Transition au Tchad : Le CMT assure la continuité de l’État

Le Conseil militaire de transition mis en place après la disparition du président Idriss Déby Itno continue de consolider les bases d’un État tchadien fragilisé par les attaques à ses frontières. Continuité institutionnelle, sécurité, soutien social, libertés… il est depuis quatre mois sur tous les fronts.

© Mahamat Idriss Déby Itno Général

Le 20 avril 2021, le Maréchal Idriss Déby Itno perdait la vie suite à l’incursion au Tchad d’une colonne rebelle, le jour même de la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle. La disparition du président de la République, chef de l’État et chef suprême des armées, a provoqué de nouvelles attaques aux frontières du pays et fait vaciller l’État sur ses bases.

Suite au refus du président de l’Assemblée nationale d’assurer la vacance du pouvoir, un Conseil militaire de transition (CMT) de quinze membres, dirigé par le général Mahamat Idriss Déby Itno, a été chargé de faire face aux menaces auxquelles le pays était confronté. Près de quatre mois plus tard, son bilan, en lien avec les acteurs politiques, sociaux et religieux du pays, ainsi qu’avec ses alliés internationaux, est probant.

Continuité institutionnelle

Une Charte de transition a été promulguée dès le 21 avril pour instituer les organes de la transition. Outre le CMT, il s’agit notamment du Conseil National de Transition (CNT), en cours de création, et du gouvernement de transition (GT). C’est conformément à cette Charte qu’un Premier ministre de transition civil, Albert Pahimi Padacké, a été nommé le 26 avril. Cinq jours plus tard, suite à la médiation initiée par la communauté internationale et après des consultations nationales, un gouvernement de transition a été mis en place par le Premier ministre. Le programme de celui-ci a obtenu la confiance de l’Assemblée nationale, à l’unanimité, le 14 mai.

LE PROGRAMME DU PREMIER MINISTRE A OBTENU LA CONFIANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE À L’UNANIMITÉ

Une feuille de route en attendant un Plan national de développement

Le gouvernement s’est doté d’une feuille de route, cadre de référence pour les organes de transition dans leurs relations avec les pays amis et les partenaires au développement. Celle-ci vise à assurer la continuité de l’État, à préserver les acquis de paix et de stabilité et à poursuivre les programmes de développement du pays, afin de créer les conditions propices à l’organisation des élections générales aux termes de la transition.

© Le Gouvernement de transition

La feuille de route définit trois axes stratégiques et dégage 123 actions dont elle estime les coûts de réalisation :

– Renforcer la sécurité et la défense : 298 milliards de F CFA, dont 11 milliards sont disponibles
– Organiser le dialogue, consolider la paix et l’unité nationale : 424 milliards de F CFA, dont 129 milliards sont disponibles
– Renforcer la bonne gouvernance et l’État de droit : 273 milliards de F CFA, dont 14milliards sont disponibles

Les actions prévues seront donc financées par le budget de l’État, mais aussi avec les partenaires au développement et les pays amis du Tchad, de manière bilatérale ou à travers un événement réunissant les bailleurs de fonds internationaux.

DES GAGES DE BONNE VOLONTE

Afin de convaincre ses partenaires politiques et sociaux de sa bonne foi dans sa volonté de réaliser une transition courte et de rendre le pouvoir aux civils à court terme, le CMTa multiplié les gestes de bonne volonté. Dans le même temps, il s’est attaché à ramener la sécurité à travers le pays.

• Paix et sécurité
Dès le début du mois de mai dernier, l’armée tchadienne a revendiqué la victoire contre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), dont la percée avait conduit à la mort du président Idriss Déby. Pour consolider leur victoire, une opération de recensement des militaires, ainsi qu’une autre, de désarmement, ont été menées par les forces de sécurité.


© Le 30 juin, visite du PCMT au contingent tchadien à Tera, zone des 3 frontières (Mali, Niger, Burkina Faso).

• Démocratie et État de droit
Les autorités ont libéré plusieurs prisonniers d’opinion, dont, en juin dernier, Baradine Erdeï Targuio. Notamment accusé de cybercriminalité, le président de l’Organisation tchadienne des droits de l’homme, qui s’était pourvu en cassation, avait été arrêté en janvier 2020 puis condamné en février dernier à trois ans de prison. Parmi les actes à mettre à leur crédit, les autorités ont également légalisé le parti politique Les transformateurs, du candidat à la présidentielle Succes Masra. Il faut noter que les droits des prisonniers de guerre du FACT ont été respectés. Enfin, le président du CMT a signé le 30 juin un décret accordant des remises collectives de peines aux condamnés de droit commun.

• Respect des libertés
Les autorités ont levé les restrictions sur les marches pacifiques et autorisé plusieurs manifestations sous le respect des termes de l’arrêté du ministre de la Sécurité publique. Ce fut le cas, le 29 juillet, lors de la marche organisée par le mouvement citoyen Wakit-Tama et qui s’est déroulée dans le calme.

LES AUTORITÉS ONT LEVÉ LES RESTRICTIONS SUR LES MARCHES PACIFIQUES

• Réconciliation nationale
Alors qu’un gouvernement d’union nationale et de réconciliation a été formé, un portefeuille a été dédié à cet objectif. C’est sous la direction du ministre chargé de la Réconciliation nationale qu’un comité, lui-même chargé de l’organisation du dialogue national inclusif, est en train d’être mis en place avec toutes les composantes politiques et sociales du pays. Ses membres seront choisis sur des critères de représentativité et de compétences. C’est dans le cadre de la politique de la main tendue du CMT aux opposants en exil que Hassan Fadoul khitir, réfugié au Togo depuis deux décennies, est rentré au pays.

• Social
Aucun retard de paiement des salaires des fonctionnaires et des pensions des retraités n’a été relevé, malgré la situation économique difficile que traverse le pays, accentuée par la crise sanitaire. Pour améliorer les services aux citoyens, dans l’urgence, les autorités ont acquis un groupe de 19 MW qui viendra renforcer les capacités de la SNE, alors que l’offre d’eau a été améliorée dans la capitale, N’Djamena.


RELANCE ÉCONOMIQUE : UN SOUTIEN MULTIFORME DES PARTENAIRES INTERNATIONAUX

La feuille de route dont le gouvernement s’est doté ne se substitue pas au Plan National de Développement (2022-2026) à venir, lequel devra relancer l’économie nationale. Pour le mettre en place, au même titre que la feuille de route, le Tchad aura besoin de tous ses partenaires. C’est pourquoi les autorités ont eu une activité diplomatique intense depuis quatremois, avec notamment les déplacements du chef de l’État au Niger, au Nigeria, en Angola et en France. Il faut souligner que le processus de transition bénéficie d’un soutien important de la communauté internationale, notamment de l’Union Africaine, de la Communauté́ économique et monétaire des États de l’Afrique Centrale (CEMAC), de la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), ainsi que de pays amis (Togo, Égypte, Qatar, Angola, Soudan…).

© Le 5 juillet, le PCMT et le Président Macron à l’Elysée.