Nouveau scrutin, mêmes problématiques. Depuis qu’elle a quitté le pouvoir en même temps qu'Alpha Oumar Konaré, en 2002, l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-PASJ) se divise autour de la même question : doit-elle présenter un candidat aux couleurs du parti ou apporter son soutien à une tierce personne ? C'est cette deuxième option qui a été retenue du temps d’Amadou Toumani Touré (ATT) puis sous la présidence d'Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Et elle a valu au parti de l’abeille nombre de départs, ses cadres goûtant peu d'être durablement cantonnés à un rôle de simple allié du pouvoir.
Un candidat Adema ?
À moins d’un an de l’élection présidentielle qui doit venir clore la transition en cours, l’Adema étudie ses options afin d’éviter de se retrouver dans la même situation qu'en 2018, quand ses membres se déchiraient entre les partisans d’une candidature de l’Adema, les pro-IBK et les soutiens de Soumaïla Cissé, à l'époque poids lourd de l'opposition malienne. Et plusieurs camps se dessinent. « Comme toujours à l’approche d’un scrutin, l’Adema fait face à un risque réel de morcellement entre ceux qui voudraient promouvoir une candidature interne et ceux qui estiment que le parti n’en a pas les moyens », estime Abdoul Sogodogo, vice-doyen de la faculté de sciences administratives et politiques de Bamako. Prochaine étape décisive pour le parti : l’organisation, fin mai, d'un congrès (initialement prévu fin mars), au cours duquel les militants devront élire leurs dirigeants. "Nous sommes ouverts à toute hypothèse et nous ne souhaitons frustrer aucun allié potentiel" Pour Tiémoko Sangaré, président sortant de l’Adema et candidat à sa propre succession, la ligne à suivre est claire : « Les militants veulent un candidat Adema pour la présidentielle de 2022 ». C’est donc « une coalition formée autour d’un projet Adema » que soutiendra l’ancien ministre s’il est réélu à la tête du parti. « On nous a régulièrement fait le reproche de soutenir des candidatures qui n’étaient pas les nôtres et les militants en sont frustrés. À l’époque, le contexte le justifiait. Aujourd’hui, l’Adema ne peut plus se permettre de soutenir un candidat hors de ses rangs », poursuit-il.
« L’Adema a l’emballage, mais pas le produit »
Face à lui, plusieurs ténors du parti se montrent plus nuancés. Parmi eux, l’ancien ministre de la Communication Yaya Sangaré estime qu’il faut ménager les futurs alliés de l’Adema. « Nous ne pouvons pas nous permettre une quelconque arrogance à l’endroit d’autres leaders politiques en affirmant que l’Adema aura un candidat interne et rien d’autre. À ce stade, nous sommes ouverts à toute hypothèse et nous ne souhaitons frustrer aucun allié potentiel. L’Adema doit travailler avec modestie et humilité pour asseoir un vaste rassemblement et faire en sorte que personne ne s’en sente exclu », recadre-t-il. Alors que sa position va à l’encontre de celle du président de l'Adema, Yaya Sangaré plaide en faveur d’un renouvellement à la tête du parti. « Je pense que les militants ne sont pas satisfaits de la gestion des affaires. Pour beaucoup, l’Adema a raté le coche lors de tournants décisifs de l’histoire du Mali », tance-t-il. Une frustration qui pourrait coûter sa place à Tiémoko Sangaré. Face à lui, les noms de plusieurs potentiels challengers circulent. « On compte déjà quatre clans pour prendre la présidence du parti. Celui de Tiémoko Sangaré, le seul à revendiquer son envie d’un candidat Adema. Ceux des caciques Adama Sangaré, maire de Bamako, et Moustapha Dicko, ancien ministre de l’Éducation. Et celui du jeune loup Adama Noumpounon Diarra, dont la campagne a déjà commencé », décrypte le journaliste et analyste politique Alexis Kalambry. On risque de revivre des événements similaires à ceux qui avaient mené au départ d’IBK ou de Soumaïla Cissé"
À cette pression interne s’ajoutent les appels du pieds de plus en plus pressants de candidats extérieurs, officiellement déclarés ou non. Bien implanté sur l’ensemble du territoire et comptant de nombreux militants dans ses rangs, l’Adema, longtemps considéré comme un faiseur de roi, reste un soutien de poids. « Malgré tous les maux dont peut souffrir le parti, il est l’un des seuls à avoir un ancrage national et local. Mais il souffre d’un manque de leadership », poursuit Alexis Kalambry. « L’Adema a l’emballage mais pas le produit. Nous nous avons le produit, mais pas l’emballage », renchérit le proche collaborateur d’un ancien ministre qui a des vues sur Koulouba et cherche à obtenir le soutien de l’Adema.
La fin du parti ?
Candidat interne ou parrainage ? La direction à prendre pourrait être déterminée par les finances de la formation. Lourdement endettée, l’Adema dépendra pour faire campagne du soutien financier de certains de ses alliés. Elle pourrait ainsi soutenir dès le départ un candidat extérieur en contrepartie de postes-clés si ce dernier est élu. « Mais de plus en plus de voix reprochent à l’Adema son mercantilisme et veulent se choisir un leader qui rompe avec cette tradition », nuance Alexis Kalambry. Autant de questions qui seront tranchées lors du congrès de la fin mai. L’enjeu ? Trouver un leader consensuel capable de fédérer autour d’un projet commun ou, à défaut, creuser un peu plus les dissensions existantes. "Ce congrès doit consacrer l’amélioration de l’organisation et la responsabilisation du parti, estime Tiémoko Sangaré. Il n’y a pas d’enjeux personnels. Sans organisation forte, aucun leader ne peut aller nulle part. » « S’il n’y a pas d’entente, on risque de revivre des événements similaires à ceux qui avaient mené au départ d’IBK ou de Soumaïla Cissé, met en garde l’enseignant-chercheur Abdoul Sogodogo. La formation pourrait ne pas résister à une nouvelle scission. Si de grands noms devaient encore quitter le parti, cela pourrait être la fin de l’Adema. »
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