Climat : quand le Sénégal et le Ghana déculpabilisent la Suisse

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Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Damien Glez

Par le biais de projets de protection de l’environnement sur leur territoire, le Ghana et le Sénégal vont contribuer à compenser les émissions de CO2 de la Confédération helvétique.

On connaissait la technique du « frère du Sud, je récupère quelques unes de tes matières premières à potentiel énergétique, je teste chez toi les procédures polluantes, je produis et consomme chez moi les joules et les watts et éventuellement, je te renvoie quelques déchets ». Depuis la prise de conscience, activiste et politicienne, du réchauffement climatique et du droit des peuples à ne pas inhaler la pollution des autres, le Sud peut aider le Nord, de façon inédite, à se déresponsabiliser d’une émission de gaz à effets de serre difficile à réduire drastiquement.

Même « portraitisée » sous la forme de montagnes suroxygénées censément pourvoyeuses d’air pur, la Suisse enclavée et industrialisée aura du mal à respecter son engagement de réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre avant 2030, promesse faite dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. C’est là, au milieu de cette grande foire du droit à polluer qu’entrent en jeu les pays moins industrialisés…

Accord compensatoire

Le 20 octobre dernier, la Suisse signait, avec le Pérou, un accord compensatoire présenté comme le « premier accord de ce genre au niveau mondial ». Le pollueur invétéré demande à ce que son émission de CO2 en partie incompressible soit jugée au regard de la baisse d’émissions de gaz à effet de serre qu’il aura permis dans d’autres pays. Une sorte d’autorisation à polluer obtenue chez les meilleurs élèves de la vertu énergétique.

Après l’Amérique latine, c’est en Afrique que la Suisse exporte sa formule magique. En novembre, c’est avec Accra que Berne signait un accord qui devait lui permettre de compenser une partie de sa pollution domestique par des projets climatiques menées au Ghana.

Au programme : plusieurs centaines de milliers d’installations solaires de nature à favoriser la réduction des quantités de bois et de charbon de bois utilisés comme combustibles, du nombre de lampes à kérosène, de bougies à paraffine et autres groupes électrogènes diesel.

Cynisme ?

Du 5 au 9 juillet, la conseillère fédérale suisse Simonetta Sommaruga visite le Ghana, mais aussi le Sénégal, avec qui un accord bilatéral de protection du climat a également été signé, prévoyant notamment la promotion de la méthanisation des exploitations agricoles sénégalaises.

Le principe du « sois vertueux pour que je me permette de l’être moins » pourrait paraître cynique, voire injuste. Mais, cette fois, l’échange de bons procédés est cordial et civilisé. Bien sûr, l’Afrique subsaharienne caniculaire continuera de souffrir de la tendance mondiale au réchauffement climatique induit des comportements du Nord. Mais la Suisse n’est ni dans le top ten des pays les plus pollueurs en volume, ni dans le top ten des nations les plus pollueuses par habitant. Et un air local moins chargé de CO2, dans un Ghana ou un Sénégal moins déforesté, c’est toujours ça. En attendant de faire mieux…