Mauritanie : Biram Dah Abeid en quête de reconnaissance
Arrivé deuxième lors de la présidentielle de 2019, le chef de parti veut être reconnu comme leader de l’opposition et demande au président Ghazouani d’agir concrètement contre le racisme et l’esclavage.
Biram Dah Abeid semble serein. Le bouillonnant et charismatique leader de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, est un homme politique écouté.
Après avoir connu la solitude de la prison et dénoncé dans des discours très virulents, voire clivants, le pouvoir de Mohamed Ould Abdelaziz, il a normalisé ses relations avec le président Mohamed Ould Ghazouani, avec lequel il s’est entretenu à plusieurs reprises, comme les autres opposants.
Assises nationales
Lui aussi n’avait pas anticipé la chute d’Aziz, poursuivi notamment pour s’être enrichi illégalement pendant ses deux mandats. « Cela prouve l’indépendance totale de Ghazouani, dit-il. C’est un coup inédit porté à l’impunité, qui pourra servir d’exemple dans d’autres pays. Mais il faut que les procédures aillent jusqu’au bout. Lorsque le pouvoir déçoit l’espoir qu’il a lui-même suscité, il y perd des plumes. »
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">IL CONTINUE DE DEMANDER UNE REFONTE DU SYSTÈME ÉLECTORAL
Avec le chef de l’État, Biram discute notamment des modalités des échanges que le premier souhaite organiser avec l’ensemble de la classe politique. Le député élu en 2018 continue de demander une refonte du système électoral et de défendre avec force ses premiers combats contre l’esclavage et le racisme, pour une gouvernance démocratique et pour une reconnaissance du « passif humanitaire » – disparitions et expulsions de Mauritaniens noirs vers le Sénégal et le Mali entre 1989 et 1991.
Bataille de légitimité
« Il y a des avancées positives avec l’agence Taazour [délégation à la solidarité nationale et à la lutte contre l’exclusion créée par le président], mais elles ne répondent pas aux attentes. Depuis que les militaires ont décrété la démocratie en Mauritanie, ils en ont confisqué beaucoup de piliers. »
Sans relâche, il réclame également la légalisation de son parti Radical pour une action globale, le RAG. « Il est toujours interdit car nous nous ne cautionnons pas la sémantique du pouvoir sur l’esclavage ! » s’emporte-t-il.
Bien qu’il ait coupé les liens avec l’opposition institutionnelle (« ancrée dans la nomenklatura féodale, elle s’est liguée avec le pouvoir contre nous »), il estime être aujourd’hui son véritable chef de file, ayant obtenu 18,59 % des voix à la présidentielle. Or, comme le veut la loi, ce statut revient de droit depuis 2014 aux islamistes de Tawassoul, qui comptent le plus de députés à l’Assemblée nationale.
Conflit avec Bouamatou
En parallèle de cette bataille de légitimité, il a publiquement ouvert un autre front, plus inattendu, contre Mohamed Ould Bouamatou. L’homme d’affaires et le militant politique s’étaient rapprochés en 2016 pour « coordonner la lutte anti-Aziz ». « En 2017, il m’a demandé de me ranger derrière la candidature de Sidi Mohamed Ould Boubacar. Je lui ai répondu de se ranger plutôt derrière la mienne ! »
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">JE N’AI D’ORDRES À RECEVOIR DE PERSONNE !
Finalement, le patron de Bouamatou SA (BSA), mécène de plusieurs candidats à la présidentielle, aurait accepté de financer sa campagne, à hauteur de « 140 millions d’anciens ouguiyas » (317 000 euros). « Il a estimé ensuite qu’il pouvait me donner des ordres, mais je n’en ai à recevoir de personne ! Il m’a soutenu, d’accord, mais très peu comparativement aux autres et cela ne fait pas de moi un partisan, ni un associé. » Biram lui a alors tourné le dos, la liberté chevillée au corps.