Climat : les attaques de scorpions se multiplient en Afrique du Nord
Explication
Lors de violentes inondations cette semaine en Égypte, quelque 500 personnes ont été piquées par des scorpions. L’envenimation scorpionique constitue un vrai problème de santé publique en Afrique du Nord, que le réchauffement climatique pourrait aggraver.
Un phénomène inédit. Lors de tragiques et dévastatrices inondations qui ont coûté la vie à quatre personnes dans la région désertique d’Assouan, en Égypte, les 12 et 13 novembre derniers, les habitants se sont retrouvés littéralement encerclés par des scorpions.
Le gouvernorat a signalé 500 piqûres, mais heureusement aucun décès, en dépit de la présence du mortel scorpion à queue grasse. Le ministère de la santé a ouvert un numéro d’urgence et indiqué que les centres de santé du gouvernorat disposaient de 3 350 doses d’anti-venin, rapporte le média Al-Ahram.
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Jamais un tel phénomène n’avait été observé par le passé d’après le vétérinaire Zakaria Ben Lasfar, associé au Laboratoire des biomolécules, venins et applications théranostiques de l’Institut Pasteur de Tunis. Selon lui, une telle quantité de piqûres peut s’expliquer par le fait que les scorpions, qui n’aiment pas l’eau, ont été délogés de leurs terriers par la pluie.
« Excités, en phase de survie, ils ont cherché des abris dans les maisons, et les habitants, eux-mêmes dans la panique des inondations, n’y ont pas prêté attention. D’autant moins que le scorpion n’est d’ordinaire plus très actif à cette période de l’année », précise-t-il.
« Le scorpion s’adapte très bien aux fortes densités humaines »
Pour le climatologue égyptien Shaker Abul-Maati, un tel déluge est à attribuer au réchauffement climatique, qui accroît à la fois la désertification et les épisodes de pluies torrentielles dans la région. Mais, pour l’heure, rien n’indique véritablement que le scorpion en profite.
« Il est sûr qu’il est extraordinairement résistant à la chaleur et la sécheresse, une élévation de la température ne le gênera pas », estime Jean-Philippe Chippaux, chercheur émérite spécialiste d’envenimation à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). « Et, à la différence du serpent qui fuit l’homme, il s’adapte très bien aux fortes densités humaines », ajoute le chercheur. Il affectionne notamment les habitats dégradés, les zones périphériques où l’assainissement est déficient et où prospèrent les cafards, l’un de ses mets favoris.
Or l’arthropode venu du fond des âges – ses ancêtres terrestres connus remontent à plus de 350 millions d’années – affectionne particulièrement la région Afrique du Nord–Moyen-Orient. Celle-ci est considérée comme l’un des points chauds du scorpionisme, avec certains pays d’Amérique, notamment le Mexique qui enregistre un record de 300 000 piqûres par an.
Le nombre de morts régresse régulièrement
« La population exposée au risque de piqûres ne cesse d’augmenter », faisait valoir Farida Aliane, chargée de la lutte contre l’envenimement scorpionique en Algérie, lors d’un colloque à Alger en juin dernier. Le scorpionisme constitue un véritable problème de santé publique au Maghreb. L’Algérie recense ainsi quelque 50 000 piqûres chaque année, le Maroc 30 000. Seule la Tunisie a vu son nombre diminuer de 20 000 à environ 12000 ces dernières années (les données manquent pour l’Egypte et la Libye).
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« 20 % des envenimations revêtent un caractère de gravité et 1 % à 5 % exigent un placement rapide en réanimation », précise Jean-Philippe Chippaux, de l’IRD. La prévention et la prise en charge, elles, progressent régulièrement. De même que la chasse aux scorpions par les habitants qui les traquent au crépuscule à l’aide de torches à ultraviolet (le scorpion émettant une fluorescence). Le Mexique déplore moins de 50 décès par an, contre 1 500 environ il y a une cinquantaine d’années, souligne Jean-Philippe Chippaux. Trente personnes en sont mortes en Algérie l’an dernier. Les victimes sont presque toutes des enfants.