans chaque Province, Secteur et communauté. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir. Nos priorités doivent être claires. Le Fonds de Solidarité peut-il être strictement au service de nos projets ? Des institutions diocésaines en ont profité davantage que les confrères. Si les priorités des confrères ne sont pas dans la ligne de celles de la Société, que les Provinces les aident en leur fournissant les indications adéquates.

Beaucoup de nos gérants de projets ne sont pas capables de chercher de l’argent en dehors des fonds communs que nous connaissons. Nous tournons toujours entre le Fonds de Solidarité, le Fonds de Développement de Washington et les AAPB. Quand nous en avons fini le tour, nous cherchons alors des amis à qui nous demandons le même financement pour notre propre gloire ou pour la gloire de Dieu.

Voyant la faiblesse de notre système, je suggère les solutions suivantes afin que nos projets fonctionnent mieux :
Que le Fonds de Solidarité soit consacré aux projets des confrères en Afrique : ce sera notre ONU. Que le Fonds de Développement à Washington donne priorité à tous les Missionnaires d’Afrique au lieu de la donner aux citoyens américains seulement. Nous devons former des confrères en gestion et en expertise afin d’être capables d’établir des lignes directrices pour toutes nos institutions. Cela nous permettra de solliciter des fonds de toute organisation dans le monde.

Hilaire GUINKO