Croissance durable : le Bénin décroche 500 millions d’euros dans une opération inédite
Selon les informations de Jeune Afrique, une centaine d’investisseurs ont été séduits par la double promesse de répondre aux Objectifs du développement durable (ODD) et aux exigences de rentabilité. C’est une première sur ce créneau pour un pays africain.
Quatre « piliers » adressant dix-sept objectifs de développement durable, à travers pas moins de 49 cibles prioritaires et 80 indicateurs de suivi… Au bout d’un considérable travail de « planification stratégique et d’établissement d’indices statistiques clairs », le Bénin a pu proposer à la mi-juillet aux investisseurs un nouvel eurobond aux contours inédits en Afrique.
Pour la première opération réalisée par un État africain sur ce marché des obligations internationales dédiées aux Objectifs du développement durable, l’équipe du Bénin, conduite par le ministre des Finances Romuald Wadagni, a pu convaincre plus de 100 investisseurs de participer à la mobilisation des fonds.
Cotonou a ainsi obtenu 500 millions d’euros pour une maturité de 14 ans au taux de 4,9 %. À titre de comparaison, le groupe bancaire panafricain Ecobank a dû consentir en juin un coupon de 8,75 % pour convaincre les investisseurs se souscrire à sa dette – certes subordonnée – jugée conforme aux normes de développement durable.
Qualité de la signature
Pour l’emprunt du Bénin, la demande a atteint trois fois le montant sollicité par Cotonou. « C’est le résultat du travail préparatoire qui a été mené, de la qualité reconnue de la signature du Bénin et de la vision et de l’ambition du chef de l’État, le président Patrice Talon », explique Romuald Wadagni, qui selon son entourage a consacré près de trois jours non-stop ces derniers temps à répondre aux questions des investisseurs en visio-conférence.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">LA PLUPART DES PAYS S’ÉLOIGNENT DES ODD, AVEC LE RISQUE D’ACCROITRE LA FRACTURE SOCIALE
« Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut relancer nos économies dans le sens d’une croissance durable, conforme aux ODD. Or la plupart des pays s’éloignent de ces objectifs, avec le risque d’accroitre la fracture sociale. Il est important de réfléchir et de mobiliser les moyens nécessaires pour les atteindre », insiste Romuald Wadagni.
« Nous avons réussi à obtenir un taux de crédit beaucoup plus bas que nombre d’autres économies dans la région. Le Bénin est le premier pays en Afrique et l’un des tous premiers au niveau mondial à avoir réussi ce pari. Au moment où l’on parle de relance de l’économie, le Bénin démontre que la finance de marché peut avoir un côté social », ajoute le dirigeant béninois.
Croissance durable
Si la possibilité existe depuis plusieurs années maintenant de solliciter les investisseurs intéressés par les impératifs du développement durable, l’émission d’obligations internationales correspondant à leurs exigences est un tâche plus difficile.
L’une des différences fondamentales entre ces obligations et les emprunts traditionnels est que « le produit des premières doit être utilisé spécifiquement pour financer des projets » dédiés et que l’émetteur doit « être transparent quant à l’utilisation des recettes », explique une note de l’équipe gestion d’actifs du géant français AXA.
Pour l’exécutif béninois, cet emprunt confirme l’ingéniosité mise à solliciter les meilleurs mécanismes possibles pour financer les ambitions de croissance du pays, mais également la volonté ferme du gouvernement d’atteindre les ODD et de poursuivre l’agenda 2030 des Nations-Unies.
Aussi, le Bénin a noué à la mi-juillet un partenariat avec le Réseau de solutions pour le développement durable des Nations unies pour « le suivi et à l’évaluation des progrès et des efforts accomplis par le gouvernement béninois afin d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) ».
Parallèlement, si Cotonou a pu s’appuyer sur ses partenaires bancaires – généralement Rothschild & Cie, Société générale, Natixis et Citi pour ses eurobonds -, le gouvernement a accepté de faire évaluer son emprunt par le spécialiste Vigeo Eiris (filiale depuis 2019 de l’agence de notation Moody’s). Pour ce dernier, le cadre général d’émission de ces obligations est à la fois aligné sur les quatre composantes des Principes des emprunts verts et des Principes des emprunts sociaux de l’Association internationale des marchés de capitaux (ICMA). Il est aussi « conforme aux meilleures pratiques » identifiées par Vigeo Eiris.
Prospérité et soutien aux populations
Dans le détail, sur la seule période 2021-2025, Cotonou prévoit de consacrer pas moins de 18 milliards d’euros au financement des quatre piliers des ODD identifiés. La majorité de ces fonds iront au volet « prospérité », couvrant l’accélération économique, qu’il s’agisse de l’accès à « une électricité fiable, à faible intensité en carbone et abordable », au maillage du pays en infrastructures physiques comme digitales et au soutien à l’emploi des jeunes, des femmes et des entrepreneurs ruraux.
Le deuxième volet de ce programme, environ 4,3 milliards d’euros, ira à des projets liés au pilier « population » (social), qui vont de l’agriculture à l’accès à l’eau, au logement, à l’éducation et à la santé. Environ 316 millions d’euros seront consacrés aux projets environnementaux (conservation, biodiversité…) et de gouvernance (« paix et partenariat »), dont la promotion des sites historiques et éducatifs, pour 215 millions d’euros.
Dans leur message aux investisseurs, les équipes de Romuald Wadagni n’ont pas manqué de rappeler que malgré la crise du Covid-19, le Bénin est dans le top 3 des pays avec le meilleur taux de croissance en Afrique subsaharienne en 2020 (environ 3,8 %), avec un rebond à 6 % attendu en 2021 et une moyenne de 6,4% sur la période 2022-2026, pointant sa résilience ces dernières années « tant face à la récession au Nigeria en 2016, qu’à la crise sanitaire ou à la fermeture de la frontière l’an dernier, avec le géant ouest-africain ».
Pour sa part, l’agence Moody’s a confirmé la note (B1) attribuée au Bénin, « soutenue par sa résilience économique, avec des perspectives de croissance robustes renforcées par les réformes structurelles en cours », pointant un assainissement budgétaire historique et les améliorations de la structure de la dette du pays.