Le Père Callistus BaalaboorePsour bâtir un monde juste et promouvoir la dignité humaine, il y a plusieurs expressions et actions entreprises. L’expresion “témoigner du Royaume de Dieu” est facilement utilisée au Niger par l’Église où les activités de développement social et humain sont l’expression concrète du “Royaume de Dieu”.

 

Dans le contexte du Niger, nos interventions dans le développement social et humain se font en grande partie en milieu musulman, où la charité et l’aumône font partie des actes de foi. L’Église s’appuie sur ce fondement pour collaborer avec la population dans des activités caritatives et des petits projets de développement. En plus, d’une certaine manière, l’Église jouit d’un capital de confiance et de proximité avec la population.

Le Père Callistus participant à une réunionLes structures et institutions (Centres de promotion humaine, écoles, bibliothèques, centres culturels et centres de santé sous le chapeau de Caritas et Développement) sont créées pour assurer le bien-être de la population. Au Niger, l’engagement de l’Église dans le développement social et humain n’est pas destiné seulement aux chrétiens, mais à toute la population. C’est la manière pour l’Église d’exprimer la présence du Royaume de Dieu parmi ce peuple qui a besoin de justice sociale.

Avec le temps, l’approche de l’Église dans le développement social et humain est mise en question. On se demande si c’est une manière de convertir la population à la foi chrétienne, ou si c’est du paternalisme, ou bien une manière de s’afficher pour ne pas disparaître de la scène ? Pour l’Église au Niger, il y a un lien entre le sens donné au Royaume de Dieu et le développement social et humain. L’Église ne peut pas rester indifférente à la vie sociale de la population. Par son engagement dans le développement, l’Église vise à mettre l’homme debout. Elle désire transformer la société du point de vue de la justice sociale, de la liberté et de la solidarité.

Quand je suis arrivé à Zinder au Niger, il existait déjà beaucoup d’ONG qui intervenaient en collaboration avecatelier de couture l’Église dans des activités destinées à alléger la pauvreté de la population et dans des situations où une intervention ponctuelle était demandée. Ce sont, entre autre, World Vision, UNICEF, DED [Deutscher Entwicklungsdienst], Acoger y Compatir [ONG espagnol], Coopération Suisse, Programme Alimentaire Mondial [PAM], DANIDA. L’Église, quant à elle, avait deux organes que l’État reconnaissait comme ONG. Elles ont été restructurées en un seul : CADEV (Caritas et Développement).

L’Église au Niger est parfois confondue avec les ONG. Le chef d’un village, pour exprimer sa gratitude et sa reconnaissance pour notre intervention dans une crise alimentaire, disait un jour : “Parmi les ONG qui sont intervenues dans mon village, l’ONG Mission Catholique est la meilleure”. Pour ce chef du village, ce sont les ONG qui interviennent dans les projets de développement et dans les crises. Cela montre que la motivation de l’Église n’est pas claire, d’où la confusion entre l’Église et les ONG. Elle ne montre pas assez le côté “présence”, et “être avec” qui parfois touche la sensibilité de la population plus que la distribution de dons ou la réalisation d’un projet. C’est ce côté “être avec” qui fait la différence entre l’intervention de l’Église et celle des ONG.

Il arrive au ssi que L’Église travaille en collaboration avec les ONG dans une même zone pour aider la population à résoudre un problème ou à sortir d’une situation dégradante. Cette collaboration peut être faite dans un projet, ou une activité, ou bien encore dans un partage de savoir-faire ou d’informations. Nous collaborons dans la gestion des bourses d’études en proposant le nom des étudiants nécessiteux aux ONG qui soutiennent les études. Une fois la bourse accordée, elles nous versent la somme soit par tranche, trimestrielle ou annuelle, soit pour toute la durée de la formation. Nous gérons aussi des bourses pour la formation des enseignants, des infirmiers et infirmières, des animateurs de développement communautaire.

Nous avons eu aussi des financements pour des projets de formation des jeunes filles qui n’ont pas eu la possibilité d’aller à l’école et qu’on menace de donner en mariage alors qu’elles sont encore enfants. Pour éviter les mariages précoces, nous avons créé des centres de formation avec un programme qui dure au minimum deux ans pour occuper ces jeunes filles et les former dans l’alphabétisation, la science culinaire de base, l’hygiène, la vie coopérative, etc. Elles apprennent la couture, la broderie et d’autres métiers qui peuvent les aider à se prendre en charge. Nous formons aussi les jeunes dans des techniques simples et appropriées en agriculture et jardinage pendant la saison sèche.

Notre apport aux ONG
Les ONG interviennent le plus souvent dans des domaines prioritaires spécifiques. Mais nous, qui sommes sur le terrain, percevons un ensemble de domaines. Une de nos responsabilités est de bien cerner le problème dans un domaine, et de proposer le projet adéquat pour un financement par une ONG. Notre discernement ne doit pas être fait à partir du bureau ou de la chambre, mais avec les personnes concernées par le problème. L’élaboration du projet doit se faire toujours en collaboration avec les bénéficiaires, et les rôles doivent être bien définis. Cela favorise l’exécution d’un projet. Nous avons eu à travailler avec des ONG pour discerner un problème et élaborer un projet d’aide. Parfois l’ONG a accepté de financer le projet ou bien est devenue consultant technique.

Quelques ONG viennent nous proposer des projets. Pour ce genre de projets, il faut un discernement pour voir si cela convient à la base. Il ne faut pas accepter d’office des projets proposés par les ONG : ils sont parfois des pièges. Il faut d’abord voir si le problème est réel et si la base est intéressée et prête à participer dans son exécution et sa pérennisation. Des projets proposés que l’on accepte sans considérer leur impact sur la population sont souvent abandonnés par la suite.

La rémunération du responsable d’un projet
Une difficulté rencontrée est la rémunération du responsable d’un projet. Le plus souvent, les ONG demandent une participation financière et matérielle dans le coût total d’un projet. Dans ce cas, nous mettons notre participation dans les rubriques de “suivi et évaluation” ou de la rémunération du responsable du projet. Il est très rare que nous puissions mettre le coût de nos déplacements dans le coût total, mais parfois cela est possible. Dans les projets où les coûts de déplacement sont pris en charge par l’ONG, ce surplus d’argent aide aussi la communauté dans l’entretien du véhicule. Le coût des déplacements peut aller de 5 % à 15 % du coût total d’un projet selon la distance à parcourir et la durée du projet.

Nous faisons appel au Fonds de Solidarité de la Société en cas d’urgence ou d’une crise et pour des projets qui peuvent prévenir et éviter la crise dans l’avenir. Par exemple, dans une crise alimentaire, nous aidons la population, et en même temps nous élaborons des projets stratégiques qui, quand ils sont bien exécutés, améliorent la vie de la population et préviennent le plus possible une autre crise par la création de banques céréalières, la pratique de la culture contre-saison et la reconstitution et l’amélioration du stock de l’élevage. En cas d’inondation, nous aidons les sinistrés à reconstruire ou à trouver un logement plus sûr.

Un des avantages que nous avons est le fait que l’Église au Niger a une structure Caritas (CADEV) qui est reconnue par l’État comme une ONG locale. Nous faisons souvent appel à cette structure pour collaborer dans nos projets ou activités caritatives. La CADEV a plus ou moins l’expertise qui aide à une bonne élaboration d’un projet, à la recherche de financement et à assurer son suivi. Comme elle ne trouve pas tout le temps des financements pour nos projets, nous devons aussi rechercher ailleurs ces financements et soutiens.

Dans quelques cas, nous faisons appel à des personnes de bonne volonté et à des philanthropes. Nous avons parfois la chance de trouver des personnes ou groupes de personnes qui s’intéressent au projet et qui nous appuient financièrement ou matériellement. Notre intervention pour la prise en charge des personnes infectées et affectées par le VIH/SIDA est un bon exemple : nous avons commencé avec l’appui de bénévoles, de médecins, infirmiers/infirmières, agents sociaux et de philanthropes qui collaborent et qui participent à l’achat de médicaments et à l’alimentation de ces personnes.

Nous pouvons améliorer notre collaboration avec les ONG dans le discernement des solutions d’un problème donné. Notre proximité à la population est capitale pour faire le lien entre et la population et les ONG. Les ONG emploient souvent des experts et nous pouvons bénéficier de leur expertise pour améliorer nos activités. Nous sommes sur le terrain depuis longtemps et nous disposons d’informations précieuses qui peuvent servir aux ONG qui souhaitent intervenir.

Callistus Baalaboore