Golfe de Guinée : des pirates toujours plus professionnels et plus agressifs

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Mis à jour le 10 août 2021 à 11h36
Patrouille navale des forces de sécurité béninoises.
© Patrouille navale des forces de sécurité béninoises.

Le golfe de Guinée est de loin la zone maritime la plus dangereuse au monde. Et les attaques y sont de plus en plus violentes et sophistiquées. La preuve en infographies.

Comment mieux saisir un sujet complexe que grâce à la datavisualisation ? En 2020-2021, chaque semaine, Jeune Afrique vous a proposé une infographie sur l’un des grands enjeux du moment. Souveraineté économique, problèmes sécuritaires, batailles politiques… Cette semaine, nous vous invitons à replonger dans ces décryptages exclusifs. Aujourd’hui, le fléau de la piraterie qui sévit dans le Golfe de Guinée, devenu en quelques années la zone maritime la plus dangereuse du monde.

Les assaillants sont lourdement armés, et leur opération remarquablement coordonnée. Le 23 janvier dernier, lorsqu’ils se lancent à l’abordage du Mozart, un porte-conteneurs appartenant à l’armateur turc Boden Denizcilik A.S. battant pavillon libérien, les pirates nigérians mettent tout en œuvre pour atteindre leur objectif : capturer les membres de l’équipage.

Lorsqu’ils se hissent à bord du navire, un mastodonte de 220 mètres de long parti de Lagos pour rejoindre Le Cap, les assaillants percent les parois des quartiers des marins, où ces derniers se sont réfugiés. Un ingénieur azeri est tué dans l’assaut, quinze marins sont enlevés, tous sont turcs. Les trois derniers membres de l’équipage laissés à bord ramèneront tant bien que mal le navire à Port-Gentil, au Gabon.

Un mois plus tard, mi-février, les quinze marins turcs sont finalement libérés par leurs kidnappeurs, au terme d’une « médiation » menée par une équipe européenne. Les détails de la transaction – et en particulier le montant de la somme versée par l’armateur – n’ont pas été dévoilés.

Cette attaque meurtrière est loin d’être une première dans le golfe de Guinée, qui connaît désormais la triste destinée du golfe d’Aden (au large des côtes somaliennes), qui était jusqu’en 2019 le point névralgique de la piraterie mondiale. Au cours de l’année 2020, 130 marins ont été enlevés au large des côtes ouest-africaines, au cours de 22 attaques.


Au fil des années, les pirates ont gagné en expérience. Voire en expertise. Ils se sont professionnalisés. Le modus operandi est désormais bien rodé. Les attaques – souvent réussies – ont lieu de plus en plus fréquemment en haute mer, loin de la mangrove du delta du Niger d’où partent les assaillants. Ils utilisent désormais des chalutiers comme navires « mères », qui viennent en appui aux petites embarcations rapides qui servent à lancer les abordages.

Une technique qui leur permet d’attaquer plus loin des côtes ainsi que de lancer des opérations plus longues et plus complexes. L’assaut mené contre le Mozart a ainsi duré six heures en tout. Ils se concentrent en outre sur les enlèvements jugés plus rentables, et ciblent les navires dont les compagnies d’assurances sont réputées pour verser des rançons afin d’obtenir la libération des équipages.

Pour tenter d’endiguer le phénomène, et apporter un soutien aux forces navales ouest-africaines aux moyens limités, l’Union européenne a lancé, le 25 janvier, une cellule de coordination et a fait du golfe de Guinée la première zone maritime d’intérêt européen. Le Danemark a promis l’envoi, en novembre 2021, d’une frégate dotée d’un équipage de 175 marins et d’un hélicoptère pour une durée de trois mois.

Les pirates qui opèrent dans le golfe de Guinée sont presque exclusivement des Nigérians installés dans le delta du Niger, région riche en pétrole mais dont les retombées économiques n’ont que très peu profité aux populations locales.

Un sentiment d’exclusion économique qui a servi de terreau aux gangs. Les kidnappings peuvent en effet rapporter gros : de 40 000 à 50 000 dollars par otage en moyenne, selon les experts en sécurité maritime de Bimco et Dryad Global.